LAUDE : Synthèse de l'acide cyanique

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Thèse présentée à la Faculté des sciences de l'Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur es Sciences Physiques

par


Georges Laude

Contribution à l'étude de l'oxydation ammoniacale des principes carbonés. Synthèses de l'acide cyanique


soutenue en octobre 1929

devant la commission d'examen :
Bertrand, G., président
Mouton, H., Fosse, R., examinateurs



INTRODUCTION


Les dérivés de l'imide de l'acide carbonique ou carbimide 0 = C = NH sont connus depuis longtemps sous le nom de cyanates.

A un corps de composition CONH on peut attribuer les trois formules de constitution suivantes :


La première formule C = N — OH est celle de l'acide fulminique dont les sels, les fulminates ont des propriétés très différentes des cyanates.

Cet acide subit l'hydrolyse à chaud suivant la réaction :


On peut donc considérer l'acide fulminique comme l'oxime de l'oxyde de carbone.

La deuxième formule 0 = C = NH, imide de l'acide carbonique, connue depuis longtemps, est désignée sou-vent par abréviation sous le nom d'acide cyanique.

Nous devrions toujours l'appeler acide isocyanique, le nom d'acide cyanique devant être réservé à la troisième formule

qui seule renferme le radical cyanogène

L'acide cyanique vrai

n'est pas connu à l'état de liberté et il n'est pas sûr que ses éthers aient été préparés par Cloez.

On sait que les cyanates se forment facilement par oxydation des cyanures, ou par l'action des bases sur le chlorure de cyanogène. Mais leur obtention par oxydation des composés organiques, autres que les cyanures était considérée comme irréalisable.

Toutes les tentatives faites pour obtenir l'acide cyanique dans ces conditions n'avaient conduit qu'à des résultats négatifs.

Selon Gorup Besanez, cité par Dreschel, il n'existe pas de preuves de la formation de l'acide cyanique aux dépens de substances organiques par oxydation.

Halsey voulant obtenir l'acide cyanique par oxydation du glycocolle, de l'acide oxamique et de la formiamide, avait conclu à sa non formation.

De même Eppinger n'avait pu caractériser l'acide cyanique en oxydant le glycocolle.

Il était ainsi admis dans la littérature chimique qu'on ne pouvait faire d'acide cyanique par oxydation ammoniacale des composés organiques.

M. R. Fosse en cherchant l'origine de l'urée formée par oxydation des principes carbonés, a démontré que les protides, les acides aminés, la glycérine, les glucides (glucose, lévulose, saccharose), l'aldéhyde formique, engendrent l'acide cyanique par oxydation en présence d'ammoniaque.

L'acide cyanique a ensuite été obtenu par M. R. Fosse et nous-même en oxydant en présence d'ammoniaque plusieurs représentants des fonctions oxygénées et des fonctions azotées.

Par une étude méthodique et systématique de l'oxydation ammoniacale des principes carbonés, nous nous proposons de chercher si cette formation de l'acide cyanique est une réaction générale de la chimie organique.

Nous voulons aussi comparer tous les résultats obtenus dans le but-de chercher à mettre en évidence un processus de formation de la carbimide.

Nous étudierons d'abord, séparément et successivement les facteurs intervenant dans la transposition moléculaire du cyanate d'ammonium en urée en vue de déterminer les conditions les meilleures pour une transformation intégrale de l'acide cyanique en carbamide.

Nous en ferons une application au dosage de l'acide cyanique dans un cyanate commercial.

Tels sont les buts que nous nous sommes proposés dans ce travail. Si nous avons réussi dans notre entreprise. c'est grâce à la méthode d'analyse de l'urée de notre Maître, M. le Professeur R. Fosse, et aux bons conseils qu'il nous a toujours prodigués.



CONCLUSIONS

1. — L'acide cyanique peut être dosé quantitativement par transformation de son sel d'ammonium, en urée, sous l'influence des facteurs temps, température et ammoniaque.

Lorsque l'isomérisation du cyanate d'ammonium en urée est réalisée en milieu aqueux, la transformation n'est jamais complète. Elle est intégrale lorsqu'on opère en solution ammoniacale.

Il suffit dans ces conditions de chauffer la solution de cyanate d'ammonium pendant 10 à 15 minutes à la température de 90°.

Cette méthode permet de déterminer rapidement et d'une façon rigoureuse le titre en acide cyanique d'un cyanate commercial.


2. — Les différents auteurs (Gorup, Besanez, Hofmeister, Halsey, Eppinger) qui ont tenté la transformation des composés organiques en acide cyanique sous l'influence de oxydation ammoniacale ont tous conclu à sa non-formation.

Il était ainsi admis dans la littérature chimique qu'on ne pouvait faire d'acide cyanique par oxydation des principes carbonés.


3. — M. R. Fosse a montré que l'oxydation des matières protéiques, des acides aminés, de la glycérine, des hydrates de carbone, du glucose, du lévulose, du saccharose, de l'aldéhyde formique engendrait l'acide cyanique avec des rendements souvent remarquables.


4. — M. R. Fosse et nous-même avons montré qu'un grand nombre de fonctions organiques permettait de réaliser la synthèse de l'acide cyanique.


5. — Continuant l'étude méthodique de ces oxydations, nous avons établi que la synthèse de la carbimide pouvait être réalisée à partir de principes carbonés appartenant aux fonctions suivantes :

Carbone pur.

Carbures d'hydrogène.

Dérivés halogènes.

Fonction alcool.

Fonction phénol.

Fonction aldéhyde.

Fonction acétone.

Fonction acide.

Fonctions acide alcool et acide phénol.

Fonction aminé.

Fonction amide.

Fonction nitrile.

Fonction carbylamine.

Composés hétérocycliques.

Alcaloïdes.

66 synthèses de l'acide cyanique ont ainsi été réalisées.


Parmi ces synthèses, il est intéressant de remarquer que nombre d'entre elles ont été faites aux dépens de corps ne renfermant pas d'azote, l'azote ayant été introduit dans la molécule par l'intermédiaire de l'ammoniaque.

Dans la synthèse de l'acide cyanique aux dépens des corps azotés, la présence de l'ammoniaque n'est pas indispensable, elle facilite cependant la réaction en provoquant la décomposition du permanganate.

Nous avons montré que la pyridine, corps cité dans la littérature chimique comme l'un des plus résistants à l'action des oxydants, subit l'attaque du noyau et se transforme partiellement en acide cyanique.

Le carbone lui-même rigoureusement privé de toute trace de combinaisons hydrogénées subit aussi la transformation en carbimide. L'identification de celle-ci a été faite par tous les moyens dont nous disposons, transformation en urée, réactions du cobalticyanate de potasse et de l'oxyurée effectuées sur son sel d'argent.


6. — Dans l'oxydation permanganique ammoniacale des composés organiques, l'acide cyanique formé dans nos conditions expérimentales, ne dérive point de l'urée.


7. — Pour comparer entre eux les rendements en acide cyanique produit par oxydation, nous allons les représenter graphiquement.


L'examen de ce tableau nous montre que :

A. — Le corps qui présente l'aptitude la plus remarquable à engendrer l'acide cyanique est L'ALDÉHYDE FORMIQUE.

Rendement 140 %. Aucun des nombreux corps étudiés n'atteint à beaucoup près ce chiffre. Il constitue donc pour nous un excellent terme de comparaison.


B. — Les corps étudiés qui permettent de passer facilement avec de hauts rendements à l'acide cyanique sont :

a) Les phénols.

Les phénols et par suite les acides-phénols sont des corps à partir desquels on réalise facilement la synthèse de la carbimide.

b) Les aminés et les corps se transformant facilement en aminés.

Les aminés et les corps pouvant se transformer en aminés constituent des principes carbonés permettant de passer aisément à l'acide cyanique. C'est ainsi que les dérivés halogènes, malgré leur insolubilité qui rend malaisée leur oxydation, permettent néanmoins de passer facilement à l'acide isocyanique, par suite de leur transformation classique en aminés sous l'influence de l'ammoniaque.

c) Les corps pouvant se transformer directement ou indirectement en aldéhyde formique.

L'éthylène et l'acétylène, carbures les plus aptes parmi les autres à engendrer l'acide cyanique ont été tous deux transformés par voie sèche en aldéhyde formique, le premier, l'éthylène par Schützenberger en 1879, le second, l'acétylène par Wolkow.

Parmi les dérivés halogènes étudiés, c'est l'iodure de méthyle qui fournit les plus hauts rendements en carbimide, et nous pouvons expliquer sa transformation en aldéhyde formique par la relation


Parmi les alcools, c'est le méthanol qui fournit 20,78% d'acide cyanique (exprimé en urée) parce que nous avons la réaction classique


Les amines présentent, ainsi que nous l'avons dit, une aptitude toute particulière à se transformer en acide cyanique.

Mais notre graphique montre, que parmi ces corps, ce sont la méthylamine et la diméthylamine qui donnent les résultats les plus intéressants, et ces résultats s'expliquent encore par la formation d'aldéhyde formique

 


L'oxydation de la méthylcarbylamine qui donne 48,21% d'acide cyanique, conduit aussi à l'aldéhyde formique.
Nous pouvons en effet admettre les réactions suivantes :


Cette interprétation des résultats expérimentaux montre que l'aldéhyde formique ne doit pas être considérée comme un simple terme de comparaison mais comme un stade d'un processus d'oxydation des matières organiques.

Ces résultats s'accordent donc avec le mécanisme de la formation artificielle de l'urée par oxydation des dérivés du carbone, naturels ou artificiels, représenté par M. R. Fosse, par le schéma :

 



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