Fakir : Etude du palmier dattier
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 10 janvier 2006
Plus d'information! Table des matières Page de couverture


Thèse de Sciences agronomiques soutenue en novembre 1992

pour obtenir le grade de Docteur es-sciences agronomiques

par


Said Fakir

 

Contribution à l'étude des ressources phytogénétiques chez le palmier dattier : analyse du polymorphisme enzymatique et protéique

 

 

 

INTRODUCTION

 

1 PRESENTATION DES NIVEAUX D'EVALUATION ACTUELS DU PATRIMOINE PHOENICICOLE MAROCAIN

 

Compte tenu du désastre provoqué par le Bayoud dans la palmeraie marocaine, du danger qu'il représente pour toutes les variétés de qualité en Afrique du nord, et face à l'absence d'un traitement curatif efficace, le seul moyen de lutte reconnu valable consiste à sélectionner et à planter des génotypes résistants à cette Fusariose (BULIT et al.,1967; DJERBI.1988).

 

Cette sélection, qui a débuté au Maroc depuis une quarantaine d'années (PEREAU LEROY, 1958), connaît toujours de nombreuses difficultés. Celles-ci sont liées d'une part à la complexité du mécanisme de résistance au Bayoud et d'autre part à l'absence de données sur la génétique de cet arbre.

 

L'identification et la caractérisation des cultivars du dattier impliqués dans les programmes d'amélioration ont été essentiellement basées sur des descriptions morphologiques du plant.

 

Cette description doit nécessairement être effectuée à l'époque de maturation du fruit car il est le seul organe à présenter des caractères phénotypiques assez stables (MUNIER, 1973).

 

En effet, en raison de la plasticité du dattier vis-à-vis des conditions écologiques, les caractères du port et des palmes subissent de grandes fluctuations d'une zone à une autre.

 

Ainsi, en l'absence du fruit, même les agriculteurs sont incapables de reconnaître leurs cultivars familiers dans d'autres régions. Les individus mâles ne sont en l'occurrence pas identifiés, ainsi que les< "Khalts" issus de semis qui présentent une grande variabilité des caractères morphologiques du fruit.

 

2 DIFFICULTES TAXONOMIOUES DE L 'EVALUATION

Les difficultés de classification et d'identification des génotypes du palmier dattier sont surtout liées aux limites des marqueurs morphologiques largement utilisés chez cette espèce ; ces difficultés sont de deux ordres et sont directement en rapport avec la taxonomie et la variabilité génétique du palmier dattier.

 

2.1. La dénomination

Toutes les variétés marocaines portent des noms vernaculaires, souvent très< anciens et d'origine berbère. Plusieurs noms de variétés se rapportent à un caractère du fruit (morphologie, couleur) : les variétés Azegagh (rouge), Azegza (vert), Ahardane (Noir), englobent probablement sous une même appellation des génotypes différents ayant la même couleur de fruit.

 

Comme sous un même nom on peut rencontrer des génotypes différents d'une Oasis à une autre, une même variété multipliée par rejet peut porter quant à elle des noms différents selon les régions, ce qui explique en partie les nombreux noms synonymes: (Boucerdoun = Tarzaoua), (Azegzaou = Tazegzaoua = Gartaïa), d'où la nécessité de préciser pour chaque génotype, le nom de la variété et son lieu d'origine (Ksar).

 

2.2. L'Hétérogénéité intracultivar

Les variétés majeures, cultivées sous un même nom sur de larges superficies (Boufeggous, Bouzekri,...), expriment un certain niveau de polymorphisme du fruit ce qui laisse supposer l'existence de plusieurs clones au sein d'un même cultivar (variétés-populations).

 

Cette supposition a été confirmée chez de nombreux cultivars algériens ( BENNACEUR et al., 1991).

 

La variation intracultivar peut s' expliquer de deux façons :

·                 Les khalts issus de semis peuvent donner des phénotypes très proches pouvant être très facilement assimilés aux cultivars et peuvent donc être multipliés par rejet sous le même nom.

·                 La multiplication par bouturage peut induire une variation somatique chez les jeunes plants.

 

Ce phénomène, connu chez les arbres fruitiers multipliés par voie végétative (MAMOUNI, 1992), peut affecter le palmier dattier.

 

En effet, il est reconnu que la plantation des gourmands (Rkebs), qui sont des rejets situés sur le tronc, bien< au dessus du niveau du sol, peuvent entraîner des changements de sexe et de morphologie du fruit (MUNIER, 1973).

 

3. CADRE GENERAL ET OBJECTIF DE L'ETUDE

Si l'hypothèse de l'existence de variétés-populations au sein des cultivars de grande répartition géographique est confirmée tous les programmes d'amélioration du palmier dattier basés sur l'hypothèse de l'homogénéité variétale, menés jusqu'ici, seraient remis en cause.

 

En effet, depuis la mise au point des techniques de propagation in-vitro du palmier dattier (RHISS et al., 1979), le gouvernement marocain a mis en place un projet ambitieux de restructuration des palmeraies dévastées par le bayoud, à l'aide de plants issus de culture in-vitro.

 

Ce programme, entièrement pris en charge par l'état, s'échelonne sur 20 ans (1987 - 2007) et vise à planter annuellement 150.000 plants en moyenne.

 

Ceci correspond à un taux de regénération de 75% de l'effectif actuel de la palmeraie.

 

TABLEAU INDIQUANT L'EFFECTIF ACTUEL DES PALMERAIES MAROCAINES ET L'OBJECTIF DU PROJET DE RESTRUCTURATION PAR MULTIPLICATION IN VITRO . INRA (1991)

Provinces

Effectif actuel

Effectif à planter par région

Ouarzazate (Draa)

1.700.000

1.000.000

Errachidia (Ziz)

1.200.000

2.000.000

Tata

800.000

——

Figuig

120.000

40.000

Total

3.820.000

3.040.000

 

Cependant, hormis les variations somaclonales très répandues chez les plants multipliés in vitro (ALLICCHIO et al., 1987), (VUYSTEKE et al., 1988), aucune investigation génétique préalable n'a été entreprise pour certifier l'homogénéité des cultivars multipliés.

 

Des cultivars de grande répartition géographique tels que: Boufegous, Bouzekri, Bousthami etc... , sont considérés comme étant des clones uniques.

 

Récemment, sur un échantillon de plants issus de culture in-vitro de deux cultivars majeurs du Drâa (Boufegous et Jihel), il a été constaté une variabilité isoenzymatique allant de 10 à 30 % ( BAAZIZ et al., 1991).

 

D'autre part, les résultats des essais de résistance variétale menés depuis plus de 20 ans (SAAÏDI et al., 1981), laissent apparaître plusieurs anomalies qui confirment cette hypothèse :

 

- concernant les variétés les plus sensibles, généralement de bonne qualité dattière, leur effectif demeure assez élevé après 100 ans de contamination de la palmeraie, notamment chez la variété-clone Boufeggous qui continue de représenter 25% de la grande palmeraie du Tafilalet (soit 300.000 touffes). Cette densité actuelle conduit à s'interroger sur la structure génétique de tels cultivars.

 

- au niveau des 6 variétés classées comme étant très résistantes, voire immunes (SAAÏDI et al, 1981), trois d'entre elles ont montré localement des atteintes de bayoud (INRA.1991).

 

parmi les variétés classées très résistantes dans leur aire d'origine (PEREAU LEROY, 1958), leur niveau de sensibilité, qui a été révélé expérimentalement par l'essai de résistance (SAAÏDI et al., 1981), serait peut-être lié à d'autres considérations (écophysiologie, échantillonage, etc...) notamment pour les variétés Bouijjou de Figuig et Bouzegagh de Drâa.

 

L'objectif du présent travail sera donc d'apporter une contribution à la mise en place d'outils méthodologiques et de techniques d'analyse permettant une identification fiable des cultivars indépendamment des conditions de culture, de mener des opérations de grandes envergures pour l'inventaire des ressources phytogénétiques du palmier dattier et faciles à employer dans les conditions locales.

 

Ce travail constitue pour nous une étape fondamentale pour l'exploration du patrimoine phoenicicole national et un travail préliminaire à tous les programmes de sélection, d'amélioration et de propagation du palmier dattier au Maroc.

 

CONCLUSION CENERALE

Les marqueurs moléculaires de la variabilité génétique mis en évidence dans ce travail, constituent un apport original dans le domaine de la connaissance des ressources phytogénétiques du palmier dattier.

 

Les méthodes d'analyse par électrophorèse, du polymorphisme protéique et enzymatique, offrent de nombreuses possibilités d'application et de mise en oeuvre dans les conditions locales.

 

Elles peuvent intervenir aussi bien dans l'identification variétale, que dans les domaines d'inventaire et de prospection pour la sélection des clones intéressants (de qualité, résistants à la salinité, au Bayoud, etc...).

 

Le matériel végétal traité par ces analyses, en plus du fait qu'il est facile à obtenir et à manipuler, est caractérisé par une stabilité physiologique et une grande indépendance vis-à-vis des conditions de l'environnement.

 

Au niveau du polymorphisme protéique de l'albumen, les profils révélés sont apparus comme reflétant directement le génotype femelle.

 

En outre, la grande variabilité des protéinogrammes obtenus offre des possibilités d'identification rapide et fiable des cultivars.

 

Elle permet aussi d'établir une taxonomie intraspécifique par le biais des similitudes protéiques, et ceci sur l'ensemble des pieds femelles (même des khalts).

 

L'analyse des données qualitatives des protéinogrammes fournit une classification, en majeure partie, en concordance avec l'origine géographique des génotypes. Ceci laisse supposer que les variations qualitatives des profils sont liées à la distribution phylogéographique des cultivars.

 

L'analyse du polymorphisme enzymatique du pollen, malgré le nombre réduit de systèmes mis en évidence, permet, grâce à son niveau élevé, d'obtenir une caractérisation fiable des génotypes mâles, indépendamment de leur âge et des conditions de leur culture.

 

Ceci étant dit, l'analyse de la diversité des populations mâles ne peut être accomplie qu'à un niveau phénotypique par le biais des indices de similitudes isozymiques.

 

Ainsi la répartition géographiques des clones mâles étudiés ne semble pas être liée à la similitude des phénotypes enzymatiques.

 

L'identification phénotypique des cultivars, développée au niveau des isozymes polliniques, se trouve renforcée par le système EST révélé au niveau des extraits racinaires. Ce dernier permet à lui seul, d'identifier plus de 50% des génotypes étudiés.

 

D'autre part, la découverte de la bisexualité, chez quelques individus mâles du dattier, a contribué à élucider le déterminisme génétique de 7 loci, isozymiques racinaires.

 

L'analyse d'une trentaine de génotypes marocain au niveau de ces loci a permis à la fois de tester les possibilités de différenciation alléliques inter-cultivars, d'évaluer le degré de variabilité génétique intra-cultivar et d'estimer la diversité génétique aussi bien au-niveau des 4 zones d'origine que pour l'ensemble de la palmeraie marocaine.

 

La variabilité découverte au sein des 6 cultivars, testés pour leur homogénéité génétique, suggère une reconsidération des anciens programmes de sélection du dattier au Maroc qui se sont basés sur des identifications morphologiques.

 

En parallèle à cela, cette nouvelle donnée ouvre de nombreuses voies de recherche, surtout dans le domaine de la sélection de génotypes résistants à la fusariose et de bonne qualité de fruit.

 

Ainsi, la variabilité génétique détectée au sein des cultivars de bonne qualité dattière (Mejhoul, Boufeggous, Jibel, Bouzekri), et qui sont d'habitude décrits comme étant très sensibles au Bayoud, pourrait révéler des clones de haut niveaux de tolérance.

 

Une analyse génétique approfondie et limitée aux seuls cultivars de grande qualité dattière, devra être menée sur de vastes périmètres dans le but de recenser la diversité génétique contenue à l'intérieur de chacun de ces cultivars.

 

Ces travaux devront être accompagnés par la mise en place d'une collection de ces génotypes qui feront l'objet d'une étude de comportement vis-à-vis des contraintes culturales et du Bayoud.

 

D'autre part l'élargissement de l'étude des isozymes à de nouveaux systèmes ne pourra qu'être encouragé, surtout au niveau de mise en évidence du déterminisme génétique de nouveau loci isozymiques. Cela permettra de mettre, à la disposition des améliorateurs, des marqueurs génétiques simples et efficaces. Enfin, les résultats obtenus dans ce travail viennent compléter, voire parfois affiner, ceux obtenus auparavant sur les isozymes foliaires par BENNACEUR et al (1991), offrant ainsi un nombre important de marqueurs qui devront répondre à tous les problèmes d'investigation, d'identification et d'évaluation du patrimoine phoenicicole maghrébin, actuellement soumis à une forte dégradation et à une érosion génétique désastreuse sous le double effet de la désertification et du Bayoud.

Mots clefs : amélioration / bayoud / boufeggous / bouzekri / clone / condition / cultivar / dattier / drâa / étude / évaluation / fruit / fusariose / génétique / génotype / identification / inventaire / isozyme / khalts / loci / maroc / marqueur / palmeraie / palmier / patrimoine / phénotype / phoenicicole / plant / polymorphisme / protéique / regénération / répartition / résistance / restructuration / sélection / variabilité / variété / fakir






visiteurs