Pascal : Titres et travaux
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 10 janvier 2006
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Notice sur les titres et travaux scientifiques

 

de

 

Paul Pascal

Correspondant de l'Institut/Professeur à la Sorbonne

 

 

APERÇU GÉNÉRAL DES TRAVAUX

Né dans un milieu plus particulièrement administratif, artistique et littéraire, mais mis au contact fréquent de la nature, j'ai bénéficié d'une éducation très libérale dans le fond, quoique assez rigide dans la forme.

 

De bonne heure, je me suis dirigé spontanément vers les sciences d'observation, dont j'ai acquis certaines techniques très prématurément.

 

Je dois probablement l'orientation définitive de ma vocation scientifique à M. Lippmann, qui avait eu la bonté, vers 1898, d'entretenir une correspondance bienveillante avec le jeune bachelier que j'étais, et qui n'avait pas craint de proposer à ce maître certains procédés de mesure de constantes physiques.

 

Entré à l'Ecole Normale Supérieure en 1902, j'en suis sorti agrégé avec le numéro 1, en 1905; mais, n'ayant pu trouver à Paris de situation d'attente, je dus accepter un poste au Lycée de Douai. Je devais rencontrer là une compensation momentanée dans la réunion d'un groupe d'élèves de qualité, dont, pendant deux ans, je pus faire recevoir les meilleurs à l'Ecole Normale et à l'Ecole Polytechnique ; certains sont devenus mes collègues dans l'Enseignement supérieur.

 

M. Péchard, qui, à l'Ecole Normale Supérieure, nous préparait de façon si remarquable à l'agrégation, avait attiré mon attention, au cours d'une leçon, sur les dérivés métalliques de l'acide pyrophosphorique, et m'avait conseillé d'en faire le sujet d'une thèse éventuelle. Avant de quitter l'Ecole, j'avais démontré l'existence de complexes pyrophosphoriques du fer, analogues aux cyanures, et je profitai des rares moments de liberté dont je disposais pour terminer ce travail au laboratoire du Lycée de Douai.

 

La bienveillance de M. Damien, doyen de la Faculté des Sciences de Lille, me permit de compléter une thèse par l'étude magnétique des complexes et, avant la soutenance, j'étais appelé à Lille comme maître de conférences de chimie appliquée. Je voyais se réaliser mon rêve de pouvoir donner le meilleur de mon temps à la recherche scientifique.

 

Une déception cependant m'attendait. Le milieu lillois ne se prêtait pas au recrutement de jeunes chercheurs et, pendant une vingtaine d'années, je ne devais bénéficier que de l'assistance éphémère d'un élève regretté, M. Normand, et de la collaboration momentanée de mon chef de travaux, M. Jouniaux, devenu depuis mon collègue.

 

J'avais dû renoncer à la présence de mon préparateur, tout entier accaparé par le laboratoire d'enseignement.

 

Dans l'intervalle survint la guerre.

 

Mobilisé dès les premiers jours, je partis vers le front de Belgique pour être bientôt refoulé, après Charleroi, dans un dépôt du Sud-Ouest. MM. Haller et Moureu m'y découvrirent au début de 1915 et me firent attacher à la Poudrerie d'Angoulême, où, successivement chef du laboratoire de contrôle et chargé des recherches, je me trouvai finalement à la tête de 165 chimistes, aides-chimistes et manœuvres.

 

Ce fut une époque d'activité intense où s'ébauchèrent de multiples travaux intéressant les industries dont j'eus le contrôle ou la charge de la mise au point : coton-poudre, dérivés nitrés, acide nitrique synthétique, ypérite, etc.

 

Je dus même monter des usines mettant en œuvre des procédés de fabrication personnels, tels que la synthèse de l'alcool ou la préparation du peroxyde d'azote liquide, dont l'atelier était capable de charger par jour 2.000 bombes d'avions >en panclastite, quand l'armistice survint.

 

Cette période d'activité industrielle, en renouvelant en moi de lointaines influences ataviques, a joué un rôle profond dans le développement de ma pensée.

 

De retour à Lille, ma nomination dans la chaire de chimie appliquée m'imposa la charge de remettre l'Institut en état de marche, d'assurer un recrutement amélioré des élèves, et de créer de nouveaux enseignements.

 

La métallurgie, les industries minérales synthétiques et la chimie agricole m'échurent en partage; les deux premières disciplines furent prétexte à publication d'ouvrages didactiques importants, au milieu de la continuation des travaux d'avant-guerre.

 

Mais la pénurie d'élèves me faisait toujours souffrir, et il faut voir là une des raisons qui me poussèrent à désirer un poste à Paris.

 

Nommé en 1928 à la Sorbonne, j'y amenais d'ailleurs deux ingénieurs chimistes de Lille, qui constituèrent l'amorce d'un laboratoire plus tard très actif et qui compta parfois jusqu'à près de 25 chercheurs.

 

Depuis 1928, mes élèves ont ainsi fourni 63 mémoires ou notes aux Comptes Rendus; ils ont soutenu 8 thèses d'Etat, 9 thèses d'Université et 8 diplômes d'études supérieures. Beaucoup de ces docteurs sont restés dans mon service et un certain nombre d'entre eux collaborent, en particulier, aux travaux que m'ont confiés les services de la Guerre.

 

Je serais presque tenté de me plaindre de l'activité qui règne maintenant autour de moi, car elle m'oblige à sacrifier beaucoup du temps que je pourrais consacrer personnellement à la recherche, et elle réduit d'autant mes publications, car j'ai toujours répugné à contresigner un travail fait en collaboration quand je n'y ai pas apporté une collaboration matérielle importante en plus des idées directrices.

 

Travaux de Chimie minérale.

L'étude de la chimie minérale a constitue la trame de ma vie scientifique; mais je n'ai jamais hésité à développer les sujets de chimie organique qui se présentaient à ma curiosité.

 

Enfin j'ai toujours pris prétexte de mes travaux pour les doubler de mesures physiques susceptibles d'éclairer la constitution des corps que je rencontrais.

 

J'avais gardé, de mon séjour à l'Ecole Normale, le souvenir enthousiaste d'une conférence de Werner sur sa systématique des complexes et sa découverte du pouvoir rotatoire dans la famille des platinoïdes.

 

Ce fut donc vers la recherche des formes complexes que j'orientai mon premier travail sur les dérivés pyrophosphoriques du fer. Aux ferropyrophosphates et ferripyrophosphates analogues aux cyanures complexes correspondants, j'ajoutai toute la gamme des ferriammines prévues par la théorie de Werner.

 

Ces résultats devaient être étendus plus tard à la série de l'uranium, dont les cyanates et les pyrophosphates présentent des cas d'isomérie remarquables et des dissimulations inattendues de métaux alcalins.

 

Ces dernières années, je suis revenu aux< métallocyanures, qu'on fait dériver souvent d'un acide tricyanhydrique à structure triazinique; et j'ai pu démontrer que ce dernier noyau était en effet générateur de complexes, car l'acide triazinetricarboxylique et l'acide cyanurique fournissent de nombreux dérivés ferreux, ferriques, cobalteux et chroniques analogues aux cyanures complexes correspondants.

 

J'avais obtenu, au début de mes recherches, des résultats irréguliers en cherchant à préparer les ferro et ferrimétaphosphates, comme si les métaphosphates alcalins de départ contenaient plusieurs espèces chimiques.

 

J'en ai trouvé la raison en reprenant toute la question des métaphosphates tant controversée depuis cent ans. Ce fut un travail des plus durs, qui m'occupa plus de six ans, mais qui me permit d'obtenir pour la première fois des monométaphosphates bien définis, puis de fixer la filiation entre toutes les formes condensées, au nombre de dix environ, des acides polymétaphosphoriques. Je précisai les domaines d'existence de chacun d'eux, leurs transformations réciproques, réversibles ou irréversibles, et donnai pour chacun des modes de préparation pratique dont on trouvera plus loin l'essentiel.

 

Soit seul, soit en collaboration avec mes élèves de Paris, j'avais entre temps étudié un grand nombre d'autres acides et leurs dérivés essentiels : éthers-sels nombreux dérivés de l'acide arsénieux, amides et imides dérivés du vanadium, acides telluriques, sous-chlorure de chromyle.

 

Enfin la guerre m'avait fourni l'occasion d'entreprendre un gros travail d'ensemble sur l'acide azotique : oxydation catalytique du gaz ammoniac en vue de la synthèse de l'acide, combinaison de 1’acide azotique avec le peroxyde d'azote, attaque des métaux par les mélanges ternaires d'acide sulfurique, d'acide azotique et eau, dont certains sont utilisés dans la fabrication des éthers nitriques ou des dérivés nitrés.<

 

Travaux de Chimie organique.

J'avais eu besoin, avant la guerre, de quelques centaines de composés organiques très purs, nécessaires à mes recherches magnétochimiques et, en passant, l'occasion s'était présentée de préparer de nouveaux organométalliques dérivés du silicium. de l'étain, du plomb, de l'antimoine, etc., d'une part; du cyclohexane et du phénylacétylène, d'autre part.

 

J'en reprends actuellement l'étude en vue de la détermination des constantes électriques.

 

De même, j'avais précisé et étendu les réactions de pyrogénation des azines, signalées par Curtius, et préparé quelques dizaines de dérivés de l'éthylène disubstitués par les noyaux les plus divers.

 

La guerre me conduisit à préciser les conditions de préparation du coton-poudre et des explosifs nitrés, à raccorder la composition des bains nitrants à la stabilité ou à l'inflammabilité de ces produits.

 

Enfin, je dus chercher de nouveaux modes de synthèse de l'alcool, de l'acide acétique et de l'acétone. Ces travaux furent conduits jusqu'à l'édification d'une usine d'alcool synthétique où, partant du carbure de calcium, je transformais en aldéhyde l'acétylène qui en dérivait, par un procède original, pour réduire l'aldéhyde en alcool par électrocatalyse.

 

Depuis quelques années, et en partie sur l'instigation du Service des Poudres, j ai entrepris l'étude de la synthèse du benzène, actuellement à la veille d'une transposition industrielle, et je collabore à la mise au point d'une méthode de distillation des lignites et des tourbes en vue d'accroître considérablement le rendement en carbures aromatiques, nécessaires au temps de paix comme au temps de guerre.

 

Travaux de Chimie physique.

J'ai sans cesse été désireux d'établir une correspondance quantitative entre les constantes physiques des corps et leur constitution : on y trouve en effet souvent des éléments d'une classification mieux ordonnée et, inversement, des procèdes de détermination des constitutions.

 

Le travail le plus important de ce genre qui puisse être porté à mon actif est l'étude des relations qui existent entre les propriétés magnétiques et la constitution moléculaire. L'essentiel en a été publié avant la guerre, mais ce sujet m’occupera certainement jusqu'à la retraite.

 

A ma suite, de nombreux chercheurs ont développé ce chapitre nouveau qu'est la «magnétochimie», et mes travaux. j'oserai le dire, sont l'objet d'études étendues et flatteuses dans tous les ouvrages — et ils sont nombreux depuis dix ans — qui paraissent sur ce sujet à l'étranger.

 

Anticipant sur le détail qu'on lira plus loin, je dirai seulement que j'ai montré la variation parallèle de la «complexité» des combinaisons, appréciée par l'atténuation des caractères analytiques et du paramagnétisme des éléments métalliques qui y figurent.

 

J'ai donné également des règles de calcul de la susceptibilité moléculaire d'un composé organique et fait du diamagnétisme un réactif sensible des particularités de structure : liaisons multiples, noyaux de divers types, tautoméries. etc. C'est par centaines qu'ont été préparés et étudiés ainsi les composés minéraux et organiques.

 

Dans le domaine de la chimie minérale, j'ai pu enfin mettre en évidence des relations du même ordre qu'en chimie organique; montrer l'influence de la valence; débrouiller la structure des radicaux acides à la lumière des résultats acquis en chimie organique.

 

Je me suis servi récemment de l'analyse magnétique pour classer les polymétaphosphates. Pour ne parler que de la France, le regretté M. Grignard a utilisé mes méthodes pour déterminer la structure des dérivés pyrosulfuriques.

 

C'est également plus d'une centaine de mélanges binaires et ternaires qui ont été soumis à l'analyse thermique, pour préciser les conditions d'isomorphisme en relation avec la constitution, particulièrement en chimie organique.

 

Il a été montré que la faculté de syncristalliser s'atténuait au fur et à mesure que s'atténuaient les analogies chimiques ou la symétrie de la molécule. J'ai pu parfois tirer de ces résultats des conclusions utiles touchant la structure de certaines formes controversées.

 

Des mesures de pouvoir réfringent moléculaire ont servi à contrôler ou à préciser un certain nombre des résultats signalés plus haut.

 

Une part importante de mon activité, dans le domaine de la physicochimie, a été orientée vers des déterminations intéressant plus directement l'analyse chimique ou l'industrie des acides, des explosifs et des dérivés de l'acétylène.

 

J'ai ainsi cherché des solvants cryoscopiques donnant lieu à de forts abaissements du point de congélation, comme l'hexachloréthane ; déterminé les indices de réfraction des mélanges d'acides ou de corps gras, en vue d'en faire l'analyse rapide ; donné de nouvelles méthodes de mesure des densités (aluminium) par la détermination de la «température d'enfoncement» dans un liquide plus dense (bromoforme), etc.

 

J'avais pendant, ou aussitôt après la guerre, déterminé dans le même but les surfaces d'ébullition des mélanges sulfonitriques (H2O-NO3H-SO4H2), la densité de ces mêmes acides, leurs chaleurs spécifiques, leurs chaleurs de mélange, etc.

 

Les mélanges d'eau, d'aldéhyde, de paraldéhyde, d'acide acétique, etc., avaient été examinés dans le même sens.

 

Une étude très délicate enfin, intéressant la métallurgie, avait consisté dans l'étude thermique, densimétrique et conductimétrique des bains fondus servant à la préparation électrolytique de l'aluminium. Devenu classique en quelque sorte, mon travail est presque toujours cité textuellement dans les ouvrages de métallurgie étrangers.

 

Enfin, la fonderie peut m'être redevable de mesures de densité de nombreux métaux fondus, jusqu'à la température de 1.400°.

 

Dans tous ces travaux, j'ai largement utilisé les méthodes graphiques de représentation des propriétés étudiées; j'espère avoir directement contribué à la diffusion d'un outil de travail jusque-là trop méconnu en France et qui, à la vision synthétique des propriétés d'un système chimique, ajoute l'attrait et l'avantage d'une puissance de découverte indéniable.

 

Ouvrages en librairie.

Comme je l'ai rappelé plus haut, j'ai publié en librairie un certain nombre de traités didactiques, mais très complètement documentés, sur «la métallurgie» (2 volumes), «les synthèses et catalyses industrielles» (2 éditions), «les poudres, explosifs et gaz de combat» (2 éditions).

 

Mais mon œuvre principale dans cet ordre d'idées est la rédaction d'un «Traité de Chimie minérale» en 12 volumes et 14.500 pages, destiné dans mon esprit à remplacer le «Moissan». Entouré de 65 collaborateurs, et participant pour ma part à la rédaction complètement personnelle de 862 pages du total, j'ai pu mener ce travail à bien en quatre ans. Moins de trente mois se sont écoulés entre l'apparition des volumes extrêmes.

 

J'ai préféré ce rythme rapide à la lenteur qui résulte de la recherche d'une perfection absolue, car il permet l'homogénéité de conception et de documentation qui manquent parfois dans les traités de plus grande envergure ou de gestation plus longue.

 

Débordant du cadre descriptif pour prendre le ton didactique et critique, fortement documenté du point de vue physico-chimique, riche en documents bibliographiques (plus de 200.000 références), illustré de nombreux graphiques, cet ouvrage se trouve maintenant dans les laboratoires du monde entier, et je crois pouvoir dire qu'il a, pour une modeste part, contribué à la diffusion de l'esprit français et au renouvellement du mode de présentation de la chimie minérale.

 

Je pourrais revendiquer l'assimilation complémentaire de ce travail à un ensemble de notes aux Comptes Rendus, car j'ai inséré dans le texte près d'une centaine de constantes diamagnétiques, déterminées par moi-même, et qui n'ont fait encore l'objet d'aucune autre publication.



 

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