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Thèse de Sciences agronomiques
soutenue en novembre 1992
pour obtenir le grade de
Docteur es-sciences agronomiques
par
Said
Fakir
Contribution à l'étude des ressources phytogénétiques chez le palmier dattier : analyse du polymorphisme enzymatique et protéique
INTRODUCTION
1 PRESENTATION DES NIVEAUX D'EVALUATION ACTUELS DU PATRIMOINE
PHOENICICOLE MAROCAIN
Compte tenu du désastre provoqué
par le Bayoud dans la palmeraie marocaine, du danger qu'il représente pour toutes les
variétés de qualité en Afrique du nord, et face à l'absence d'un traitement curatif
efficace, le seul moyen de lutte reconnu valable consiste à sélectionner
et à planter des génotypes résistants à cette Fusariose (BULIT et al.,1967;
DJERBI.1988).
Cette sélection, qui a débuté au
Maroc depuis une quarantaine d'années (PEREAU LEROY, 1958), connaît toujours
de nombreuses difficultés. Celles-ci sont liées d'une part à la complexité du
mécanisme de résistance au Bayoud et d'autre part à l'absence de données sur la
génétique de cet arbre.
L'identification et la
caractérisation des cultivars du dattier impliqués dans les programmes
d'amélioration ont été essentiellement basées sur des descriptions morphologiques
du plant.
Cette description doit
nécessairement être effectuée à l'époque de maturation du fruit car il est le seul organe à
présenter des caractères phénotypiques assez stables (MUNIER, 1973).
En effet, en raison de la
plasticité du dattier vis-à-vis des conditions écologiques, les caractères du
port et des palmes subissent de grandes fluctuations d'une zone à une autre.
Ainsi, en l'absence du fruit, même les
agriculteurs sont incapables de reconnaître leurs cultivars familiers dans d'autres
régions. Les individus mâles ne sont en l'occurrence pas identifiés, ainsi que
les< "Khalts"
issus de semis qui présentent une grande variabilité des caractères morphologiques
du fruit.
Les difficultés de classification
et d'identification des génotypes du palmier dattier sont surtout liées aux limites
des marqueurs morphologiques largement utilisés chez cette espèce ; ces
difficultés sont de deux ordres et sont directement en rapport avec la
taxonomie et la variabilité génétique du palmier dattier.
2.1. La dénomination
Toutes les variétés marocaines
portent des noms vernaculaires, souvent très< anciens et d'origine berbère. Plusieurs
noms de variétés se rapportent à un caractère du fruit (morphologie, couleur) :
les variétés Azegagh (rouge), Azegza (vert), Ahardane (Noir), englobent probablement
sous une même appellation des génotypes différents ayant la même couleur de
fruit.
Comme sous un même nom on peut rencontrer des
génotypes différents d'une Oasis à une autre, une même variété multipliée par
rejet peut porter quant à elle des noms différents selon les régions, ce qui explique en
partie les nombreux noms synonymes: (Boucerdoun = Tarzaoua), (Azegzaou =
Tazegzaoua = Gartaïa), d'où la nécessité de préciser pour chaque génotype, le nom
de la variété et son lieu d'origine (Ksar).
2.2. L'Hétérogénéité intracultivar
Les variétés majeures, cultivées
sous un même nom sur de larges superficies (Boufeggous, Bouzekri,...), expriment un
certain niveau de polymorphisme du fruit ce qui laisse supposer l'existence de
plusieurs clones au sein d'un même cultivar (variétés-populations).
Cette supposition a été confirmée
chez de nombreux cultivars algériens ( BENNACEUR et al., 1991).
La variation intracultivar peut
s' expliquer de deux façons :
·
Les khalts issus de semis peuvent donner des phénotypes très
proches pouvant être très facilement assimilés aux cultivars et peuvent donc être
multipliés par rejet sous le même nom.
·
La multiplication par bouturage peut induire une variation
somatique chez les jeunes plants.
Ce phénomène, connu chez les
arbres fruitiers multipliés par voie végétative (MAMOUNI, 1992), peut
affecter le palmier dattier.
En effet, il est reconnu que la
plantation des gourmands (Rkebs), qui sont des rejets situés sur le tronc, bien< au dessus du
niveau du sol, peuvent entraîner des changements de sexe et de morphologie du
fruit (MUNIER, 1973).
3. CADRE GENERAL ET OBJECTIF DE
L'ETUDE
Si l'hypothèse de l'existence de
variétés-populations au sein des cultivars de grande répartition géographique
est confirmée tous les programmes d'amélioration du palmier dattier
basés sur l'hypothèse de l'homogénéité variétale, menés jusqu'ici, seraient remis
en cause.
En effet, depuis la mise au point
des techniques de propagation in-vitro du palmier dattier (RHISS et al.,
1979), le gouvernement marocain a mis en place un projet ambitieux de
restructuration des palmeraies dévastées par le bayoud, à l'aide de plants issus de
culture in-vitro.
Ce programme, entièrement pris en
charge par l'état, s'échelonne sur 20 ans (1987 - 2007) et vise à planter
annuellement 150.000 plants en moyenne.
Ceci correspond à un taux de
regénération de 75% de l'effectif actuel de la palmeraie.
TABLEAU INDIQUANT L'EFFECTIF
ACTUEL DES PALMERAIES MAROCAINES ET L'OBJECTIF DU PROJET DE
RESTRUCTURATION PAR MULTIPLICATION IN VITRO . INRA (1991)
Provinces |
Effectif actuel
|
Effectif à planter par région
|
Ouarzazate (Draa) |
1.700.000 |
1.000.000 |
Errachidia (Ziz) |
1.200.000 |
2.000.000 |
Tata |
800.000 |
—— |
Figuig |
120.000 |
40.000 |
Total |
3.820.000 |
3.040.000 |
Cependant, hormis les variations
somaclonales très répandues chez les plants multipliés in vitro (ALLICCHIO et
al., 1987), (VUYSTEKE et al., 1988), aucune investigation
génétique préalable n'a été entreprise pour certifier l'homogénéité des cultivars
multipliés.
Des cultivars de grande
répartition géographique tels que: Boufegous, Bouzekri, Bousthami etc... ,
sont considérés comme étant des clones uniques.
Récemment, sur un échantillon de
plants issus de culture in-vitro de deux cultivars majeurs du Drâa
(Boufegous et Jihel), il a été constaté une variabilité isoenzymatique
allant de 10 à 30 % ( BAAZIZ et al., 1991).
D'autre part, les résultats des
essais de résistance variétale menés depuis plus de 20 ans (SAAÏDI et al.,
1981), laissent apparaître plusieurs anomalies qui confirment cette hypothèse
:
- concernant les variétés les
plus sensibles, généralement de bonne qualité dattière, leur effectif demeure
assez élevé après 100 ans de contamination de la palmeraie, notamment chez la
variété-clone Boufeggous qui continue de représenter 25% de la grande
palmeraie du Tafilalet (soit 300.000 touffes). Cette densité actuelle conduit à
s'interroger sur la structure génétique de tels cultivars.
- au niveau des 6 variétés
classées comme étant très résistantes, voire immunes (SAAÏDI et al,
1981), trois d'entre elles ont montré localement des atteintes de bayoud (INRA.1991).
parmi les variétés classées très
résistantes dans leur aire d'origine (PEREAU LEROY, 1958), leur niveau de
sensibilité, qui a été révélé expérimentalement par l'essai de
résistance (SAAÏDI et al., 1981), serait peut-être lié à d'autres
considérations (écophysiologie, échantillonage, etc...) notamment pour les
variétés Bouijjou de Figuig et Bouzegagh de Drâa.
L'objectif du présent travail
sera donc d'apporter une contribution à la mise en place d'outils
méthodologiques et de techniques d'analyse permettant une identification
fiable des cultivars indépendamment des conditions de culture, de mener des
opérations de grandes envergures pour l'inventaire des ressources phytogénétiques
du palmier dattier et faciles à employer dans les conditions locales.
Ce travail constitue pour nous
une étape fondamentale pour l'exploration du patrimoine phoenicicole national et un
travail préliminaire à tous les programmes de sélection, d'amélioration et de
propagation du palmier dattier au Maroc.
CONCLUSION
CENERALE
Les marqueurs moléculaires de la
variabilité génétique mis en évidence dans ce travail, constituent un apport
original dans le domaine de la connaissance des ressources phytogénétiques du
palmier dattier.
Les méthodes d'analyse par électrophorèse,
du polymorphisme protéique et enzymatique, offrent de nombreuses possibilités
d'application et de mise en oeuvre dans les conditions locales.
Elles peuvent
intervenir aussi bien dans l'identification variétale, que dans les domaines d'inventaire et
de prospection pour la sélection des clones intéressants (de qualité, résistants à la
salinité, au Bayoud, etc...).
Le matériel végétal traité par
ces analyses, en plus du fait qu'il est facile à obtenir et à manipuler, est
caractérisé par une stabilité physiologique et une grande indépendance
vis-à-vis des conditions de l'environnement.
Au niveau du polymorphisme
protéique de l'albumen, les profils révélés sont apparus comme reflétant
directement le génotype femelle.
En outre, la grande variabilité des
protéinogrammes obtenus offre des possibilités d'identification rapide et fiable des
cultivars.
Elle permet aussi d'établir une
taxonomie intraspécifique par le biais des similitudes protéiques, et
ceci sur l'ensemble des pieds femelles (même des khalts).
L'analyse des données
qualitatives des protéinogrammes fournit une classification, en majeure partie, en
concordance avec l'origine géographique des génotypes. Ceci laisse supposer que les
variations qualitatives des profils sont liées à la distribution phylogéographique
des cultivars.
L'analyse du polymorphisme
enzymatique du pollen, malgré le nombre réduit de systèmes mis en évidence,
permet, grâce à son niveau élevé, d'obtenir une caractérisation fiable des
génotypes mâles, indépendamment de leur âge et des conditions de
leur culture.
Ceci étant dit, l'analyse de la
diversité des populations mâles ne peut être accomplie qu'à un niveau phénotypique
par le biais des indices de similitudes isozymiques.
Ainsi la répartition
géographiques des clones mâles étudiés ne semble pas être liée à la similitude
des phénotypes enzymatiques.
L'identification phénotypique des
cultivars, développée au niveau des isozymes polliniques, se trouve renforcée par le
système EST révélé au niveau des extraits racinaires. Ce dernier permet à lui
seul, d'identifier plus de 50% des génotypes étudiés.
D'autre part, la découverte de la
bisexualité, chez quelques individus mâles du dattier, a contribué à élucider
le déterminisme génétique de 7 loci, isozymiques racinaires.
L'analyse d'une trentaine de
génotypes marocain au niveau de ces loci a permis à la fois de tester les
possibilités de différenciation alléliques inter-cultivars, d'évaluer le
degré de variabilité génétique intra-cultivar et d'estimer la diversité génétique aussi
bien au-niveau des 4 zones d'origine que pour l'ensemble de la palmeraie
marocaine.
La variabilité découverte au sein
des 6 cultivars, testés pour leur homogénéité génétique, suggère une
reconsidération des anciens programmes de sélection du dattier au Maroc
qui se sont basés sur des identifications morphologiques.
En parallèle à cela, cette nouvelle
donnée ouvre de nombreuses voies de recherche, surtout dans le domaine de la
sélection de génotypes résistants à la fusariose et de bonne qualité de
fruit.
Ainsi, la variabilité génétique
détectée au sein des cultivars de bonne qualité dattière (Mejhoul, Boufeggous,
Jibel, Bouzekri), et qui sont d'habitude décrits comme étant très
sensibles au Bayoud, pourrait révéler des clones de haut niveaux de tolérance.
Une analyse génétique approfondie
et limitée aux seuls cultivars de grande qualité dattière, devra être menée sur
de vastes périmètres dans le but de recenser la diversité génétique contenue à
l'intérieur de chacun de ces cultivars.
Ces travaux devront être
accompagnés par la mise en place d'une collection de ces génotypes
qui feront l'objet d'une étude de comportement vis-à-vis des contraintes culturales et du
Bayoud.
D'autre part l'élargissement de
l'étude des isozymes à de nouveaux systèmes ne pourra qu'être encouragé, surtout au
niveau de mise en évidence du déterminisme génétique de nouveau loci isozymiques.
Cela permettra de mettre, à la disposition des améliorateurs, des marqueurs
génétiques simples et efficaces. Enfin, les
résultats obtenus dans ce travail viennent compléter, voire parfois affiner, ceux
obtenus auparavant sur les isozymes foliaires par BENNACEUR et al (1991), offrant
ainsi un nombre important de marqueurs qui devront répondre à tous les problèmes
d'investigation, d'identification et d'évaluation du patrimoine phoenicicole
maghrébin, actuellement soumis à une forte dégradation et à une érosion
génétique désastreuse sous le double effet de la désertification et du Bayoud.
Mots clefs : amélioration / bayoud / boufeggous / bouzekri /
clone / condition / cultivar / dattier / drâa / étude / évaluation / fruit / fusariose /
génétique / génotype / identification / inventaire / isozyme / khalts / loci / maroc /
marqueur / palmeraie / palmier / patrimoine / phénotype / phoenicicole / plant /
polymorphisme / protéique / regénération / répartition / résistance / restructuration /
sélection / variabilité / variété / fakir
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