Gramont : Notice sur les travaux scientifiques

Document disponible au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle
63 rue Buffon 75005 Paris

Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 22 février 2006
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NOTICE
SUR LES
TRAVAUX SCIENTIFIQUES

DE

M. ARMAND DE GRAMONT


Les recherches qui sont résumées dans cette notice ont été effectuées dans un laboratoire de mécanique physique spécialement construit à cet effet à Levallois en 1905.


Une station d'expériences destinée aux recherches aérodynamiques sur les surfaces animées d’un mouvement de translation complète ce laboratoire. C’est là que s'effectuent actuellement certaines expériences optiques qui réclament une transparence atmosphérique ou un sol immobile qu'on ne trouve pas dans la région parisienne.

INTRODUCTION


Les travaux scientifiques sur la résistance de l'air peuvent être rangés en deux classes : d'une part, ceux où l’on étudie l’effet d'un courant d'air à filets parallèles sur une surface immobile ; d'autre part, ceux où l'on étudie 1a résistance de l'air sur une surface animée d'un mouvement de translation dans une atmosphère calme.


Un grand nombre d'auteurs émettent l'avis que les deux cas sont exactement comparables, et que, par suite, les résultats des expériences faites, par exemple, avec la première méthode sont applicables sans restriction au deuxième cas.


Cette identification peut paraître naturelle. Si l’on est parvenu à réaliser un courant d'air à filets parallèles, de telle sorte que la masse d’air en mouvement, privée de tourbillons, puisse être considérée comme animée dans son ensemble d'un mouvement de translation rectiligne, il semble que les pressions que ce courant produira sur la face antérieure d’une plaque seront sensiblement les mêmes que si celle plaque était elle-même animée d’un mouvement de translation dans un air calme. On peut donc admettre que l'assimilation des deux cas est assez légitime en ce qui concerne la distribution et la grandeur des pressions sur la face antérieure, celle qui est directement frappée par l'air.


Il n'en est toutefois plus de même lorsqu'on considère la face postérieure.


Dans le cas d'un plan fixe dans un courant d'air, la plaque arrête les filets qui s’incurvent pour la contourner, puis se rejoignent à une certaine distance en arrière de l'obstacle. Il se forme en arrière de la plaque région conique d'air calme enveloppée par les filets en mouvement. Ceux-ci font succion, et produisent dans cette région calme une diminution de la pression atmosphérique, qui se traduit par une aspiration sur toute la face postérieure de la plaque.


Lorsque, au contraire, la surface se déplace dans un air calme, les choses doivent vraisemblablement se passer de façon différente à l’arrière. Cette surface, en avançant, produit derrière elle un vide relatif qui, à son tour, occasionne un appel d’air à une certaine distance de la face postérieure. C’est là d’ailleurs un phénomène que des observations journalières permettent de constater : par exemple, lorsque dans une automobile découverte on laisse devant soi une glace levée, on ne sent aucun courant d’air de face, mais on est frappé au contraire par un vent dans le dos.


D'autre part, l'air rejeté latéralement par la face antérieure produisant des ondes réfléchies dans l'air calme environnant, il se forme encore à l'arrière une calotte de dépression, limitée latéralement par ces ondes d'écoulement et postérieurement par les tourbillons de l'air appelé. En tout cas, cette calotte est environnée de tourbillons. Sous un angle d'attaque de 90°, il parait vraisemblable que toute la face postérieure, trop éloignée des tourbillons, ne soit soumise qu'à des dépressions ; mais l'on conçoit que, lorsque l'angle d’attaque est suffisamment aigu, l'arrière de la plaque, se rapprochant de l'onde appelée, puisse être atteint par elle et qu'il se produise alors sur celle partie arrière de la face postérieure une augmentation de pression, résultant du choc du courant d'air aspiré.


Ce sont là les raisons qui nous ont conduit à essayer de faire une étude de la résistance de l'air calme sur une plaque mince se déplaçant d'un mouvement de translation. Les résultats que nous avons trouvés montrent, par la comparaison avec les résultats obtenus au moyen du tunnel, qu'il n'est guère permis d'appliquer sans réserves, à l'aviation, les résultats expérimentaux obtenus par le procédé du courant d'air.


Ayant ainsi déterminé le choix de notre méthode, il nous restait à arrêter les détails du mode expérimental dont nous ferions usage.


Deux procédés ont été employés par nos prédécesseurs. Les uns ont déplacé la surface à étudier au moyen d'un manège tournant ; il est clair que cette méthode présente l'avantage de pouvoir réaliser facilement des mouvements uniformes, mais elle offre, en revanche, des inconvénients. D'abord, tous les points de la plaque ne se déplacent pas à la même vitesse ; ensuite on ne peut opérer que sur des surfaces de petite dimension. Le professeur Langley a fait, par cette méthode, des expériences très complètes. Son manège avait des dimensions considérables (18m50 de diamètre) ; malgré cela, il ne put opérer sur des surfaces ayant plus de 30 centimètres de dimensions. D'autres expérimentateurs ont essayé la méthode de translation, soit comme l'abbé Le Dantec, G. Eiffel, Cailletet et Colardeau, en laissant tomber les surfaces en chute libre, soit comme le professeur Langley, dans d'autres expériences, Canovetti, MM. Ch. Maurin et A. Toussaint, en les fixant sur un chariot guidé. Le procédé de la chute libre offre l'avantage de donner à tous les points de la plaque la même vitesse à chaque instant. Il pourrait permettre l'emploi de grandes surfaces, mais il présente l'inconvénient de la variation de la vitesse, de l'incertitude de sa détermination et surtout de l'absence d'un régime permanent. Celui du chariot présente la difficulté de maintenir une vitesse uniforme dans le mouvement guidé, mais permet d'atteindre un régime permanent.


C’est à cette dernière méthode que, nous nous sommes arrêté : elle comporte des difficultés que nous sommes parvenu à surmonter.


Les auteurs que nous venons de citer se sont attachés à déterminer, pour une surface donnée, la grandeur et la position de la poussée totale. Les renseignements que l'on peut tirer de pareilles expériences sont malheureusement difficiles à généraliser.


Lorsqu'un plan se déplace dans l'air, la loi générale de distribution de la pression à l'avant, ou de la dépression a l'arrière, est toujours sensiblement modifiée sur les bords. Lorsqu'on mesure en bloc une poussée totale, il est à peu près impossible de distinguer quelle est la grandeur de l'influence de cette perturbation. Il est vraisemblable qu'avec les petites surfaces, la perturbation intéresse toute l'étendue de la plaque, de telle sorte qu’on n'a opéré que dans des cas particuliers, où les phénomènes accessoires ont une importance telle que la loi générale est difficile à dégager. Ce sont là les raisons pour lesquelles nous avons étudié, à l'encontre de la majorité de nos prédécesseurs, la distribution de la pression et de la dépression, sur les deux faces d'un solide se déplaçant dans l'air calme.


Des études de ce genre avaient déjà été faites précédemment, soit par la méthode du courant d'air, soit par celle du déplacement : nous citerons les travaux de Dines, Nipher, von Lossl, Irminger et Vogt, Stanton et F. Eiffel.


Ce qui distingue notre procédé de tous ceux qui ont été employés précédemment, c'est qu'au lieu d'observer les pressions en divers points de la plaque, les unes après les autres, dans des expériences consécutives où la vitesse n’est pas forcément la même, nous avons, au moyen de la photographie, déterminé d’un seul cou toutes les pressions, le long d’une ligne convenablement choisie sur la surface.


Nous éliminons par là l’influence des variations de la vitesse et nous pouvons, avec une grande précision, construire la courbe des distributions de la pression.

Nous avons ainsi pu mettre en évidence l’influence perturbatrice des bords ; puis, en étudiant ce qui se passait sur la face postérieure, nous avons montré, en séparant nettement le phénomène en ses deux parties essentielles, l’influence de chacune des deux faces dans le phénomène global qui avait été à peu près seul étudié jusqu’alors.


Après de nombreuses expériences sur les plans, nous avons entrepris l’étude des surfaces courbes : étant donnée l’analyse approfondie antérieurement faite sur les plans, les directives de l’aérodynamique des surfaces courbes ont pu être assez rapidement dégagées.


Nous avons d’abord envisagé des surfaces à courbure circulaire, afin d’isoler l’influence du rayon de courbure dans le rôle d’une surface portante. Puis, essayant les surfaces des meilleurs avions de l’époque (1913), nous avons pur rapidement montrer les points faibles des profils alors usités. Cette étude semblait devoir être fructueuse, puisque dès le printemps 1914, nous établissions une surface qui, comme on le verra plus loin, était très voisine des ailes actuellement employées.


Mais l’intégration des pressions subies par un mobile ne représente pas la totalité de l’effet du fluide sur lui : il faut encore tenir compte des forces tangentielles dues au frottement. Nous avons à cet effet établi une méthode de mesures capable de donner le coefficient de frottement de l’air dans des conditions voisines de la pratique, c’est-à-dire à des vitesses de l’ordre de 30m à la seconde.


Les contacts très intimes que nous avons eus pendant les années qui ont précédé la guerre avec les laboratoires militaires de Vincennes et de Chalais-Meudon et avec nombre de constructeurs, nous ont amené en dehors de nos recherches manométriques, à étudier certains problèmes d’un intérêt pratique. C’est ainsi que nous avons créé un dispositif permettant la mesure des déformations des hélices aériennes pendant leur fonctionnement et un vibrographe destiné à enregistrer d’une façon continue les mouvements des divers organes d’un avion en vol. L’emploi de cet appareil s’est d’ailleurs généralisé et a permis des mesures de vibrations dans des conditions très diverses.


Nous donnerons ensuite une description sommaire d’un certain nombre d’appareils de navigation aérienne que nous avons établis : indicateur de vitesse et indicateurs de direction.


Pendant la guerre, à la Section technique de l’Aéronautique militaire et depuis l’armistice dans notre laboratoire, nous avons réalisé divers appareils se rapportant à l’armement des avions d’une part et à la défense contre avions de l’autres.


Ces appareils ne feront ici l’objet que d’un bref exposé.


Enfin on trouvera à la fin de cette Notice quelques mots sur l’Institut d’Optique théorique et appliquée dont nous avons projeté la création en 1916. Le plan que nous avions établi à cette époque est aujourd’hui réalisé dans ses moindres détails.


Nos recherches s’étant exercées dans des domaines assez variés, notamment pendant et depuis la guerre qui a posé tant de problèmes nouveaux, nous adopterons dans les pages qui suivent la classification ci-dessous, sans tenir compte de l’ordre chronologique des essais effectuée :


I.Recherches d’aérodynamique expérimentales 

1. Disques tournants ;

2. Aérodynamique du plan et des surfaces courbes ;

3. Mesure du frottement superficiel.


II.Problèmes pratiques étudiés pour l’aviation 

1. déformation des hélices pendant leur fonctionnement ;

2. Enregistrement des vibrations des divers organes d’un avion en vol ;

3. Efforts supportés pendant le vol par les différents éléments d’un avion.


III.Mesure de vibrations dans les immeubles, sur automobiles, wagons du métropolitain, armes à feu, etc.


IV. Appareils de navigation aérienne 

Indicateurs acoustique de vitesse ;

Indicateurs gyroscopiques de virage, etc.


V. Appareils se rapportant à l’armement des avions.


VI.Appareils de télémétrie.





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