Site créé le 24 octobre 2004 | Modifié le 3 janvier 2006 |
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Meunier, Paul.
L'étude approfondie de la
composition élémentaire des êtres vivants a été une source féconde de
progrès en Chimie et en Biologie.
Cette étude a l'avantage
d'offrir aux recherches un but déterminé d'où les questions vagues sont exclues.
Pour le chimiste, il s'agit de
reconnaître, puis de doser un élément donné dans les tissus des plantes ou des animaux.
Mais croyant
arriver au terme de son analyse le chercheur voit la liste des
quatorze ou quinze éléments de la matière vivante s'allonger encore.
C'est sous l'impulsion de
Gabriel Bertrand et de ses travaux que cette investigation devint méthodique et complète. En
même temps, le problème chimique se compliqua de plus en plus.
Pour en poursuivre la solution,
il fallut s'adresser aux réactions les plus fines des éléments, et souvent perfectionner
l'analyse elle-même. Grandes doivent être la vigilance et l'ingéniosité du chimiste
pour découvrir et même doser d'infimes quantités de bore, d'arsenic, de nickel,
de cobalt,
dans la matière vivante.
La Chimie analytique bénéficie largement de
ces recherches : la colorimétrie, la spectrographie en tirent un nouvel essor.
Le biologiste, lui, se demande
si l'élément découvert par l'analyse, même en très faible proportion, est
indispensable à la vie, et quel peut être son rôle. Parfois, les résultats de
l'analyse le font directement entrevoir, en particulier lorsqu'on a pu localiser
l'élément dans des organes déterminés ou mieux encore le trouver combiné dans
des principes immédiats.
Tels furent les cas
de l'iode dans la thyroïde, isolé ensuite avec la thyroxine, de divers métaux,
engagés dans des pigments respiratoires, comme le fer, le cuivre, le manganèse et
même le
vanadium.
Citons enfin l'intervention du
manganèse dans les oxydations provoquées par la laccase (G. Bertrand, 1894).
Ainsi, la connaissance complète
de la composition élémentaire des organismes se montre très précieuse pour
l'analyse des phénomènes chimiques de la vie. Mais souvent on doit encore se
contenter d'une réponse globale à la question posée plus haut.
L'élément donné est-il indispensable à la vie?
On compose les milieux de culture
ou des régimes chimiquement définis ; on les offre à des plantes ou à des animaux en
retirant l'élément étudié. Le développement de la culture ou de l'élevage
fournit directement la réponse cherchée.
C'est une méthode synthétique
dont Raulin a donné le premier exemple, en 1870, avec Aspergillus niger.
On comprend que moins l'élément étudié est abondant, plus est difficile l'application de
cette méthode.
Mais les résultats n'en sont pas moins probants.
Parmi les plus frappants, citons
la démonstration donnée par G. Bertrand, après perfectionnement de la technique de Raulin, du
caractère indispensable du Mn dans la culture de la moisissure : le métal
manifeste encore son action favorable à l'extrême dilution de un
dix-milliardième.
Dans le règne animal les
résultats de la méthode synthétique, plus récents, ne sont pas moins
curieux. On voit l'absence totale du Mn, du Zn ou même du Ni d'un régime conduire
les souris aussi vite à la mort que l'absence du fer (G. Bertrand et divers
collaborateurs).
Enfin, très récemment, G.
Bertrand et Battacharjee ont montré que les vitamines ne peuvent manifester leur action
en l'absence
de zinc.
On peut espérer étendre cette
liste et découvrir des faits analogues, qui, en dehors de l'intérêt théorique qu'ils
présentent, tendent à l'application en nous faisant mieux connaître.
Le problème posé au début de ce
travail était l'identification et le dosage de l'aluminium contenu normalement dans les tissus des
animaux.
I - La première partie était une
revue critique de diverses >méthodes d'analyse déjà utilisées dans ce but ou
susceptibles d'une telle application.
Elles faisaient appel à la production
de laques,
à divers modes de précipitation de l’Al, ou même à la spectrographie.
Nous avons montré qu'aucune
d'entre elles ne présentait ces caractères de simplicité et de certitude que on est en droit
d'exiger d'une analyse destinée à une application biologique générale.
Dans ces recherches
d'orientation ou de longues séries de dosage s'offrent à l'activité du
chimiste, nous pensons que ces deux qualités sont intimement liées : de a commodité dans
l'exécution dépendent la régularité, la fidélité dans les résultats.
C'est cette idée qui nous a
guidé dans nos recherches analytiques.
II - Nous avons vu comment la
précipitation par le cupferron de l'Al aux grandes dilutions pouvait servir à un dosage
opacimétrique de ce métal, même en présence d'électrolytes étrangers
Mais derrière cette
détermination c'est le dosage opacimétrique type que nous avons eu en vue.
Sans doute nous n'apportons pas
à ce point de vue de fait vraiment nouveau. Mais pour obtenir dans cette sorte
d'analyse une approximation très satisfaisante, nous avons dû préciser des travaux
ébauches, des idées qui étaient dans l'air.
Nous avons montré que pour réussir un
dosage opacimétrique, il faut : 1° S'adresser à un colloïde ;
2° Obéir aux lois de son
évolution.
Le corps choisi se prêtait sans
doute particulièrement bien à l'opacimétrie. Mais il ne sera pas seul; et dans
l'avenir nous pensons que, pour des cas analogues, on pourra s'inspirer utilement
de notre étude.
Celle-ci n'a pu être menée à
bien qu'à l'aide d'un instrument approprié. Et là encore il y avait
beaucoup à gagner en commodité et en certitude dans la réalisation de
l'opacimètre pratique pour le laboratoire de chimie.
Les cellules photoélectriques
nous ont tenté et longtemps déçu. Plusieurs mois de recherches nous
ont finalement conduit à construire un appareil tout à fait particulier, à la
fois simple et fidèle. Nous croyons d'ailleurs qu'avec les couples
photoélectriques au sélénium, dont l'utilisation est très aisée, mais délicate, on
n'obtiendra une bonne précision qu'en se conformant aux précautions que nous avons
décrites.
Elles se résument en quelques
mots : ne pas faire varier pendant la mesure le flux lumineux ni en
sur-face, ni en intensité.
Ce travail terminé, nous avons
eu la satisfaction en parcourant le traité de Boutry, en cours de parution,
d'y voir préciser ces mêmes conclusions sur ces « instruments d'avenir » que sont les
couples photo-électriques.
Nous avons dû rechercher ensuite
un mode d'élimination convenable des métaux gênants. L'entraînement des
précipités organométalliques dans un solvant non miscible s'est montré très
satisfaisant. C'est là un procédé analytique susceptible de généralisation.<
Une première application
biologique de ces recherches, le dosage de l'Al dans les tissus
végétaux, a été très encourageante.
On a pu doser l'Al dans 0 gr. 5
à 1 gr. de tissu végétal sec, avec une très bonne approximation (3 à 5 p. 100).
Mais la pauvreté relative des
tissus animaux, qui conduit à prendre de 5 à 10 gr. de matière sèche par essai, nous a
obligé à compléter encore la méthode d'analyse.
Une première séparation de l'Al
était nécessaire. Nous en avons recherché les meilleures conditions. Il nous a
fallu enfin choisir un mode de destruction convenable de la matière organique. Nous avons adopté
l'attaque par les acides sulfurique, nitrique et perchlorique, qui est rapide,
exige peu d'acide et ne donne lieu à aucune perte appréciable de métal.
III. — Dans la troisième partie
de ce mémoire nous donnons les résultats obtenus par application de notre méthode
d'analyse à des organes d'herbivores, et à divers animaux marins.
Sur une centaine d'analyses,
nous n'avons eu que 2 résultats négatifs (lait de vache et blanc d'œuf). Dans tous les
autres cas nous avons trouvé de l'Al, mais en quantités assez variables.
Dans les herbivores, les parties
les plus riches sont les muqueuses du tube digestif. La distribution du métal
entre le muscle et la muqueuse linguale obéit à la loi trouvée relativement au Mn, au Pb, Sn
et Zn par G. Bertrand et ses collaborateurs.
Chez le cheval et la
vache, la muqueuse linguale contient rcspectivement 8 mgr. et 5 mgr. 2 d'Al
(par kilogramme de matière et le muscle sous-jacent 1,6 et 1 mgr. 2. Mais les muqueuses de
l'estomac et de l'intestin sont parfois encore plus riches (10 à 30
mgr. pour les mêmes animaux). Les glandes digestives, la cervelle, le cœur, la
rate, etc..., ont des teneurs assez voisines comprises entre 2 et 6 mgr. (même notation)
sauf le
pancréas qui renferme jusqu'à 16 mgr. d'Al (cheval) et qui est toujours
plus riche que le foie (cheval, bœuf, porc, mouton).
Nous n'avons pas étudié avec
autant de détails la répartition de l'Al dans les organes des animaux
marins.
D'une façon générale, on peut dire que les poissons
sont plus riches que les herbivores et que les crustacés le sont encore
davantage.
Nous avons rattaché cette constatation au cas d'autres
métaux rares, en particulier du Ti.
Enfin, chez Ascidia Mentula la proportion d'Al est
considérable en regard des chiffres précédents (jusqu'à 140 mgr. par kilogramme
de matière sèche).
L'AI est donc bien un élément constant de la matière
animale, comme de la matière végétale ; mais il est de 50 à 100 fois moins abondant
dans la première.
Par son importance quantitative il se range, dans les
tissus animaux, immédiatement au-dessous du Cu, dont le rôle physiologique est bien
connu maintenant.
A ce point de vue, on ne peut
encore rien affirmer de l'Al. Mais nous croyons que les premiers résultats que
nous apportons
aujourd'hui pourront un jour rendre dans ce domaine quelque
service.
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