Le Bouguenec : Résistances des bactéries aux b-lactamines

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Thèse de Sciences physiques : mention pharmacologie moléculaire et cellulaire

présentée à Université Pierre et Marie Curie, Paris 6

pour obtenir le grade de Docteur de 3e cycle

par

 

Chantal Le Bouguenec

 

Etude de la variabilité dans l'expression de la résistance des bactéries aux b-lactamines

 

soutenue le 4 janvier 1980

 

devant la commission d'examen :

Le Pecq, J., président

Bouanchaud, D., Le Goffic, F., Labia, R., et Pitton, J., examinateurs

 

 

EVOLUTION DES ESPECES BACTERIENNES VERS LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES

L'ère des antibiotiques débute en 1929 par la découverte de la pénicilline par A. Fleming. La pénicilline G assure en 1941, la relève des sulfamides, agents antibactériens de synthèse très utilisés pendant l'entre deux guerres. De la mise en pratique de la pénicilline G jusqu'à celle de l'acide nalidixique en 1962, des produits ayant un mode d'action original apparaissent tous les deux ou trois ans. Ils sont isolés de champignons inférieurs et de bactéries (actinomycètes et bacillus). Parmi les très nombreuses substances antibactériennes isolées et étudiées, un petit nombre est retenu pour l'usage clinique. Ces produits sont les chefs de file des familles d'agents antibactériens utilisés aujourd'hui.

 

On constate toutefois, dans les laboratoires de bactériologie clinique, que de très nombreuses souches ne se comportent pas à l'égard des antibiotiques conformément à ce que le spectre d'activité de chacun de ces produits laissait supposer. Ainsi, des gonocoques résistants aux sulfamides apparaissent en 1941. Les staphylocoques vont également poser des problèmes thérapeutiques sérieux en développant des mécanismes de résistance à diverses substances dès que l'usage de la pénicilline se généralise, on voit se multiplier les souches résistantes. Dès 1950, la majorité des infections staphylococciques hospitalières sont dues à des souches résistantes. Cette résistance à la pénicilline G atteint, en 1969, 80 pour cent des souches hospitalières (Smith et col., 1969). L'introduction ultérieure des autres antibiotiques est suivie d'une évolution comparable : tel est le cas successivement de la streptomycine, du chloramphénicol, des tétracyclines, de l'érythromycine. Ces résistances atteignent, en 1957, respectivement 70, 40, 60 et 20 pour cent des souches hospitalières.

 

Certains bacilles Gram-négatif montrent encore plus d'adaptation que les staphylocoques. Ce sont les entérobactéries, le bacille pyocyanique et les acinetobacter. Le nombre fort élevé, en milieu hospitalier, de bacilles Gram-négatif résistants et, souvent, multirésistants pose actuellement des problèmes thérapeutiques aigus.

 

Quelques groupes bactériens sont restés sensibles aux antibiotiques. Ce sont la majorité des streptocoques (à l'exception des entérocoques), des pneumocoques, des méningocoques, des hémophiles et des anaérobies Gram-positif.

 

L'apparition des antibiotiques d’hémi-synthèse apporte une réponse aux premiers problèmes posés par le développement de la résistance des bactéries. Alors que les premiers antibiotiques sont le fruit d'une recherche au hasard, à partir de micro-organismes naturels, les antibiotiques semi-synthétiques résultent de modifications de la formule chimique initiale, susceptibles d'apporter des améliorations dans l'activité du produit.

 

Il s'agit :

- des pénicillines semi-synthétiques (ex. : méthicilline) actives sur les staphylocoques résistants à la pénicilline G ;

- des céphalosporines actives sur les entérobactéries résistantes à la pénicilline G, 1'ampicilline et la carbénicilline ;

- des aminoglycosides;

- des macrolides et des dérivés de la streptogramine ;

- de l'association de sulfamides et du triméthoprime.

 

La venue de ces produits n‘apporte que des succès temporaires. De nouveaux problèmes thérapeutiques sont posés par l'apparition de : la résistance des staphylocoques à la méthicilline (15 à 4.0 pour cent des staphylocoques hospitaliers sont actuellement résistants à la méthicilline), la résistance aux tétracyclines et aux macrolides des streptocoques et pneumocoques, la résistance aux pénicillines des hémophiles et des gonocoques. Beaucoup d'antibiotiques dits à large spectre, n'apparaissent plus aujourd'hui entièrement fiables et utilisables en pratique courante. La découverte d'antibiotiques réellement nouveaux étant exceptionnelle, l'étude de la résistance des bactéries aux agents microbiens est devenue une nécessité.

 

Les enzymes hydrolysant les b-lactamines sont produites par une grande variété de bactéries Gram-positif et Gram-négatif. Malgré de nombreuses différences chimiques et biologiques, certaines ressemblances entre toutes ces enzymes, permettent de supposer une origine évolutive commune pour ces protéines (Pollock, 1967). Le fait de trouver ces enzymes dans des micrcorganismes producteurs de b-lactamines (tels Streptomyces : Ogawara, 1975) suggère que l'apparition des b-lactamases n'est pas totalement sans rapport avec la présence des b-lactamines dans ces souches. Chez ces procaryctes, les b-lactamases joueraient un rôle de réguLateur dans la production d’antibiotique (Demain, 1974).

 

Une origine possible des gènes codant pour les b-lactamases serait les gènes de structure des enzymes impliquées dans la synthèse du peptidoglycane (Sykes et Matthew, 1976 ; Ogawara et col., 1978 ; Richmond, 1978).

 

D’autre part, il est maintenant admis que les récepteurs des b-lactamines sont des enzymes du système catalytique participant à l’élaboration du peptidoglycane (Ohya et col., 1979). Chez Streptomyces, une des PBp ("protein Binding Penicillin") montre une activité b-lactamase.

 

Nous avons étudié une souche de B. catarrhalis résistante aux pénicillines. L'enzyme produite par cette souche est une pénicillinase. Par ailleurs, nous avons actuellement à l'étude des souches de streptocoques, résistantes à la pénicilline G, biosynthétisant une pénicillinase. Ces deux enzymes sont apparemment chromosomiques. Ainsi, la description de ces enzymes nous empêche de réfuter une possible relation phylogénique entre les pénicillinases et des enzymes chromosomiques. Nous pensons que ces activités b-lactamases pourraient être, comme dans le cas des Streptomyces, dues à des récepteurs des b-lactamines.

 

Les bactéries Gram-négatif produisent des céphalosporinases chromosomiques spécifiques des espèces. D'autre part, des plasmides gouvernant la synthèse de b-lactamases, y sont aussi très souvent rencontrés. Ces plasmides codent pour des pénicillinases. L'origine des facteurs R. et des déterminants de résistance qu'ils portent, est toujours inconnue. On peut émettre l’hypothèse que ces derniers sont issus de gènes chromosomiques qui se seraient intégrés dans des plasmides par des événements de recombinaison analogues à ceux impliqués dans la formation des facteurs F-prime (Watanabe, 1963, 1967. Cependant, cette hypothèse est très controversée. Par exemple, nous ne retrouvons pas les transposons responsables de la synthèse ces enzymes TEM, au niveau des chromosomes bactériens.

 

L'origine des gènes plasmidiques est peut-être à rechercher du côté des procaryotes producteurs de b-lactamines.

 

Naturellement, la connaissance des séquences primaires des récepteurs, des pénicillinases et des céphalosporinases enrichira le débat concernant la filiation génétique de ces constituants bactériens. En attendant ces informations, nous avons essayé de reproduire, par des mutations ponctuelles, impliquant la substitution d'aminoacides, l'évolution génétique qui amènerait une b-lactamase à inverser son spectre d'activité : c’est-à-dire obtenir une céphalosporinase à partir d'une pénicillinase et vice versa. Un tel travail a été entrepris par Pollock (1967) chez les bactéries Gram-positif et a donné un résultat positif. Par deux mutations ponctuelles successives, il a obtenu une inversion du spectre d'activité d'une pénicillinase chez B. licheniforrnis.

 

Nous n'avons pas réussi in vitro à obtenir un tel phénomène, ni à partir d'une pénicillinase, ni à partir d'une céphalosporinase. Par contre, nous avons isolé chez E. coli, hébergeant un plasmide codant pour le TEM2 , une enzyme mutée ayant le même profil déclivité que 1'enzyme "sauvage", mais dont les constantes d'affinité sont profondément altérées. On a, ainsi, certainement mis en évidence une mutation entraînant une substitution d'un aminoacide du site actif de la b-lactamase TEM2. Nous poursuivons actuellement l'identification de cet aminoacide. L’étude de telles protéines est une bonne approche de la connaissance des relations structure-activité des b-lactamases au niveau du site actif. Dans l'avenir, la connaissance des sites actifs va permettre d'entreprendre de nouvelles recherches moins empiriques pour la synthèse de nouvelles b-lactamines résistantes aux b-lactamases et pour la production de nouveaux inhibiteurs.





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