Lavaux : DEUX DIMÉTHYLANTHRACÈNES

Document disponible au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle
63 rue Buffon 75005 Paris

Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 10 février 2006
Plus d'information! Copie de la page de couverture


Thèse présentée à la faculté des sciences de Paris
pour obtenir le grade de Docteur es Sciences Physiques

par



J. Lavaux

Sur une association naturelle de deux diméthylanthracènes



soutenue le 15 janvier 1910

devant la commission d'examen :
Bouty, E., président
Haller, Blaise, examinateurs




INTRODUCTION.


Je me propose, ainsi que l'indique le titre de ce Mémoire, d'étudier un curieux mélange de deux diméthylanthracènes qu'on trouve généralement associés parmi les produits d'un certain nombre de réactions. Il présente les caractères apparents d'un corps défini, se montre à peu près inséparable par l'emploi des méthodes physiques seules et sur sa nature se sont mépris un certain nombre de chimistes, non des moindres, qui l'ont eu entre les mains. Friedel et Crafts dans trois réactions différentes, Anschütz d'abord, puis ailleurs Anschütz et Immendorff, Elbs et Wittich, enfin Zincke et Wachendorff obtinrent des corps auxquels ils attribuèrent tous la formule d'un diméthylanthracène.


Tous ces produits furent regardés par leurs auteurs comme des composés définis, et certains de ces corps leur parurent être identiques entre eux. C'est ainsi que, pour Friedel et Crafts, leurs trois produits n'étaient qu'un même composé. Pour Anschütz, il y avait identité entre ses deux produits et celui de Zincke et Wachendorff.


Enfin le dérivé d'EIbs et Wittich paraissait différent, tandis qu'entre ceux de Friedel et Gratis, d'une part, et d'Anschütz Anschütz, d'autre part, on pouvait entrevoir une identité possible, mais non certaine, dont les auteurs, d'ailleurs, n'ont jamais parlé.


Ayant eu l'occasion de préparer l'un de ces corps, en faisant agir, suivant les indications de Friedel et Crafts, CH2Cl2 sur le toluène, en présence de AlCl3, je m'aperçus que la diméthylanthraquinone dérivée de ce carbure était un mélange de deux isomères. Reprenant le carbure, je parvins à isoler l'un des constituants, en petite quantité, comme résidu moins soluble par des épuisements successifs du carbure brut par le toluène froid. Je l'appellerai carbure A; ce doit être le i .6-diméthylanthracène. En oxydant la portion restée dissoute et épuisant par l'alcool la quinone brute ainsi obtenue, on isole comme résidu la quinone du second carbure, B, qu'on en peut régénérer par réduction et qui paraît être le dérivé 2.7. On peut par ce procédé obtenir la séparation des deux isomères et les isoler à l'état pur.


Par la suite, je reconnus qu'un autre produit dérivé du toluène avec C2H2Br3 et AlCl3 était le même mélange et j'examinai alors la liste des divers diméthylanthracènes connus. Certains, par leurs constantes physiques ou leur mode de formation, me parurent devoir être ce même mélange; je fus amené à les étudier. Il avait été décrit jusqu'ici 15 modes de production de diméthylanthracènes et de plus une quinone. Les voici :


Quinone :
1 4-diméthylanthraquinone (on ne connaît pas le carbure) Gresly.


Carbures :
1° 1.3-diméthylanthracène (?) de Louise (p-diméthylanthracène);
2° 1.3-diméthylanlhracène(?) de Gresly (incompatible avec le précédent);
3° 2.3-diméthylanthracène d'EIbs et Eurich ;
4° 2.6-dimélhylanthracène de J. Dewar et H.-O. Joncs ;
5° Diméthylanthracène de Friedel et Crafts par AlCl3, CH2Cl2 et toluène ;
6° Diméthylanthracène de Friedel et Crafts par AlCl3, C6H5-CH2 et C6H5-CH3 ;
7° Diméthylanthracène de Friedel et Gratis par AlCl3 sur le chlorure de xylyle ;
8° Diméthylanthracène d'Anschütz par AlCl3, C2H2Br4 et toluène ;
9° Diméthylanthracène d'Anschütz et Immendorff par AlCl3 sur le toluène ;
10° Diméthylanthracène de Zincke et Wachendorff dit du goudron de houille ;
11° Diméthylanthracène d'EIbs et Wittich par AlCl3, CHCl3 et toluène ;
12° Diméthylanthracène d'Anschütz à partir d'un hydrure de tétraméthylanthracène ;
13° a-diméthylanthracène de Louise ;
14° Diméthylanthracène du pseudocumolstyrol ;
15° Diméthylanthracène de Van Dorp.


On pourra, d'après cet aperçu historique, juger de l'état de la question, quand j'ai entrepris ces recherches et du peu de développement des connaissances chimiques relatives à ces corps. Parmi eux, dans 7 cas, j'ai retrouvé le même mélange des carbures A et B. Dans un huitième cas décrit par Anschütz, j'ai reconnu le carbure B. Enfin j'ai obtenu un nouveau corps, répondant à la formule d'un diméthylanthracène, de constitution encore inconnue, que j'appelle C.


L'étude des diverses réactions où prennent naissance les diméthylanthracènes A et B, l'étude de leur constitution et de quelques-uns de leurs dérivés les plus importants feront l’objet de ce Mémoire.


CONCLUSIONS


La très faible différence des unités normales et des unités actuelles, environ 1 sur 50, est de l'ordre de grandeur de celle que tolèrent les industriels lorsqu'ils assimilent le cheval-vapeur français au horse-power anglais. Cette assimilation courante qui néglige 1/75e de la valeur de l'unité, ne choquant et ne gênant personne, on peut en conclure que remplacer le kgm. actuel par le N. kgm serait une réforme qui n'apporterait aucun trouble et passerait industriellement inaperçue. Ses multiples avantages, tant théoriques que pratiques, dont on a pu juger par les exemples précédents, invitent à l'effectuer. Je rappelle ce que j'ai dit, que le N. cheval-vapeur de 75N.Kgm.p.sec. pourrait être toléré actuellement; il ne différerait du horse-power que de 1/190 en plus, tandis que le cheval-vapeur actuel en diffère de 1/75 en moins. Mais l'unité normale rationnelle de puissance industrielle, le poncelet normal, ou si l'on veut cheval métrique, équivaudrait au kilowatt, ce qui est le point fondamental. Il suffirait, pour réaliser cette réforme capitale, d'une décision d'un congrès de physiciens d'abord, adoptant pour valeur normale de la gravité G == 10. Cela ne tarderait pas à entraîner l'adhésion des congrès de mécaniciens et d'électriciens et de celle de la Conférence générale des Poids et Mesures.


Dans l'exposé qui précède, je me suis attaché à conserver tout ce qu'il est à la rigueur possible de garder du système actuel des mécaniciens, principes, noms des unités, et cela dans le but d'éviter les impedimenta. Ainsi toute la réforme se réduit au seul changement de la valeur officielle g =9'",81 en la valeur normale G=10m/sec2. II n'en reste pas moins des points faibles, des lacunes sans intérêt pour l'industrie, mais de nature à heurter l'esprit des physiciens. Le mot gramme pris isolément ne peut plus aujourd'hui signifier autre chose qu'une masse; il n'y a donc plus lieu d'employer jamais l'expression gramme-masse. Il n'en est pas de même de l'expression gramme-force qu'il faut bien utiliser, faute de mieux, pour exprimer le poids, ne serait-ce que pour désigner le kilo-gramme-force normal, unité pratique de force du système que je viens d'exposer. On va voir que cette association de deux mots distincts n'est pas heureuse, mais que dire du mot kilogrammètre auquel je n'ai pas voulu toucher? Il nous ramène à la confusion complète entre la masse et le poids, car dans ce mot, par suite des conventions reçues et de la nature de l'unité, kilogramme ne peut représenter qu'une force. Il faudrait dire kilogramforce-mètre et encore en écrivant en un seul mot kilogramforce, sans quoi kilo-gramme-force-mètre signifierait «produit du kilogramme par une force et par le mètre», ce qui n'aurait pas le sens désiré.


Pour que le système des unités normales fût irréprochable aussi bien dans la désignation de ses unités, qu'il l'est, je crois, dans leur nature et dans leur valeur, il faudrait faire choix d'un mot unique désignant sans ambiguïté le poids normal du gramme, unité secondaire de force. Au contraire, dans le cas général, les mots poids du gramme à Paris, à la latitude 45°, etc., suffiraient pour s'exprimer. Pour cette unité au lieu d'adopter un nom quelconque mieux vaudrait par son étymologie en rappeler la nature. L'expression gramforce écrite en un seul mot pourrait suffire; mais il n'est pas logique d'associer en un seul deux mots, l'un grec, l'autre français, ni d'imposer aux physiciens étrangers le mot français force. En le traduisant en grec, on éviterait ces deux inconvénients et l'on arriverait au molgramdyne qui pourrait encore avoir l'avantage de rappeler, par sa terminaison, la relation de l'unité avec la dyne. Mais, quel que soit le mot -adopté, les physiciens auraient avantage à faire cesser l'incorrection du langage actuel, en prenant une décision dans ce sens, en même temps qu'ils adopteraient G == 10 pour valeur normale de la gravité. Il n'y aurait plus alors aucune ambiguïté, ni anomalie dans le langage : le gramme serait la masse, le gramdyne son poids normal, poids au lieu où G == 10. l'unité pratique de force, kilo-gramme-force normal, serait le kilogramdyne et le kilo-grammètre normal prendrait le nom logique de kilo-gramdynemètre.


Voilà ce qu'il faudrait pour compléter utilement le système que j'ai exposé, mais ce serait peut-être de-mander beaucoup aux mécaniciens, tandis qu'on pourrait le réclamer hardiment des physiciens. Le mieux serait sans doute que ceux-ci prissent pour leur usage une telle résolution, en laissant leurs habitudes aux mécaniciens. Il est vraisemblable que ceux-ci seraient bientôt entraînés par l'exemple et gagnés aux nouveaux usages.



 

MOTS CLEFS : anschütz / carbure / cheval / constitution / corps / crafts / dérivé / dewar / anthracène / elbs / étude / formule / friedel / gresly / horse / houille / hydrure / immendorff / impedimenta / isomère / mécanicien / mesure / méthode / nature / poncelet / power / principe / procédé / produit / pseudocumolstyrol / quinone / réaction / séparation / toluène / wachendorff / wittich / xylyle / zincke / bouty



visiteurs