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Thèse de pharmacie présentée à la Faculté de
Pharmacie
Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur de l'Université de
Paris
par
R. Lavielle
Contribution à l'étude
botanique, chimique et physiologique du KAA HE-E
soutenue en 1932
devant la commission d'examen :
Bougault, président
Hérissey, Fleury, examinateurs
Le Kaà hê-é (Stevia Rebaudiana BERTONI ; Composées) est une
plante spontanée, originaire du Paraguay. Ce nom, ainsi que ceux
«d'Azuca-cà-a et d'Eira cà-a» sous lesquels on la désigne encore dans ce
pays, lui viennent de sa saveur sucrée remarquable et signifient en langue
guarani : «herbe sucrée, herbe mielleuse». C'est d'ailleurs sous le nom
«d'herbe sucrée du Paraguay» qu'elle a été et est encore désignée quelquefois
en Europe.
Cette plante ne paraît pas avoir été très anciennement
connue. Son existence fut en effet signalée pour la première fois en 1887 ;
les quelques renseignements recueillis, provenant alors d'indiens et de
baqueanos indigènes étaient d'ailleurs très vagues, et, ce n'est que quelques
années plus tard que le Dr M. BERTONI, savant botaniste du Paraguay put avoir
la certitude de l'existence de cette plante et de ses propriétés
édulcorantes. Il s'agissait d'une plante rare, juste connue à cette époque de
quelques yerbateros du Nord Est. Les indiens, disaient-ils, mélangent en
petite proportion les feuilles réduites en menus fragments à l'Yerba Maté
afin de rendre plus agréable cette boisson naturellement amère ; ils lui attribuent en
outre la réputation d'une véritable panacée et même des propriétés curatives
dans la lèpre et la syphilis."
Malheureusement le Kaà hê-é poussait
dans la campo, région septentrionale du Paraguay, à peu près déserte, et où
les communications, par suite du manque de voies de pénétration, étaient et
sont encore de nos jours très difficiles. Cet état de choses devait
sérieusement entraver l'étude de la drogue.
En 1899 le D" BERTONI arriva à se
procurer quelques fragments de tiges et de feuilles, ainsi que des restes
d'inflorescences ; mais, malgré toutes les supplications et offres de prix,
il fut obligé d'attendre jusqu'en 1904 pour pouvoir s'en procurer un
échantillon complet par l'intermédiaire du R. P. LORENZO A. ESTIGARRIBIA,
curé de SAN PEDRO. Il put alors en faire une description exacte.
Dès 1899, le D' BERTONI reconnut
cependant qu'il s'agissait d'une espèce nouvelle et la décrivit sous le nom
d'Eupatorium Rebaudianium sp. n.
En 1905, donnant la description d'une
plante qu'il avait cultivée il montre qu'elle n'appartient pas au genre Eupatorium,
mais au genre Stevia. Elle possède en effet, quelques rapports avec
des plantes de ce genre : Stevia polycephala, BACKER, S. Collina,
GARD, et S. veronicae D. C. Il décrit alors en détails le Kaà hê-é
sous le nom de Stevia Rebaudiana BERTONI, nom sous lequel on le
désigne maintenant. Un an plus tard, HEMSLEY, dans le Hooker's Icônes
plantarum décrit la plante et la classe à son tour dans le genre Stevia.
La saveur extraordinairement sucrée du Stevia
Rebaudiana devait attirer rapidement l'attention des chercheurs ; il
était en effet intéressant d'essayer d'élucider la composition chimique de
cette plante, de savoir à quel principe pouvait être dû son énorme pouvoir
édulcorant.
La première étude chimique fut
entreprise par OVIDIO REBAUDI, en 1900, sur un échantillon que lui avait
remis BERTONI. Puis en 1908, RASENACK s'étant procuré quelques kgs. de drogue
par l'intermédiaire du consul allemand à Assomption, en entreprit également
l'étude. Après de longs tâtonnements, il réussit le premier à isoler un
produit cristallisé, à pou-voir sucrant énorme ; mais, ne disposant que d'une
quantité insuffisante de ce produit, il ne pût en approfondir l'étude.
Presque en même temps, KARL DIETERICH,
directeur du laboratoire d'Helfenberg, retrouvait le corps cristallisé
signalé par RASENACK ; il mentionnait en outre l'existence d'un deuxième
corps qu'il n'avait .pu, malgré plus d'un an d'efforts, obtenir cristallisé.
Ce sont là, à notre connaissance, les
seuls travaux ayant été effectués sur le Kaà hê-é ; par la suite, parurent de
nombreuses notes dans les Nouveaux Remèdes, le Kew Bulletin ;
les Annales de la Drogue, le Bull. soc. nat. Accl., la Revue
internationale des renseignements agricoles etc..., mais toutes ne sont
que des résumés des travaux des auteurs précédents et n'apportent aucun
renseignement nouveau sur le Stevia Rebaudiana.
Comme on le voit par ce bref
historique, si la plante, au point de vue botanique, avait été minutieusement
décrite par le DT BERTONI, la constitution chimique n'était encore
qu'ébauchée. Il nous a donc paru intéressant de reprendre l'étude du Kaà hê-é
au point de vue de la description anatomique de la plante, ce qui n'avait pas
été fait jusque-là, puis surtout au point de vue de la composition chimique.
Les premiers essais que nous avons
effectués au laboratoire ont été fait sur un kg. de plante qui nous a été
remis par M. le Dr POMARET. C'est également par son intermédiaire que M.
CARLOS SOSA, ancien sous-secrétaire d'Etat de la République du Paraguay, nous
a expédié une quantité importante de Kaà hê-é qui nous est parvenu en parfait
état de conservation. Je suis heureux de remercier tout particulièrement M.
CARLOS SOSA pour ce généreux envoi. Je n'ignore pas les nombreuses
difficultés matérielles auxquelles il s'est heurté : il a été en effet
obligé, pour récolter une telle quantité de drogue, de mettre sur pied une
véritable expédition en zone tropicale. Devant un tel désintéressement, je ne
puis qu'assurer M. CARLOS SOSA de ma plus vive gratitude pour m'avoir fourni
les matériaux indispensables à l'étude qui fait l'objet de cette thèse.
Ce travail se divise de la façon
suivante :
La première partie est consacrée
à l'étude botanique du Kaà hê-é. En ce qui concerne la partie systématique,
il nous a paru bon de rappeler, pour cette plante peu connue en Europe, la
description qu'en a fait en latin le botaniste BERTONI. Au point de vue
morphologie, nous avons voulu voir si la plante ne présente pas quelque
particularité. Nous avons étudié la feuille et la tige de Stevia
Rebaudiana, soit sèches, soit à l'état frais, un pied de St. R.
existant dans les serres du Muséum d'Histoire Naturelle.
La deuxième partie comprend
l'étude du principe sucré du Kaà- hê-é et se divise ainsi :
1. Résumé des travaux antérieurs.
2. Essais de caractérisation d'un
glucoside dans les feuilles et dans les tiges du Stevia Rebaudiana.
par la méthode biochimique, puis par hydrolyse acide.
3. Extraction du glucoside
(Stévioside).
4. Existence d'un seul glucoside sucré
dans la plan-te, la rebaudine de DIETERICH n'étant que du stévioside impur.
5. Etude des propriétés physiques et
chimiques de ce glucoside.
6. Hydrolyse fermentaire du stévioside
; produits d'hydrolyse diastasique et d'hydrolyse acide.
7. Formule du stévioside.
ROBERT, ayant en 1915, fait entrer les
corps isolés par DIETERICH dans la catégorie des saponines, nous avons été
amenés dans la Troisième partie à étudier l'action physiologique du
Stévioside retiré du Kaà hê-é.
Le travail se termine par les
principales conclusions dégagées de nos recherches.
I. Le Kaà hê-é, petite plante herbacée
originaire du Paraguay, à saveur très sucrée, appartient au genre Stevia
du groupe des Eupatoriées (Composées). Elle a été décrite par le botaniste
BERTONI sous le nom de Stevia Rebaudiana. La morphologie interne de la
tige et de la feuille est celle du groupe des Eupatoriées. Des poils
«d'aspect boudiné» et des poils sécréteurs logés dans les cryptes de
l'épiderme inférieur de la feuille semblent caractériser cette espèce.
II. Le Stevia Rebaudiana BERTONI
renferme un principe possédant une saveur sucrée considérable. Ce principe
est un glucoside qui a été extrait pour la première fois à l'état cristallisé
par RASENACK, en 1908, puis par DIETERICH, en 1909. L'étude de ce principe
que nous appelons le stévioside n'ayant été qu'ébauchée par ces auteurs, nous
l'avons reprise, et nous avons obtenu les résultats suivants :
Les feuilles de Stevia Rebaudiana
Bertoni fournissent, par le procédé que nous avons décrit, 60 à 65 g. de
stévioside par kg., ce qui est un rendement intéressant. Les tiges renferment
beaucoup moins de principe sucré ; nous en avons retiré 3 g.,60 par kg.
Le stévioside pur cristallise en
prismes allongés, incolores et constitue une poudre blanche, légère. Il
possède une saveur sucrée considérable que l'on peut estimer 300 fois
supérieure a celle du sucre.
Ce serait donc le produit naturel le
plus sucré que l'on connaisse.
Il fond au bloc Maquenne,
instantanément, à +238°-239°.
Il se conserve à l'air sans altération,
mais il augmente ou diminue de poids suivant l'état hygrométrique de l'air.
Il est lévogyre, [a]D = - 31°,81 pour le produit anhydre.
Il est soluble dans l'eau, puis la
solution se prend en une masse d'aiguilles feutrées, représentant un hydrate
à 10,43 p. 100 d'eau, très peu soluble dans l'eau, 0 g.,113 pour 100 cm3, et
possédant une saveur moins sucrée que le stévioside.
Le stévioside n'est pas azoté.
Il est hydrolyse par l'acide sulfurique
à 5 p. 100, en 3 heures, au bain-marié bouillant en donnant un produit non glucidique
cristallisé, insoluble dans l'eau : l'isostéviol, et un sucre réducteur qui a
été obtenu cristallisé : le glucose-d. Les proportions de ces
constituants sont les suivantes :
Glucose............ 66,84 p. 100
Stéviol............. 40,38 p. 100
Le stévioside qui résiste à l'action
hydrolysante de l'émulsine, de la rhamnodiastase, de la poudre d'Aspergillus
niger, du macéré de levure basse séchée à l'air, est facilement hydrolyse
par le suc digestif de l'Hélix Pomatia et par l'hépatopancréas
de cet animal.
L'hydrolyse par le suc digestif est
très rapide : en 5 jours, 90,5 p. 100 du stévioside ont été hydrolysés.
Le sucre de l'hydrolyse a été obtenu
cristallisé et caractérisé comme glucose-d,
Le produit non glucidique, soluble dans
l'éther, le stéviol a été obtenu à l'état pur et cristallisé. C'est un
principe lévogyre, [a]D = - 94°66, anhydre, donnant une
combinaison potassique soluble dans l'eau, insoluble en présence d'un excès
d'alcali et décomposable par le gaz carbonique. Le stéviol n'est donc pas un
acide.
Il répond à la formule C20H30O3.
Par hydrolyse acide, le principe non
glucidique diffère du stéviol par la forme des cristaux, un point de fusion
plus élevé et un pouvoir rotatoire plus faible. Il possède les mêmes
propriétés vis-à-vis des alcalis, et répond à la même formule. C'est
l'isostéviol qui se forme par l'action de l'acide sulfurique à 5 p. 100 à
l'ébullition, sur le stéviol.
Il est difficile, à l'heure actuelle,
de se faire une idée de la façon dont peut s'effectuer cette isomérisation
dans une molécule aussi complexe que celle du stéviol en C20H30O3.
En s'appuyant sur cette formule du
stéviol et de l'isostéviol et sur les proportions de glucose et d'isostéviol
qu'on obtient par hydrolyse acide du stévioside, on calcule qu'il faut, pour
une molécule de stéviol, trois molécules de glucose avec élimination de trois
molécules d'eau pour constituer cet hétéroside.
La formule du stévioside est ainsi
C38H60O18 et l'équation de son hydrolyse acide ou diastasique totale est :
qui donne 39,55 p. 100 de stéviol ou d'isostéviol et 67,16
p. 100 de glucose, alors qu'on en a trouvé expérimentalement 40,38 p. 100 et
66,84 p. 100.
Le stévioside serait ainsi le premier
hétéroside connu formé par l'union d'un principe non glucidique -avec trois
molécules de glucose-d.
Il serait intéressant de trouver un
produit fermentaire susceptible d'en effectuer l'hydrolyse en mettant en
liberté le stéviol tout en respectant l'enchaînement des molécules de glucose
entre elles. Le suc digestif d'Escargot, dans certaines conditions, paraît
donner naissance à un ose autre que le glucose ; malheureusement toutes nos
tentatives d'extraction de ce produit à l'état cristallisé sont restées
infructueuses.
III. Au point de vue physiologique on
peut conclure que le stévioside n'est pas une saponine dont il ne possède pas
la propriété biologique essentielle : le pouvoir hémolytique, et aussi qu'il
n'est pas toxique, même pris à doses très élevées.
MOTS CLEFS :
stévioside / plante / stevia / hydrolyse / bertoni / stéviol / étude / rebaudiana /
kaà hê-é / glucose / sucre / feuille / saveur / paraguay / molécule / tige / propriété /
isostéviol / glucoside / formule / chimique / glucidique / drogue / dieterich / description /
SOSA / RASENACK / herbe / action / saponine / morphologie / laboratoire / indien / hétéroside /
fermentaire / extraction / eupatorium / eupatoriée / édulcorant / diastasique / composition /
botanique / bougault
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