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Hauteville,
Marcelle
Université
Claude Bernard Lyon I, Villeurbanne
Structure
et synthèse d'un nouveau type de flavonoïdes naturels : les dihydroxy-2.5 flavanones.
INTRODUCTION
La famille des flavonoïdes est,
depuis bien des années, définie par la nature de son squelette carboné qui
comprend 15 atomes de carbone répartis selon la séquence C6-C3-C6 dans laquelle deux cycles
benzéniques A et B sont reliés par un élément a trois atomes de carbone.
Le groupe de la phényl-2
chromanone-4 qui nous intéresse, comporte toute une série de composés
étroitement liés qui diffèrent par le degré d’oxydation du noyau pyronique :
les flavanones, flavanonols, flavones et flavonols.
Il faut y rattacher les chalcones
(isomères des flavanones) et les dihydrochalcones, autres substances qui résultent de
l'ouverture de l’hétérocycle.
Tous ces flavonoïdes constituent
une famille de composés polyphénoliques largement répandus : certains ont une
répartition quasi-générale dans le monde végétal, d'autres ne se trouvent que
dans un nombre limité d'espèces, et peuvent de ce fait représenter un critère
taxonomique. Selon le mode d'extraction employé ils sont isolés, soit sous forme
d'aglycones liposolubles, soit sous forme de dérivés glycosylés plus
hydrosolubles.
Aux différents types de composés
précités, décrits depuis longtemps, nous devons actuellement ajouter un autre,
comportant un nombre très limité de représentants naturels : les dihydroxy-2,5
flavanones (2), que nous avons mises en évidence et dont nous avons établi la
structure.
Nous avons tout d'abord été amenée
à déterminer la structure d'un flavonoïde isolé par WOLLENWEBER (1970, 1971) à partir
d'extraits acétoniques des cires excrétées par les bourgeons de Populus
nigra var.italica (Salicacées). Nos premières investigations nous avaient
conduite à lui attribuer la structure de dihydroxy-2,6 méthoxy-4
dibenzoylméthane (la), particulièrement en raison de l'analogie de ses
caractéristiques spectrales dans l'ultraviolet et de celles d'un autre composé
extrait des jeunes feuilles de Malus (Rosacées) par WILLIAMS
(1967),et considéré alors comme le dihydroxy-2,6 b-D-glucosyloxy-4
dibenzoylméthane (1b) . Nous avons ensuite précisé la structure de ces deux composés
et démontré, grâce aux résultats obtenus en spectrométrie de résonance
magnétique nucléaire, qu'ils existent en fait, en milieu neutre, sous les
formes hémicétaliques cycliques correspondantes de dihydroxy-2,5 méthoxy-7
flavanone (2a) et de dihydroxy-2,5 b-D-glucosyloxy-7
flavanone (2b) respectivement.
Une telle structure cyclique,
hydroxy-2 flavanone, était jusqu'alors hypothétique bien qu'admise depuis
longtemps comme intermédiaire dans la synthèse des flavones, et recherchée en
vain par WAGNER et coll. (1968) au cours d'une étude sur l'équilibre céto-énolique
d'hydroxy-2 dibenzoyl-méthanes (3a = 3b).
L'absence de cyclisation, dans ce
dernier cas, doit être une conséquence de la chélation qui existe entre les
groupements carbonyle et hydroxyle en position ortho. En effet,
l'hydroxyle qui est déjà engagé dans la chélation ne peut pas participer à une
hémicétalisation avec le deuxième carbonyle. En revanche, ainsi que le
suggèrent les structures des deux composés naturels que nous avons étudiés,
cette hémicétalisation doit être possible lorsqu'un deuxième hydroxyle
libre existe en ortho du même carbonyle ( 1 — 2) .
Afin de vérifier cette hypothèse,
mais également dans le but de définir des critères propres à cette nouvelle famille de
flavonoïdes naturels, nous avons entrepris la synthèse d'autres dihydroxy-2,5
flavanones. Nous avons mis au point des conditions opératoires pour les deux
voies de synthèse envisagées :
- la transposition de Baker-Venkataraman
(BAKER 1933, MAHAL et VENKATARAMAN 1933) d'aroylesters de dihydroxy-2,6
acétophénones (4).
- et l’hydratation alcaline de 1'hétérocycle
d'hydroxy-5 flavones diversement
substituées (pour la plupart de type phloroglucique).
Nous verrons que deux types
particuliers de substitution des noyaux A et B des dihydroxy-2,6
dibenzoylméthanes synthétisés s'opposent à leur hemicétalisation en dihydroxy-2,5
flavanones.
Nous avons ensuite envisagé
d'étudier l'influence que pouvait avoir un méthoxyle ou un hydroxyle
supplémentaire sur la chaîne carbonée vis à vis de 1’hémicétalisation des
dihydroxy-2,6 dibenzoylméthoxy ou hydroxyméthanes correspondants (5R= OCH3 ou
OH). Dans l'hypothèse où la cyclisation en dihydroxy-2,5 méthoxy ou hydroxy-3 flavanones
a lieu le substituant en 3 doit logiquement engendrer une isomérie
cis-trans (6a = 6b).
Pour préparer de tels composés,
nous avons mis à profit les deux techniques utilisées auparavant avec succès pour
synthétiser les dihydroxy-2,5 flavanones non substituées en 3. Ainsi, par
hydratation alcaline d’hydroxy-5 méthoxy-3 flavones, et (ou) par transposition de
Baker-Venkataraman d aroylesters de 1’w-méthoxyphloracétophénone,
nous avons pu accéder à l’autre nouvelle classe de flavonoïdes que sont les
dihydroxy-2 5 méthoxy-3 flavanones (6a = 6b R = OCH) . A notre connaissance aucun
représentant naturel n’a été signalé. Ces deux mêmes techniques ont enfin été
utilisées pour synthétiser des trihydroxy-2,3,5 flavanones (6a = 6b R = OH), un
autre type de structure flavonique, proposé par Hösel et coll. (1972) pour les
produits obtenus par voie enzymatique à partir de quatre flavonols (quercétine,
kaempférol, datiscétine, morine) .
Trois nouvelles classes de
flavonoïdes seront donc décrites. Les flavones, flavonols qui en dérivent par
déshydratation
étant des aglycones couramment rencontrés dans divers organes des plantes
supérieures, il est raisonnable de penser que ces hydroxy-2 flavanones
puissent intervenir dans leur métabolisme. Un certain nombre de critères que
nous avons établis, propres à chaque classe de composés< nouveaux,
devraient aider à leur mise en évidence éventuelle chez les végétaux, première
étape vers l'étude de leur rôle biologique probable. L'ensemble de nos
résultats est présenté au cours de trois chapitres.
Dans le premier chapitre sont
apportées les preuves de la structure hémicétalique des trois dihydroxy-2,6
dibenzoylméthanes naturels connus : de celui isolé par WOLLENWEBER (1970) et qui est à
l'origine de ce travail, de celui isolé par WILLIAMS (1967), et également d'un autre
extrait récemment par JOSHI et GAWAD (1976) des tiges d'Unona lawii
(Anonacées). Leur synthèse est également décrite.
Le deuxième chapitre rapporte la
mise au point des deux voies de synthèse utilisées pour accéder à des analogues dont
l'étude structurale confirme et complète les conclusions du premier chapitre.
Enfin, dans le troisième chapitre,
nous décrivons la synthèse et les propriétés spectrales de dihydroxy-2,5 méthoxy-3
flavanones (6 R=OCH3) et de trihydroxy-2,3,5 flavanones (6 R=OH).
Le présent travail a été consacré à
la mise en évidence, à la synthèse et à l'étude structurale de trois types
nouveaux de flavonoïdes : les dihydroxy-2,5 flavanones, les dihydroxy-2,5 methoxy-3
flavanones et les trihydroxy-2,3,5 flavanones.
Nous avons tout d'abord établi la
structure d'un composé naturel, isolé par WOLLENWEBER des cires excrétées par les bourgeons
de Populus nigra (Salicacées), et mis ainsi en évidence l'existence d'un
représentant du premier des types d'aglycones cités : la dihydroxy-2,5
méthoxy-7 flavanone.
Une structure hémicétalique de ce
type avait simplement été suggérée auparavant comme pouvant résulter de la
cyclisation de tous les hydroxy-2 dibenzoylméthanes, sans exception.
Notre étude structurale a permis de
dégager un impératif à cette hémicétalisation, à savoir qu'elle nécessite la présence de
deux groupements hydroxyles en ortho d'un même carbonyle, faute de quoi les
dibenzoylméthanes existent sous la forme céto-énolique ouverte, telle que divers
auteurs l'ont démontrée.
L'étude structurale des trois seuls
autres dibenzoylméthanes naturels connus, décrits comme tels et répondant à
cette condition d'hémicétalisation, ainsi que celle de bon nombre, de composés
synthétiques, ont fait apparaître deux exceptions à 1'hémicétalisation, et
permis en cela d'en préciser les limites. Les dihydroxy-2,6 dibenzoylméthanes se
cyclisent en dihydroxy-2,5 flavanones lorsqu'il y a deux groupements hydroxyles
en ortho d'un même carbonyle, mais à condition que l'un d'eux soit libre de
chélation tout comme le deuxième carbonyle.
Nous avons ensuite démontré que la
présence d'un groupement méthoxyle ou d'un groupement hydroxyle
supplémentaire, sur la chaîne carbonée des dihydroxy-2,6 dibenzoylméthanes, ne
gène pas l'hémicétalisation. Les dihydroxy-2,5 méthoxy-3 flavanones et les
trihydroxy-2,3,5 flavanones correspondantes existent sous forme de deux
isomères cis et trans dont les proportions relatives sont pratiquement
inversées.
Au fur et à mesure de la
préparation des dihydroxy-2,5 flavanones et des dihydroxy-2,5 méthoxy-3 flavanones,
nous avons adapté les conditions opératoires des deux méthodes utilisées :
l'hydratation alcaline de 1'hétérocycle d'hydroxy-5 flavones et d'hydroxy-5
méthoxy-3 flavones, et la transposition de Baker-Venkataraman de diaroyloxy-2,6
acétophénones (exceptionnellement d'hydroxy-2 aroyloxy-6 acétophénones) et
d'aroylesters de 1'w-méthoxyphloracétophénone.
Pour la première méthode, la plus
directe mais pratiquement pas utilisée jusqu'alors, nous avons opéré en présence de
potasse pulvérisée, soit au reflux de la pyridine, soit sous vide, sans solvant
afin d'opérer
à des températures plus élevées.
Pour la deuxième méthode, qui
représente une voie de synthèse totale univoque, nous avons choisi un solvant d'utilisation
nouvelle, le diméthylsulfoxyde. Il convient uniquement pour la transposition de
diaroyloxy-2,6 acétophénones et ne permet pas celle d'aroyloxy-2 acétophénones. Son intérêt majeur
réside dans le fait qu'il empêche le phénomène de double transposition en
aroyl-3 flavones, qui a lieu généralement à partir des diaroyloxy-2,6
acétophénones lorsque les solvants classiques sont utilisés. Cette
transposition parasite, qui a souvent fait abandonner cette voie d'accès aux
hydroxy-5 flavones au profit d'autres, peut donc maintenant être évitée, ce
qui devrait réhabiliter la méthode.
L'expérience acquise au cours de ces
diverses opérations, nous a finalement permis de mener à bien la synthèse de deux
trihydroxy-2,3,5 flavanones, qui représentent un type de flavonoïde, impliqué, selon
HOSEL et
BARZ dans le catabolisme des flavonols. Bien que l'application intégrale des deux
techniques, dans les conditions optimales établies précédemment, n'ait donné aucun
résultat, nous avons néanmoins réussi à synthétiser les trihydroxy-2,3,5
flavanones dérivées de la quercétine et du kaempférol. Elles se déshydratent
spontanément en flavonols, par conservation en solution aqueuse ou même à
l'état solide, mais alors plus lentement.
Actuellement, les seuls
représentants naturels connus pour les trois types de flavonoïdes étudiés sont au
nombre de trois, tous de la catégorie des dihydroxy-2,5 flavanones. Chacune
coexiste in vivo avec la flavone correspondance, et quelques
observations laissent à penser qu'elles en seraient les précurseurs directs. Cette
filiation apparaît, in vitro, pour toutes les dihydroxy-2,5 flavanones, qui
se déshydratent facilement en hydroxy-5 flavones, par un traitement acide
modéré, à chaud ou même à froid selon le type de substitution de la molécule. Parmi les
dihydroxy-2,5 flavanones de type phloroglucique, celles qui sont dérivées de
l'apigénine et du kaempférol, c'est à dire hydroxylée en 4' et hydroxylée en 3'
et 4', ce sont à cet égard révélées particulièrement sensibles, alors que
les plus stables ont un phényle latéral non substitué, tel celui des trois
produits naturels caractérisés.
Aucune dihydroxy-2,5 méthoxy-3
flavanone n'a en revanche été trouvée chez les végétaux. Ceci peut apparaître
inattendu si nous considérons, d'une part que ces composés sont plus stables
que les précédents, et d'autre part, que leurs produits de déshydratation, les
méthyl-3 flavonols, sont présents dans bon nombre de plantes. Si ces
dihydroxy-2,5 methoxy-3 flavanones existent à l'état naturel, pourraient-elles
être non pas des précurseurs mais plutôt des métabolites des méthyl-3 flavonols
? Pourraient-elles être des intermédiaires de la dégradation de ces derniers
composés, selon un processus analogue à celui suggéré pour les flavonols ? Il a en effet
été montré que la rupture de 1'hétérocycle des flavonols s'accomplit, in vitro,
en présence d'un système enzymatique à activité de péroxydase avec
vraisemblablement, la formation intermédiaire de leur produit d'hydratation, les
trihydroxy-2,3,5 flavanones.
Le rôle biologique éventuel, des
dihydroxy-2,5 méthoxy-3 flavanones ainsi que celui des trihydroxy-2,3,5
flavanones, reste à mettre en évidence.
En apportant des témoins
synthétiques et des critères propres à ces familles de composés, nous pensons
faciliter leur recherche dans le monde végétal, première étape vers l'étude de
leur place respective dans le métabolisme des flavonoïdes.
MOTS CLEFS : flavanone / flavone /
flavonoïde / dibenzoylméthane / synthèse / structure / flavonol / hémicétalisation /
acétophénone / hétérocycle / wollenweber / kaempférol / cyclisation / chélation / baker /
venkataraman / aroylester / aglycone / salicacée / quercétine / populus / phloroglucique /
isomère / hösel / hémicétalique / cire
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