Lo : Etude des gommes de Sterculia
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Thèse de Botanique présentée à Faculté de médecine et pharmacie de l'Université Cheikh Anta Diop, Dakar

pour obtenir le grade de Docteur es-sciences pharmaceutiques

par

 

Modou Lo

 

Contribution à l'étude botanique et physico-chimique des gommes de Sterculia L (Sterculiaceae) : valorisation de la production de Sterculia setigera Del. et incidences socio-économiques au Sénégal

 

soutenue le 5 juin 1996

 

devant la commission d'examen :

Ba, Doudou, président

Nongonierma, Antoine, Bassène, Emmanuel, Pousset, Jean Louis, Daffe, Balla Moussa, et Fenyo, Jean Claude, examinateurs

 

 

INTRODUCTION

 

Les chercheurs ont toujours essayé de rapprocher entre elles des espèces dont les constitutions chimiques respectives présentaient des analogies. En effet, la spéciation ou processus de naissance des espèces met ainsi en jeu des mécanismes, complexes et variés, homologues ou analogues, pour exprimer le génotype et le phénotype à travers une ou plusieurs particularités chimique . qui ont souvent intrigué les chercheurs.

 

DE CANDOLLE (1804) avait déjà été frappé par de telles analogies, à propos de la famille des Gentianacées. Bien avant lui, James PETIVIER en 1699 publiait déjà "quelques, observations destinées à prouver que les plantes de la même classe ont les mêmes vertus et tendent à produire les mêmes effets".

 

Enfin, en remontant plus loin dans l'histoire des peuples, on retrouve dans la "Théorie des signatures" une conception analogue devenue loi quasi universelle.

 

Il faut noter, cependant, que les premières études fondées sur les analyses scientifiques sérieuses ne remontèrent qu'au milieu du 19e siècle. En 1833, FEE consacrera sa thèse de médecine à "l'examen de la théorie des rapports botanico-chimiques" ouvrant ainsi l'ère des pionniers de la chimiotaxonomie et de la sérologie végétale ; pionniers parmi lesquels : M.TREUB (1910) et plus près de nous MC NAIR (1945), STEBBINS (1963), LEONE (1964), FAVARGER (1966) HEGNAUER (1967), HEYWOOD et FAIRBROTHERS (1967-1968), VAUGHAN (1968), P.SMITH (1968), PELT (1966).

 

Il ne faudrait pas, imaginer que l'analyse de la variation de la constitution chimique des espèces végétales pourrait résoudre tous les problèmes de la Taxonomie. Et c'est dans les travaux de WILDEMAN qu'il faudra trouver la plus farouche opposition à l'optimisme des chimiotaxonomistes.

 

Ce dernier posera d'ailleurs la question : « une parenté systématique entre des organismes végétaux garantit-elle une constitution chimique analogue ?»" Au de sa réflexion WILDEMAN conclura en faveur d’une réponse négative en s’opposant aux affirmations de RAYMOND-HAMET (1939).

 

Dès lors, la chimie végétale a connu un développement fulgurant, par le fait des recherches éthnopharmacologiques et par l'utilisation des techniques modernes de séparation des principes actifs (chromatographies, électrophorèses) et par les méthodes physico-chimiques de détermination des structures moléculaires (gravimétrie, titrimétrie, spectroscopie, polarimétrie, rhéologie etc...). Même dans les pays du Tiers-monde dits "à revenus faibles" des sacrifices sont consentis pour valoriser les ressources naturelles.

 

Avec la diversification des travaux, un certain nombre de familles de plantes gummifères, parmi lesquelles on peut citer : MIMOSACEES, COMBRETACEES, MELIACEES, ont fait l'objet d'études critiques ou de controverses sur le plan chimiotaxonomique. Les difficultés portent surtout sur les différenciations intraspécifiques et sur des problèmes de chimiotypes liée au phénomène de la gommose (cf. travaux ANDERSON). Aussi, sommes-nous d'accord avec PELT pour dire que "pas plus en Chimie végétale qu'en botanique descriptive, un seul caractère commun ne suffit à établir un rapprochement" ; il en faut d'autres pour assurer coordination et subordination par rapport aux caractères botaniques.

 

Dans le cadre de cette thèse, nous avons cru bon d'apporter notre modeste contribution aux débats en prenant comme cadre d'étude deux espèces gummifères paléotropicaux de la famille des STERCULIACEES : Sterculia setigera Del. (Afrique) et S. urens Roxb. (sous-continent Indien).

 

Ce travail présente, pour nous, un double intérêt paléo-chorologique puisque, des données de Paléobotanique africaine présentées par BOUREAU (1957) militent aujourd'hui en faveur de la thèse d'une vaste et ancienne aire de répartition du genre Sterculia L. pendant l'ère tertiaire, en souvenir de l'éclatement du continent disparu au mésozoïque : le GONDWANALAND.

 

Le genre Sterculia riche d'une centaine d'espèces, est largement représenté en Afrique et en Inde où la plupart des espèces gummifères sont d'une importance économique indéniable pour les populations. Grâce à leurs propriétés ces gommes sont exploitables dans le domaine alimentaire et pharmaceutique. Plus intéressantes sont encore les affinités chimiques constatées entre Sterculiacées et Malvacées à propos des acides gras cyclopropénoïques qui leurs sont très spécifiques au niveau des graines. PELT, GAYDOU et al.

 

Notre étude se propose dans la première partie une étude essentiellement botanique : la Biosystématique, l'Ecologie des Sterculia, avec des travaux personnels sur la Biométrie et la reproduction de l'espèce sénégalaise : Sterculia setigera.

 

Dans la deuxième partie, après un rappel les différents travaux réalisés sur la Physico-chimie des gommes de Sterculia, nous nous intéresserons à l'aspect physico-chimiotaxonomique et la comparaison des deux types de gommes sénégalaise et indienne. Nous devons avouer aussi que pour cette partie le botaniste, que nous sommes, a eu à hésiter longtemps avant d'investir le terrain peu familier des structures complexes des polysaccharides naturels représentés par ces gommes. Nous avons, de ce fait, bénéficié en France de l'aide précieuse de notre maître J.L. POUSSET (Poitiers) ainsi que du concours de l'équipe des chimistes du CNRS de Rouen : URA 500 (MULLER et LECERF.) et URA 203 (FENYO et VANDEVELVE).

 

Nous avons pu compléter nos travaux dans leurs laboratoires respectifs avec tout le matériel logistique signalé dans la deuxième partie de notre mémoire.

 

D'une manière générale, cette thèse s'inscrit dans la dynamique d'une meilleure approche des relations entre la structure et les propriétés fonctionnelles des gommes de Sterculia, d'une part, et d'autre part entre la structure et la taxonomie des espèces botaniques qui composent la famille des Sterculiacées.

 

La troisième partie de notre travail sera enfin consacrée à la promotion de la gomme Sterculia dans le commerce mondial et plus particulièrement sa valorisation au Sénégal. Les éléments d'enquête, à travers l'expérience d'une PME/PMI sénégalaise (SETEXPHARM SARL), concernent :

-         la production et les techniques de cueillette ;

-         les facteurs écophysiologiques d'influence de la gommose sur la vie des écotypes sénégalais

-         les problèmes d'amélioration de la qualité ; les problèmes de la commercialisation ;

-         les incidences socio-économiques au Sénégal ;

-         et enfin,  les perspectives d'un programme de sylviculture intégré au paysage sahélien, compte tenu de la beauté et du degré d'adaptabilité du "Platane" sénégalais vis-à-vis des problèmes de désertification.

 

CONCLUSION GENERALE

En Afrique et dans le monde, en général, les gommes (exsudats de plantes plus ou moins solubles dans l'eau), à l'instar des produits naturels de cueillette, ont occupé et continuent d'occuper une place de choix dans l'histoire et la nourriture de l'humanité.

 

Connues depuis la plus haute antiquité, les vertus des gommes ont été déjà vantées par les classiques grecs : THEOPHRASTE, PARACELSE, DIOSCORIDE et PLINE.

 

Dans l'Egypte pharaonique, rappelons que la gomme myrrhe et la gomme arabique occupaient déjà une place importante dans les procédés de momification. Mais, c'est surtout à partir du XVe siècle que le commerce de ce type de marchandises se développera en Afrique au point d'y supplanter celui du bois d'ébène.

 

Compte tenu de l'importance des applications industrielles, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale nous assistons à une multiplication des études botaniques  et physico-chimiques sur ces biopolymères naturels, sous la direction des chercheurs comme ANDERSOM et al., ASPINALL et al., et les diverses écoles à travers le monde. Un certain nombre de familles gummifères parmi lesquelles nous pouvons citer, MIMOSACEAE, MELIACEAE, COMBRETACEAE, ROSACEAE, MALVACEAE et STERCULIACEAE, ont été étudiées sur le plan de la différenciation des phénotypes et des chimiotypes qu'elles peuvent renfermer.

 

Aujourd'hui encore, par delà l'intérêt que nous portons au sujet, il ne faudrait pas imaginer que la chimie pourrait résoudre tous les problèmes de la Botanique systématique. Dans le cadre de ce mémoire, nous avons essayé d'apporter notre modeste contribution à l'étude de deux espèces gummifères de la famille des Sterculiacées : Sterculia setigera Del. (Sénégal) et S. urens Roxb. (Inde).

 

La première partie consacrée à la Botanique et à la gommose des Sterculia, nous a permis d'aborder la Biométrie des organes des arbres et des plantules de Sterculia setigera. Au total 15 paramètres biostatistiques ont été.

 

Par ailleurs, ayant été inquiété par l'absence de jeunes pieds de Sterculia dans les zones de production de la gomme "Mbep", nous nous sommes intéressé à la Biologie et à la reproduction de cette espèce monoïque. Dans notre approche des problèmes botaniques nous nous sommes surtout orienté vers l'étude de la germination des graines, la croissance des plantules illustrée par les courbes d'évolution des paramètres d'une population de 30 individus. Les mensurations, commencées à J.10, après germination, ont porté sur les paramètres suivants :

-         Hauteur des plantules (en cm)

- Nombre de feuilles par plantule

- Longueur du pétiole de la feuille (en cm)

- Surface du limbe des plantules (en cm2)

 

Compte tenu d'un apport limité des facteurs nutritifs et des effets négatifs de la dormance annuelle des plantules, l'expérience a été interrompue à J.45 en raison de la saison hivernale. Les essais de fertilisation par le HPK/10.10.20 et l'urée n'ont pas été concluants : les doses respectives de 5 g et 2 g/sachet n'ont pas été bénéfiques aux plantules, de Sterculia setigera (mortalité à 100%). La faiblesse d’un chevelu racinaire pourrait être parmi les causes probables de cette mortalité.

 

Dans la deuxième partie de notre mémoire, après un rappel des différents travaux réalisés sur la Physico-chimie des gommes de Sterculia, nous avons comparé la gomme "Mbep" (Sénégal) à la gomme "Karaya" en utilisant le matériel logistique de recherche de la Faculté des Sciences de l'Université de Rouen.

 

Quatre paramètres physico-chimiques ont permis de différencier qualitativement et statistiquement les deux chimiotypes étudiés :

1) le pouvoir de gonflement

2) la viscosité relative des dispersions (à 2 g/1)

3) le pH des solutions (à 1 g/1)

4-) la spectroscopie RMN du 13C (solide) qui fait apparaître sur le pic caractéristique de la fonction acétyle une valeur plus significative attribuable au chimiotype sénégalais.

 

Par contre la spectroscopie RMN de 1H a montré très peu de différences entre les deux gommes natives (solutions à 5 g/1 dans le deutérium) ; seul le Sterculia urens présente quelques pics supplémentaires visibles à 4,32 ; 4,50 et 5,18 pp.

 

En outre, les résultats des dosages des paramètres chimiques s'accordent parfaitement avec l'analyse spectrale, notamment l'acidité sous forme salifiée, le taux d'acétyle et la masse équivalente acide dont les valeurs sont généralement en faveur du chimiotype sénégalais.

 

L'usage de gomme Sterculia dans les préparations alimentaires et pharmaceutiques a permis de constater que le  produit pouvait contenir des agents microbiens pathogènes (Streptocoques, Staphylocoques, Entérobactéries). Sur grain standard NORGINE PHARMA, la souillure en germes (bactéries revivifiables, champignons et levures) peut atteindre des valeurs importantes ; alors que le taux microbien maximal autorisé par la législation est de l'ordre de 10.000 germes/g de gomme. Après enquête sur le terrain et en laboratoire, l'étude microbiologique nous a permis de savoir que cette croissance microbienne n'est pas due à une multiplication excessive des germes de départ, car, après six mois de conservation à température ambiante dans le laboratoire, le taux microbien de gomme récoltée sur l'arbre et conditionnée par nous avec soin a peu évolué (= 3 500 germes/g). Les fortes contaminations observées sont donc dues à des causes extérieures (séchage, manipulations diverses lors du transfert à Dakar).

 

Les conditions de la décontamination étant ainsi posées, nous avons procédé à des tests de radiostérilisation aux rayons gamma sur les deux chimiotypes indien et sénégalais, compte tenu des difficultés liées au mode de stérilisation par l'oxyde d'éthylène.

 

Nos résultats montrent sur la gomme Sterulia que :

l°) La dose de 5 Kgrey permet une stérilisation efficace quelque soit le taux initial de germes.

  2°) La solubilité des dispersions est facilitée, passant de 10-20 à 60-80, ce qui peut être interprétée comme résultant de la coupure des liaisons dans la molécule polysaccharidique.

3°) Les propriétés fonctionnelles (gonflement, viscosité) sont abaissées ; d'où les inconvénients attachés aux applications industrielles de cette technique.

 

Comparée à la stérilisation à l'oxyde d'éthylène, la radiostérilisation aux rayons gamma (t) ne peut donc être recommandée pour les gommes Sterculia, à la lumière de nos résultats. L'oxyde d'éthylène nécessite néanmoins un long temps de désorption permettant de ramener le taux de résidus éthyléniques à des normes acceptables (+/- à 1 ppm, avec une technique appropriée).

 

Rappelons enfin que la gomme "Mbep" présente bien des avantages par rapport à la gomme "Karaya" de l'Inde ; à égalité de poids et d'âge, la viscosité, le pouvoir de gonflement et la résistance aux acides est à l'avantage du chimiotype sénégalais. Raison pour laquelle la troisième partie de notre mémoire est consacrée à la mise en place d'une stratégie pour améliorer la production de gomme Sterculia au Sénégal. Les perspectives de valorisation sont évoquées à travers nos éléments d'enquêtes menées depuis près de douze ans auprès d'une PM2/PMI de droit sénégalais (SETEXPHARM S.a.r.l).

 

Le Sénégal est, rappelons-le, deuxième producteur mondial de gomme Sterculia avec un chiffre d'affaire annuel qui avoisine 1,5 milliards de francs CFA en moyenne, depuis les cinq dernières années. Cependant, compte tenu des risques liés au système de production (technique de cueillette, problèmes de séchage et contamination microbienne), à la commercialisation (lenteur des livraisons, contraintes bancaires, etc...), les efforts de la SETEXPHARM porteront sur la modernisation de l'outil de travail. A ce propos le travail manuel de concassage qui permettrait un rendement d'une tonne de gomme concassée par jour est désormais réalisé à la machine avec un débit de 1-2 tonnes par heure.

 

Dans le dernier chapitre, consacré à des travaux personnels, nous avons enfin abordé les perspectives d'un impérieux programme de sylviculture intégré au paysage sahélien. Compte tenu de la beauté, la rusticité et la valeur économique indéniable du "platane sénégalais", ce programme permettrait de s'inscrire dans le cadre d'un développement durable de la campagne sénégalaise et de ses habitants.




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