Moureu : TRAVAUX ORIGINAUX
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Notice sur les travaux et titres scientifiques

 

de

 

Charles Moureu

 

APERÇU GÉNÉRAL

Il me semble utile de faire connaître, au début de cette Notice, la nature et les résultats essentiels des principaux travaux qui s'y trouvent résumés.

 

Mes recherches ont été effectuées, pour une partie notable, dans le domaine de la Chimie organique.

 

Je me suis occupé de produits purement synthétiques possédant, des fonctions variées, et aussi de substances naturelles, notamment de diverses essences végétales et d'un alcaloïde utilisé en thérapeutique : la spartéine.

 

J'ai exécuté également quelques travaux de Chimie-Physique, (Réfractométrie et Spectrochimie).

 

J'ai fait enfin des travaux de Chimie minérale et de Chimie-Physique appliquées à l'Hydrologie et à la Physique du Globe, portant sur un grand nombre de sources thermales et quelques grisous.

 

Acide acrylique CH2 = CH — CO2H.

L'acide acrylique est le plus simple des acides éthyléniques.

 

A ce titre, son étude présentait un intérêt tout particulier. J'en fis l'objet de ma thèse de doctorat ès-sciences (Paris, 1893).

 

J'indiquai un mode nouveau et avantageux d'obtention de cet acide, et, je préparai ses dérivés les plus importants.

 

Composés acétylénique.

La chimie des corps qui, comme l'acétylène, possèdent, une triple liaison entre deux atomes de carbone, était relativement peu avancée, lorsqu'en 1899 j'entrepris une étude méthodique du sujet.

 

Ces recherches, que je poursuis encore aujourd'hui, ont été exécutées en grande; partie avec la collaboration de mes élèves : MM. Delange, Desmots, Brachin et Lazennec.

 

Elles m'ont conduit à la découverte d'une longue série de réactions générales, permettant de préparer de nombreuses familles de corps organiques, dont la plupart étaient auparavant inconnues ou peu connues.

 

Tout un chapitre presque en fièrement nouveau de la Chimie organique se trouve ainsi constitué, où apparaissent, avec un relief saisissant, toutes les aptitudes réactionnelles des composés acétyléniques.

 

Et l'on peut dire que la Synthèse organique, déjà si riche, a désormais dans son domaine une voie féconde de plus.

 

Sous-azoture de carbone C4N2 et cyanacétylène C3NH.

1.— Le cyanogène ou azoture de carbone C2N2, depuis sa découverte par Gay-Lussac, en 1815, était resté le seul composé défini qui fût exclusivement formé de carbone et d'azote.

 

En 1909, nous avons isolé, mon préparateur M. Bongrand et moi, le second corps de cette nature, que nous avons appelé sous-azoture de carbone.

 

Il est cristallisé à la température ordinaire. Il rappelle le cyanogène par son odeur, les propriétés irritantes de sa vapeur, et la couleur pourprée de sa flamme.

 

Sa vapeur prend feu spontanément au contact de l'air chaud. Il réagit immédiatement et très nettement sur un grand nombre de corps simples ou composés.

 

Son point d'ébullition présente une anomalie singulière, dont nous pensons avoir donné une interprétation rationnelle.

 

2. — Le sous-azoture de carbone est identique au dicyanacétylène (dinitrile de l'acide acétylène-dicarbonique).

 

Ses curieuses propriétés nous ont engagés à nous occuper également du dérivé monosubstitué correspondant, auparavant inconnu : le cyanacélylène C3NH.

 

Nous le préparons très aisément en déshydratant la propiolamide. C'est un liquide facilement congélable, très volatil, éminemment inflammable.

 

Comme l'acide cyanhydrique CNII, dont il diffère par deux atomes de carbone en plus, le cyanacétylène est un des très rares composés chimiques ne possédant qu'un atome d'hydrogène ; il apparaît ainsi comme une sorte d'acide carbocyanhydrique.

 

En oxydant son sel de cuivre, nous avons obtenu de petites quantités d'un composé bien cristallisé, très volatil, rappelant le cyanogène et le sous-azoture de carbone par son odeur et son action sur les muqueuses, et qui paraît être un second sous-azoture C6N2.

 

Essences végétales.

J'ai étudié, au point de vue de leur synthèse et de leur constitution, les principes constituants les plus importants de quelques essences végétales, savoir : l'eugénol, phénol qui forme la majeure partie de l'essence de clous .de girofle ; le safrol, qui fait partie de l'essence de sassafras ; l'estragol et l'anéthol, qui entrent dans la composition de l'essence d'anis, de fenouil, d'estragon.

 

J'ai établi par synthèse directe que l'eugénol est un allylgaïacol, et que l'isosafrol est une propénylméthylène-pyrocatéchine.

 

Il m'a été possible, en outre, d'obtenir deux isomères et deux homologues .de position .de l'anéthol, et .de réaliser une nouvelle synthèse, très simple, de l'anisol et du phénéthol.

 

Pyrocatéchine C6H4 (OH)2

Plusieurs des constituants précédents d'essences végétales sont des dérivés de la pyrocatéchine.

 

Certaines observations faites à leur sujet m'ont amené à étudier à divers points de vue ce diphénol.

 

J'ai obtenu ainsi, notamment, quelques acétals mixtes alcooliques-phénoliques, et découvert, une nouvelle classe .de composés non saturés à noyau hexagonal bi-oxygéné symétrique.

 

Spartéine C15H26N2.

La spartéine est un alcaloïde liquide et volatil qui existe dans le genêt.

 

Il est employé en thérapeutique comme succédané de la digitale.

 

Malgré un nombre considérable de travaux, sa constitution chimique était restée tout à fait inconnue.

 

Une longue série, de recherches, que nous poursuivons activement, M. Valeur et moi, depuis 1902, apportent la solution à peu près complète de ce difficile problème.

 

Nous avons d'abord définitivement fixé la formule de la spartéine, établi son caractère saturé et sa nature de base bitertiaire, et isole un deuxième iodométhylate, présentant avec celui qui était antérieurement connu un cas très net de stéréoisomérie à l'azote.

 

L'application de la réaction d'Hofmann, si utile dans l'étude des alcaloïdes, nous a fourni ensuite une série de bases, non-saturées : méthylspartéines, diméthylspartéine, méthylhémispartéilène, diméthylhémispartéilène, et, finalement, le spartéilène, carbure d'hydrogène six fois éthylénique, qui dérive de la spartéine par perte de deux molécules d'ammoniaque.

 

Ces faits aboutissent, à cette conclusion capitale, que la spartéine possède deux noyaux azotés bicycliques.

 

Chemin faisant, nous avons obtenu un isomère de la spartéine : l'isopartéine. Sa constitution, très voisine de celle de la spartéine, en diffère par un point très précis, que nous avons pu nettement mettre en évidence.

 

Il y a là un ensemble de résultats qui éclairent d'un jour décisif la structure chimique de la molécule spartéinique. Ils constitueront une base solide pour les recherches synthétiques.

 

Réfraction moléculaire et dispersion moléculaire.

Ayant été conduit, au cours de mes recherches sur les composés acétyléniques, à préparer un grand nombre de ces corps, pour la plupart nouveaux, j'en ai profité pour en faire l'étude réfractométrique.

 

Après avoir tout d'abord déterminé la valeur de l'incrément de la liaison acétylénique par rapport à la raie D du sodium, et par rapport aux raies a et g du spectre de l'hydrogène, j'ai observé de fortes exaltations de la réfraction et de la dispersion. Elles dépassent notablement celles qu'on avait rencontrées auparavant dans les séries organiques, et on peut affirmer que, dans la série acétylénique, la loi d'additivité sera le plus souvent très éloignée de la réalité expérimentale.

 

Spectrochimie.

Mes recherches sur les gaz rares des sources, qui sont résumées ci-dessous, m'ont amené à rechercher un procédé de dosage de minimes quantités de krypton et de xénon.

 

En collaboration avec mon préparateur, M. Lepape, j'ai réussi à établir une méthode spectrophotométrique extrêmement sensible : elle nous permet de doser environ un millième de millimètre cube de krypton et un demi-millième de millimètre cube de xénon dilués dans 4 cc d'argon.

 

En dehors des corps radioactifs, ce sont peut-être les plus petites quantités de matière qu'on ait pu jusqu'ici déterminer.

 

Hydrologie et Physique du Globe (Gaz rares et radioactivité.)

J'avais eu, à maintes reprises, l'occasion, ainsi que d'autres expérimentateurs (en France : Bouchard, Troost, Ouvrard, Desgrez, Parmentier, Moissan), de rechercher, dans les mélanges gazeux qui s'échappent spontanément au griffon de plusieurs sources thermales, les gaz rares (hélium, néon, argon, krypton, xénon), récemment découverts par Lord Rayleigh, Sir W. Ramsay et M. Travers (1894-1899).

 

En 1903, la production d'hélium aux dépens du radium, observée par W. Ramsay et F. Soddy, m'engagea à rechercher spécialement ce gaz et ses congénères dans les sources, où, vers la même époque, Pierre Curie et Albert Laborde signalaient la présence de l'émanation du radium.

 

Au moment où j'entrepris une étude systématique du sujet (1903), l'argon et l'hélium, ou l'un de ces deux gaz seulement, avaient été décelés dans quelques sources, et le néon dans une seule source ; quant au krypton et au xénon, ils n'avaient encore été signalés que dans l'air atmosphérique.

 

Les sources dont l'étude constitue la base expérimentale de mes recherches sont au nombre de 57 (1). Elles sont presque toutes françaises, et elles présentent d'ailleurs une grande variété dans leurs minéralisations et leurs origines souterraines.

 

Voici les résultats essentiels et les conclusions de ce long travail :

1° J'ai caractérisé les cinq gaz rares, sans aucune, exception, dans toutes les sources où je les ai recherchés ; ils sont donc présents dans toutes les sources.

 

Le fait, en ce, qui concerne l'hélium, vérifie complètement mes prévisions. L'hélium, en effet, se produit dans la desintégration des substances radioactives, et des traces de celles-ci se rencontrent partout dans le sol et le sous-sol (minéraux, eaux minérales, etc.) : on devait donc trouver l'hélium dans toutes les sources.

 

Quant aux proportions des gaz rares, elles oscillent dans de larges limites : pour ne considérer que l'hélium, il varie, par exemple, de 0,0015 p. 100 à Vichy-Chomel, jusqu'à 5,92 p. 100 à Maizières (Côte-d'Or).

 

Si l'on tient compte du débit, la source du Lymbe, à Bourbon-Lancy, constitue, un véritable gisement d'hélium (plus de 10.000 litres par an) ; et il n'est pas sans intérêt d'observer que l'industrie l'exploite déjà en vue .de mettre ce gaz à la disposition des laboratoires de recherches.

 

Il me paraît que ces faits nouveaux, outre l'intérêt qu'ils présentent au point de vue de la Géologie et de la Physique du Globe, apportent d'utiles documents, au problème si complexe de la Thérapeutique thermale.

 

En fait, ils ont ouvert sur le sujet, depuis quelques années, une discussion qui dure encore.

 

2° Les trois gaz : argon, krypton, xénon, sont en rapports mutuels, sensiblement constants dans toutes les sources, et ces rapports sont à peu près les mêmes que dans l'air atmosphérique.

 

A ma connaissance, on n'a encore rencontré un rapport constant, entre les proportions de deux substances déterminées dans des milieux différents, que dans l'élude des corps radioactifs.

 

Serait-ce que l'argon est issu du krypton, et celui-ci du xénon, comme le radium l'est de l’uranium ? Rien, dans l'état actuel de la Science, n'autorise à le supposer, ces gaz n'étant pas radioactifs.

 

Voici, dès lors, l'explication qui me semble la plus plausible :

Remontons jusqu'à la nébuleuse originelle. Tous les corps, éléments libres ou combinaisons, sont à l'état gazeux, et la masse doit être un mélange à peu près homogène.

 

Les phénomènes astronomiques et géologiques se poursuivent sans interruption jusqu'à nos jours. Au cours de celle incessante évolution, tous les corps doués d'affinités chimiques ont contracté des combinaisons mutuelles.

 

Seuls les gaz rares, en vertu de leur inertie chimique, sont restés libres, et ils n'ont pu qu'être des témoins indifférents de toutes les transformations subies par les autres corps.

 

Par conséquent, leurs rapports mutuels ont dû rester à peu près les mêmes dans les divers points de la planète.

 

On voit que cette théorie n'emprunte à l'Astronomie et à la Géologie que les conceptions classiques sur l'Evolution des Mondes, et qu'elle est indépendante de toute hypothèse sur la genèse des eaux thermales.

 

Il importe d'ajouter que l'hélium ne présente aucune proportionnalité avec les autres gaz. La raison en est facile à concevoir. Partout, dans l'écorce terrestre, de l'hélium se produit constamment aux dépens des corps radioactifs ; et ceux-ci sont très inégalement répartis dans les différents terrains.

 

L'azote, qui existe dans toutes les sources comme dans l'atmosphère, est un gaz relativement inerte. Il faut donc s'attendre à trouver une certaine uniformité dans ses rapports avec l'argon; par exemple.

 

Cette prévision est encore vérifiée par l'expérience d'une manière très satisfaisante.

 

Une dernière remarque s'impose ici. Le fait que l'argon, le krypton et le xénon sont en rapports mutuels sensiblement constants, est difficile à concilier avec l'hypothèse d'après laquelle ces gaz se produiraient actuellement par la désintégration d'autres atomes. Et leur, situation vis-à-vis des corps radioactifs apparaît ainsi, d'après les résultats de mes mesures, comme très différente de celle de l'hélium.

 

3° Outre les gaz des sources thermales, divers autres mélanges gazeux naturels ont attiré mon attention, M. Th. Schlœsing fils a montré, il y a déjà quinze ans, que les grisous contenaient de l'argon, le seul des gaz rares qui fut alors connu.

 

Nous avons pu, M. Lepape et moi, y déceler, en outre, l'hélium, le néon, le krypton et le xénon, et y reconnaître, fait assez inattendu, d'importantes proportions d'hélium.

 

Le sujet, comme on le voit, prend une ampleur toujours croissante.

 

Limité d'abord à l'Hydrologie ordinaire et à la Médecine thermale, il s'est étendu bientôt à la Physique du Globe, et jusqu'à l'Evolution des Mondes.

 

Mes recherches posent toute une série de problèmes nouveaux ; il appartiendra à l'avenir de les élucider.

 

II. — En dehors de mes recherches sur les gaz rares, je me borne à mentionner, dans le domaine de l'Hydrologie :

1° mes études sur la radioactivité d'un certain nombre de sources thermales (en collaboration avec M. Lepape) ;

2° deux analyses très complètes d'eaux minérales, qui nous ont fourni l'occasion, à M. Armand Gautier et à moi, d'imaginer quelques procédés analytiques nouveaux, et d’établir un modèle suivant lequel, à la lumière des récents progrès de la Physique et de la Chimie, il conviendrait, à l'avenir, d'exécuter une analyse moderne d'eau minérale.

 

On trouvera, à la fin de cette notice, quelques travaux sur des sujets divers ne présentant aucun lien entre eux.

Certaines recherches ont été poursuivies en même temps que d'autres toute différentes. Je donnerai d'abord la liste chronologique de mes publications. J'exposerai ensuite sommairement les divers sujets que j'ai traités.




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