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Notice sur les titres et travaux
scientifiques
de
Né dans un milieu plus
particulièrement administratif, artistique et littéraire, mais mis au
contact fréquent de la nature, j'ai bénéficié d'une éducation très libérale
dans le fond, quoique assez rigide dans la forme.
De bonne heure, je me suis dirigé
spontanément vers les sciences d'observation, dont j'ai acquis certaines
techniques très prématurément.
Je dois probablement
l'orientation définitive de ma vocation scientifique à M. Lippmann, qui avait
eu la bonté, vers 1898, d'entretenir une correspondance bienveillante avec le
jeune bachelier que j'étais, et qui n'avait pas craint de proposer à ce maître
certains procédés de mesure de constantes physiques.
Entré à l'Ecole Normale
Supérieure en 1902, j'en suis sorti agrégé avec le numéro 1, en
1905; mais, n'ayant pu trouver à Paris de situation d'attente, je dus accepter un
poste au Lycée de Douai. Je devais rencontrer là une compensation momentanée dans
la réunion d'un groupe d'élèves de qualité, dont, pendant deux ans, je pus faire
recevoir les meilleurs à l'Ecole Normale et à l'Ecole Polytechnique ; certains
sont devenus mes collègues dans l'Enseignement supérieur.
M. Péchard, qui, à l'Ecole
Normale Supérieure, nous préparait de façon si remarquable à l'agrégation,
avait attiré mon attention, au cours d'une leçon, sur les dérivés
métalliques de l'acide pyrophosphorique, et m'avait conseillé d'en faire le sujet d'une
thèse éventuelle. Avant de quitter l'Ecole, j'avais démontré l'existence de complexes
pyrophosphoriques du fer, analogues aux cyanures, et je profitai des rares moments
de liberté dont je disposais pour terminer ce travail au laboratoire du Lycée de
Douai.
La bienveillance de M. Damien,
doyen de la Faculté des Sciences de Lille, me permit de compléter une thèse
par l'étude magnétique des complexes et, avant la soutenance, j'étais appelé à
Lille comme maître de conférences de chimie appliquée. Je voyais se réaliser
mon rêve de pouvoir donner le meilleur de mon temps à la recherche
scientifique.
Une déception cependant
m'attendait. Le milieu lillois ne se prêtait pas au recrutement de jeunes
chercheurs et, pendant une vingtaine d'années, je ne devais bénéficier que
de l'assistance éphémère d'un élève regretté, M. Normand, et de la collaboration
momentanée de mon chef de travaux, M. Jouniaux, devenu depuis mon collègue.
J'avais dû renoncer à la
présence de mon préparateur, tout entier accaparé par le laboratoire
d'enseignement.
Dans l'intervalle survint la
guerre.
Mobilisé dès les premiers jours,
je partis vers le front de Belgique pour être bientôt refoulé, après Charleroi,
dans un dépôt du Sud-Ouest. MM. Haller et Moureu m'y découvrirent au début de
1915 et me firent attacher à la Poudrerie d'Angoulême, où, successivement chef du
laboratoire de contrôle et chargé des recherches, je me trouvai finalement à la
tête de 165 chimistes, aides-chimistes et manœuvres.
Ce fut une époque d'activité
intense où s'ébauchèrent de multiples travaux intéressant les industries dont
j'eus le contrôle ou la charge de la mise au point : coton-poudre, dérivés nitrés,
acide nitrique synthétique, ypérite, etc.
Je dus même monter des usines
mettant en œuvre des procédés de fabrication personnels, tels que la
synthèse de l'alcool ou la préparation du peroxyde d'azote
liquide, dont l'atelier était capable de charger par jour 2.000 bombes d'avions >en panclastite,
quand l'armistice survint.
Cette période d'activité
industrielle, en renouvelant en moi de lointaines influences ataviques, a joué un
rôle profond dans le développement de ma pensée.
De retour à Lille, ma nomination
dans la chaire de chimie appliquée m'imposa la charge de remettre l'Institut en
état de marche, d'assurer un recrutement amélioré des élèves, et de créer de
nouveaux enseignements.
La métallurgie, les industries minérales
synthétiques et la chimie agricole m'échurent en partage; les deux premières
disciplines furent prétexte à publication d'ouvrages didactiques importants, au milieu de la
continuation des travaux d'avant-guerre.
Mais la pénurie d'élèves me
faisait toujours souffrir, et il faut voir là une des raisons qui me
poussèrent à désirer un poste à Paris.
Nommé en 1928 à la Sorbonne, j'y
amenais d'ailleurs deux ingénieurs chimistes de Lille, qui constituèrent l'amorce
d'un laboratoire plus tard très actif et qui compta parfois jusqu'à près de 25
chercheurs.
Depuis 1928, mes élèves ont
ainsi fourni
63 mémoires ou notes aux Comptes Rendus; ils ont soutenu 8 thèses d'Etat, 9 thèses
d'Université et 8 diplômes d'études supérieures. Beaucoup de ces docteurs sont restés
dans mon service et un certain nombre d'entre eux collaborent, en particulier,
aux travaux que m'ont confiés les services de la Guerre.
Je serais presque tenté de me
plaindre de l'activité qui règne maintenant autour de moi, car
elle m'oblige à sacrifier beaucoup du temps que je pourrais consacrer personnellement
à la recherche, et elle réduit d'autant mes publications, car j'ai toujours
répugné à contresigner un travail fait en collaboration quand je n'y ai pas apporté une
collaboration matérielle importante en plus des idées directrices.
Travaux de
Chimie minérale.
L'étude de la chimie minérale a
constitue la trame de ma vie scientifique; mais je n'ai jamais hésité à
développer les sujets de chimie organique qui se présentaient à ma curiosité.
Enfin j'ai toujours pris
prétexte de mes travaux pour les doubler de mesures physiques susceptibles
d'éclairer la constitution des corps que je rencontrais.
J'avais gardé, de mon séjour à
l'Ecole Normale, le souvenir enthousiaste d'une conférence de Werner sur sa
systématique des complexes et sa découverte du pouvoir rotatoire dans la
famille des platinoïdes.
Ce fut donc vers la recherche
des formes complexes que j'orientai mon premier travail sur les dérivés
pyrophosphoriques du fer. Aux ferropyrophosphates et ferripyrophosphates
analogues aux cyanures complexes correspondants, j'ajoutai toute la gamme des
ferriammines prévues par la théorie de Werner.
Ces résultats devaient être
étendus plus tard à la série de l'uranium, dont les cyanates et les pyrophosphates
présentent des cas d'isomérie remarquables et des dissimulations inattendues de
métaux alcalins.
Ces dernières années, je suis
revenu aux< métallocyanures, qu'on fait dériver souvent d'un acide
tricyanhydrique à structure triazinique; et j'ai pu démontrer que ce dernier noyau
était en effet générateur de complexes, car l'acide triazinetricarboxylique et l'acide
cyanurique fournissent de nombreux dérivés ferreux, ferriques, cobalteux et
chroniques analogues aux cyanures complexes correspondants.
J'avais obtenu, au début de mes
recherches, des résultats irréguliers en cherchant à préparer les
ferro et ferrimétaphosphates, comme si les métaphosphates alcalins de départ
contenaient plusieurs espèces chimiques.
J'en ai trouvé la raison en
reprenant toute la question des métaphosphates tant controversée depuis cent
ans. Ce fut un travail des plus durs, qui m'occupa plus de six ans,
mais qui me permit d'obtenir pour la première fois des monométaphosphates bien
définis, puis de fixer la filiation entre toutes les formes condensées, au nombre de dix
environ, des acides polymétaphosphoriques. Je précisai les domaines d'existence de
chacun d'eux, leurs transformations réciproques, réversibles ou irréversibles,
et donnai pour chacun des modes de préparation pratique dont on trouvera plus
loin l'essentiel.
Soit seul, soit en collaboration
avec mes élèves de Paris, j'avais entre temps étudié un grand nombre d'autres
acides et leurs dérivés essentiels : éthers-sels nombreux dérivés de l'acide
arsénieux, amides et imides dérivés du vanadium, acides telluriques,
sous-chlorure de chromyle.
Enfin la guerre m'avait fourni
l'occasion d'entreprendre un gros travail d'ensemble sur l'acide azotique :
oxydation catalytique du gaz ammoniac en vue de la synthèse de l'acide, combinaison
de 1’acide azotique avec le peroxyde d'azote, attaque des métaux par les
mélanges ternaires d'acide sulfurique, d'acide azotique et eau, dont certains sont
utilisés dans la fabrication des éthers nitriques ou des dérivés nitrés.<
Travaux de Chimie
organique.
J'avais eu besoin, avant la
guerre, de quelques centaines de composés organiques très purs,
nécessaires à mes recherches magnétochimiques et, en passant, l'occasion
s'était présentée de préparer de nouveaux organométalliques dérivés du silicium.
de l'étain, du plomb, de l'antimoine, etc., d'une part; du cyclohexane et du phénylacétylène,
d'autre part.
J'en reprends actuellement
l'étude en vue de la détermination des constantes électriques.
De même, j'avais précisé et
étendu les réactions de pyrogénation des azines, signalées par Curtius, et
préparé quelques dizaines de dérivés de l'éthylène disubstitués par les noyaux
les plus divers.
La guerre me conduisit à
préciser les conditions de préparation du coton-poudre et des
explosifs nitrés, à raccorder la composition des bains nitrants à la stabilité ou à
l'inflammabilité de ces produits.
Enfin, je dus chercher de
nouveaux modes de synthèse de l'alcool, de l'acide acétique et de l'acétone.
Ces travaux furent conduits jusqu'à l'édification d'une usine d'alcool
synthétique où, partant du carbure de calcium, je transformais en aldéhyde
l'acétylène qui en dérivait, par un procède original, pour réduire l'aldéhyde en
alcool par électrocatalyse.
Depuis quelques années, et en
partie sur l'instigation du Service des Poudres, j ai entrepris
l'étude de la synthèse du benzène, actuellement à la veille d'une transposition
industrielle, et je collabore à la mise au point d'une méthode de distillation
des lignites et des tourbes en vue d'accroître considérablement le rendement en carbures
aromatiques, nécessaires au temps de paix comme au temps de guerre.
Travaux de
Chimie physique.
J'ai sans cesse été désireux
d'établir une correspondance quantitative entre les constantes
physiques des corps et leur constitution : on y trouve en effet souvent des éléments
d'une classification mieux ordonnée et, inversement, des procèdes de
détermination des constitutions.
Le travail le plus important de
ce genre qui puisse être porté à mon actif est l'étude des relations qui
existent entre les propriétés magnétiques et la constitution moléculaire.
L'essentiel en a été publié avant la guerre, mais ce sujet m’occupera
certainement jusqu'à la retraite.
A ma suite, de nombreux
chercheurs ont développé ce chapitre nouveau qu'est la «magnétochimie», et
mes travaux. j'oserai le dire, sont l'objet d'études étendues et flatteuses
dans tous les ouvrages — et ils sont nombreux depuis dix ans — qui paraissent sur
ce sujet à l'étranger.
Anticipant sur le détail qu'on
lira plus loin, je dirai seulement que j'ai montré la variation
parallèle de la «complexité» des combinaisons, appréciée par l'atténuation des
caractères analytiques et du paramagnétisme des éléments métalliques qui y figurent.
J'ai donné également des règles
de calcul de la susceptibilité moléculaire d'un composé organique et fait du
diamagnétisme un réactif sensible des particularités de structure : liaisons
multiples, noyaux de divers types, tautoméries. etc. C'est par centaines qu'ont
été préparés et étudiés ainsi les composés minéraux et organiques.
Dans le domaine de la chimie
minérale, j'ai pu enfin mettre en évidence des relations du même ordre qu'en
chimie organique; montrer l'influence de la valence; débrouiller la
structure des radicaux acides à la lumière des résultats acquis en chimie
organique.
Je me suis servi récemment de
l'analyse magnétique pour classer les polymétaphosphates. Pour ne parler
que de la France, le regretté M. Grignard a utilisé mes méthodes pour déterminer
la structure des dérivés pyrosulfuriques.
C'est également plus d'une
centaine de mélanges binaires et ternaires qui ont été soumis à
l'analyse thermique, pour préciser les conditions d'isomorphisme en relation
avec la constitution, particulièrement en chimie organique.
Il a été montré que la faculté de
syncristalliser s'atténuait au fur et à mesure que s'atténuaient les analogies
chimiques ou la symétrie de la molécule. J'ai pu parfois tirer de ces résultats des
conclusions utiles touchant la structure de certaines formes controversées.
Des mesures de pouvoir
réfringent moléculaire ont servi à contrôler ou à préciser un certain nombre
des résultats signalés plus haut.
Une part importante de mon
activité, dans le domaine de la physicochimie, a été orientée vers des
déterminations intéressant plus directement l'analyse chimique ou l'industrie
des acides, des explosifs et des dérivés de l'acétylène.
J'ai ainsi cherché des solvants
cryoscopiques donnant lieu à de forts abaissements du point de congélation,
comme l'hexachloréthane ; déterminé les indices de réfraction des
mélanges d'acides ou de corps gras, en vue d'en faire l'analyse rapide ; donné
de nouvelles méthodes de mesure des densités (aluminium) par la détermination
de la «température d'enfoncement» dans un liquide plus dense (bromoforme),
etc.
J'avais pendant, ou aussitôt
après la guerre, déterminé dans le même but les surfaces d'ébullition des
mélanges sulfonitriques (H2O-NO3H-SO4H2), la densité de ces mêmes
acides, leurs chaleurs spécifiques, leurs chaleurs de mélange, etc.
Les mélanges d'eau,
d'aldéhyde, de paraldéhyde, d'acide acétique, etc., avaient été examinés dans
le même sens.
Une étude très délicate enfin,
intéressant la métallurgie, avait consisté dans l'étude thermique, densimétrique
et conductimétrique des bains fondus servant à la préparation électrolytique de
l'aluminium. Devenu classique en quelque sorte, mon travail est presque toujours
cité textuellement dans les ouvrages de métallurgie étrangers.
Enfin, la fonderie peut m'être
redevable de mesures de densité de nombreux métaux fondus, jusqu'à la température
de 1.400°.
Dans tous ces travaux, j'ai
largement utilisé les méthodes graphiques de représentation des propriétés
étudiées; j'espère avoir directement contribué à la diffusion d'un outil de
travail jusque-là trop méconnu en France et qui, à la vision synthétique des
propriétés d'un système chimique, ajoute l'attrait et l'avantage d'une puissance
de découverte indéniable.
Ouvrages en
librairie.
Comme je l'ai rappelé plus haut,
j'ai publié en librairie un certain nombre de traités didactiques, mais très
complètement documentés, sur «la métallurgie» (2 volumes), «les synthèses et
catalyses industrielles» (2 éditions), «les poudres, explosifs et
gaz de combat» (2 éditions).
Mais mon œuvre principale dans
cet ordre d'idées est la rédaction d'un «Traité de Chimie minérale» en 12
volumes et 14.500 pages, destiné dans mon esprit à remplacer le
«Moissan». Entouré de 65 collaborateurs, et participant pour ma part à la
rédaction complètement personnelle de 862 pages du total, j'ai pu mener ce travail à
bien en quatre ans. Moins de trente mois se sont écoulés entre l'apparition des
volumes extrêmes.
J'ai préféré ce rythme rapide à
la lenteur qui résulte de la recherche d'une perfection absolue, car il permet
l'homogénéité de conception et de documentation qui manquent parfois dans les
traités de plus grande envergure ou de gestation plus longue.
Débordant du cadre descriptif
pour prendre le ton didactique et critique, fortement documenté du point de vue
physico-chimique, riche en documents bibliographiques (plus de 200.000
références), illustré de nombreux graphiques, cet ouvrage se trouve
maintenant dans les laboratoires du monde entier, et je crois pouvoir dire qu'il a,
pour une modeste part, contribué à la diffusion de l'esprit français et au
renouvellement du mode de présentation de la chimie minérale.
Je pourrais revendiquer
l'assimilation complémentaire de ce travail à un ensemble de notes aux
Comptes Rendus, car j'ai inséré dans le texte près d'une centaine de constantes
diamagnétiques, déterminées par moi-même, et qui n'ont fait encore l'objet
d'aucune autre publication.
Mots clefs : activité / alcool / aldéhyde / analyse /
azotique / chimie / complexe / constitution / coton-poudre / cyanure / détermination /
enseignement / étude / explosif / guerre / laboratoire / mesure / métallurgie / métaphosphate /
métaux / minérale / moléculaire / organique / physique / pudre / préparation / publication /
pyrophosphorique / recherche / résultat / structure / synthèse / thèse / travail / pascal
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