Guérin : Notice sur les travaux scientifiques
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 11 janvier 2006
Plus d'information! Table des matières Page de couverture


 

 

Notice sur les travaux scientifiques

 

de

 

Paul Guérin

Professeur agrégé à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris




APERÇU GÉNÉRAL DES TRAVAUX

 

Avant de donner l’exposé sommaire de mes recherches, il me paraît indispensable d'en présenter tout d'abord un court résumé, et de faire valoir les raisons qui m'ont engagé à les entreprendre.

 

Mes premières recherches, sur la localisation d'alcaloïdes, sont en partie d'ordre biologique, les résultats acquis permettant de jeter quelque lumière sur le rôle physiologique de ces corps.

 

Mes travaux ultérieurs portent sur le développement et la structure anatomique du fruit et de la graine, les organes de sécrétion, l'anatomie de l'appareil végétatif et en particulier celle de la feuille, la systématique, le développement de l'anthère et la formation du pollen.

 

I.               Localisation d'alcaloïdes. — Personne ne conteste l'importance que présentent la recherche microchimiqne et la localisation des principes actifs, en particulier des alcaloïdes qui ont trouvé eu médecine de si nombreux emplois, Ces recherches, poursuivies a l'aide de réactifs appropriés, ont non seulement révélé l'existence de nouvelles espèces alcaloïdifères, mais elles ont permis d'établir dans quelles régions de la plante, à quelle époque de l'année et à quel moment de la vie de la plante, l'alcaloïde existe en plus grande abondance. En possession de résultats aussi précis, le chimiste peut à son tour, sans risque de s'égarer, s'engager dans la voie nouvelle qui lui est tracée, et procéder à l'extraction du produit dont les propriétés seront ensuite déterminées.

 

A un autre point de vue, la localisation des alcaloïdes n'est pas moins attrayante, puisqu'elle est de nature à nous renseigner sur la signification biologique de ces substances.

 

Les premiers travaux concernant la localisation des alcaloïdes chez les végétaux ne datent guère que d'une trentaine d'années, et l'on sait que c'est à ERRERA et à ses élèves que' revient l'honneur d'avoir montré tout l'intérêt qui s'attache aux résultats de semblables investigations.

 

Dès 1887, la localisation des alcaloïdes fit l'objet de plusieurs études sérieuses qui, pendant les années suivantes, ne furent poursuivies qu'en Belgique.

 

En France, aucun essai de localisation n'ayant été tenté jusqu'alors, je résolus, dès 1893, d'aborder ce genre de recherches, en mettant en pratique la méthode si précise d'ERRERA.

 

Les Légumineuses présentaient, à cet égard, un vaste champ d'observations mais, parmi elles, mon choix se portait sur l'Anagyre et les Cytises, dont l'élude n'avait été qu'ébauchée chez le Faux-Ebénier.

 

Au cours de mes recherches, dont les résultats ne furent publiés qu'en 1895, fut envisagée la question de la variation des alcaloïdes dans les divers organes et aux diverses périodes de la végétation.

 

II.            A. Développement et structure anatomique du fruit et de la graine. —La graine avait fait l'objet de nombreux travaux, entrepris surtout dans le but de préciser l'origine des diverses parties constitutives du tégument séminal. Néanmoins, les représentants d’un certain nombre de familles étaient restés, à cet égard, complètement dans l'oubli. D'autres fois, l'examen de quelques espèces seulement avait amené les auteurs à conclure trop hâtivement à une similitude de structure dans l'ensemble de la famille.

 

L'insuffisance de nos connaissances, dans le premier cas, des inexactitudes, dans le second, justifiaient de nouvelles observations.

 

Mes recherches furent poursuivies successivement chez les Graminées, les Sapindacées, les Gentianacées, les Diptérocarpées et les Thyméléacées.

 

Dans les Graminées, les grains de nos Céréales étaient pour ainsi dire les seuls dont la structure avait attiré l'attention. En ce qui concerne l'origine de leur enveloppe séminale, le plus grand désaccord régnait entre les auteurs, les uns, comme F. KUDELKA et W. JOHANNSEN, admettant la persistance du tégument interne de l'ovule qui vient se souder au péricarpe, les autres, comme JUMELLE, concluant à la disparition totale des deux téguments ovulaires.

 

Croyant pouvoir se baser sur les résultats obtenus par ce dernier auteur, VAN TIEGHEM, en 1897, n'accordant le nom de graine qu'à tout corps formé d'un embryon, pourvu ou non d'un albumen, et enveloppé d'un tégument propre, place, dans sa classification des Phanérogames fondée sur l'ovule, les Graminées dans les Inséminées. Le caryopse était considéré par lui comme un «fruit dépourvu de graine ».

 

La question était à reprendre dans son ensemble. Mes observations, qui ont porté sur 120 genres, ont définitivement établi, chez les Graminées, l'existence presque générale d'un tégument séminal, parfois très développé, provenant du tégument interne de l'ovule, et aussi l'origine des assises profondes du péricarpe. Elles ont eu, pour conséquence, de faire restituer au caryopse son ancienne définition de «fruit dont la paroi est soudée au tégument séminal».

 

Le développement de l'ovule en graine n'avait été suivi, chez les autres familles, que dans un nombre très restreint d'espèces. En reprenant cette étude, j'ai pu mettre en évidence un certain nombre de faits nouveaux et intéressants, concernant non seulement l'enveloppe séminale, mais encore le sac embryonnaire et le nucelle.

 

Chez les Gentianacées, j'ai établi que les modifications qui s'accomplissent dans le tégument ovulaire, au cours du développement, s'effectuent suivant un processus tout différent, selon qu'on les considère chez les Gentianacées terrestres ou les Gentianacées aquatiques, et que, par conséquent, se trouve justifiée, une fois de plus, la subdivision de la famille en deux sous-familles, les Gentianoïdées et les Ményanthoïdées.

 

L'étude du sac embryonnaire m'a révélé, chez certaines Gentianes, la présence d'antipodes énormes et souvent nombreuses, dont le rôle dans la résorption du tégument ovulaire n'est peut-être pas négligeable.

 

En faisant connaître, chez les Diptérocarpées, où elle était demeurée complètement ignorée jusqu'alors, l'origine du tégument séminal, j'ai montré combien varient d'un genre à l'autre, parfois dans les limites d'un même genre, les transformations dont les enveloppes de l'ovule sont le siège.

 

Les .recherches que j'ai consacrées à l'étude des Thyméléacées, et qui établissent l'origine et la structure de l'ovule, ainsi que l'organisation définitive de l'enveloppe séminale chez de nombreuses espèces de cette famille, mettent de plus en évidence un fait absolument nouveau, à savoir l'existence, chez plusieurs Thyméléacées africaines, d'abondantes trachées dans la région périphérique du tissu nucellaire.

 

Sans exemple chez d'autres végétaux actuels, ces trachées ne peuvent être comparées qu'au manteau trachéal nucellaire de certaines Cycadofilicales du permo-carbonifère.

 

B. Développement de l'anthère et du pollen. — Les observations de WARMING sur le Mentha aquatica L., étant les seules données que l'on possédait sur le développement de l'anthère et du pollen chez les Labiées, j'ai cru devoir combler cette lacune en étudiant, dans cette famille, près de 80 espèces réparties en une quarantaine de genres.

 

III. Organes sécréteurs. — Malgré le grand nombre d'observations dont ces organes ont fait l'objet, ils m'ont encore fourni quelques faits intéressants relatifs aux cellules à mucilage des Urticées et des Diptérocarpées, aux laticifères de deux Urticées, l’Urera baccifera Gaud. et l’Urera Humblotii H. Bn, et aux canaux sécréteurs du bois des Diptérocarpées.

 

Chez les Urticées, j'ai montré que le mucilage est beaucoup plus répandu qu'on ne le pensait, non seulement dans la tige et dans la feuille, mais aussi dans la racine.

 

On avait bien indiqué, chez les Diptérocarpées, la présence de mucilage, mais la répartition des cellules qui le contiennent avait été exposée d’une façon fort incomplète. En outre, l'attention n'avait pas été attirée sur la différenciation parfois si marquée de ces cellules.

 

C'est dans ces conditions que j'ai repris leur étude en montrant dans quelle mesure elles peuvent servir à la distinction des genres et des espèces.

 

Les Urticées proprement dites ont toujours été considérées comme dépourvues de laticifères. Or, j'ai rencontré, chez deux représentants de ce groupe, l’Urera baccifera Gaud. et l’U. Humblotii H. Bn, des éléments sécréteurs de cette nature, analogues, par leur structure, à ceux que possèdent les Artocarpées et les Morées, qui constituent, avec les Urticées, les tribus les plus importantes de la famille des Urticacées.

 

Indépendamment des canaux sécréteurs médullaires, les Diptérocarpées possèdent, dans le bois secondaire de leur tige, des organes de même nature, dont les produits de sécrétion, oléorésines et résines, donnent lieu, en particulier en Indo-Chine, à des transactions commerciales assez actives.

 

L'existence de ces canaux était connue depuis plusieurs années, mais leur époque d'apparition et leur répartition, suivant les genres et les espèces, dans le corps ligneux, n'avaient fait l'objet que d'observations très succinctes.

 

De plus , le mode de développement de ces canaux et leur trajet à l'intérieur du bois étaient complètement méconnus.

 

Grâce à mes recherches, ces diverses lacunes se trouvent à présent comblées. Elles ont établi la généralité de l'existence de canaux sécréteurs dans le bois de la tige des Diptérocarpées, et montré leur apparition plus ou moins hâtive et leur disposition plus ou moins régulière dans le cylindre ligneux, suivant les genres et les espèces.

 

En ce qui concerne leur mode de formation, j'ai mis en évidence que ces canaux prennent naissance dans le cambium, par simple écartement de cellules de cette région. J'ai fait voir, en outre, que des anastomoses tangentielles se forment, entre les canaux sécréteurs, parfois de très bonne heure à la périphérie du bois, d'autres fois, au contraire, plus tardivement l'intérieur du tissu ligneux, pour constituer un réseau à mailles plus ou moins grandes élablissant entre canaux voisins une relation très étroite.

 

Par ces caractères, les réservoirs sécréteurs du bois des Diptérocarpées offrent unee frappante analogie avec ceux des Copaifera, Daniellia et Eperua, de la famille des Légumineuses, étudiés antérieurement par L. GUIGNARD, COURCHET et DE CORDEMOY.

 

IV. Travaux se rapportant à la systématique. — Les travaux de systématique pure auxquels je me suis consacré se bornent à l'étude des Diptérocarpacécs d'Indo-Chine, qui constitue ainsi le témoin de ma collaboration à l'oeuvre si importante entreprise par M. LECOMTE, la Flore générale de l'îndo-Chine.

 

Mais les observations anatomiques amènent parfois à des résultats dont la systématique peut tirer le plus grand profit. Tout en aidant à la détermination de certains genres et de certaines espèces, elles permettent souvent aussi d'en préciser la place dans la classification.

 

Poursuivies dans ce but quelques-unes de mes recherches ont largement contribué à faire ressortir, une fois de plus, les applications que peut avoir l'étude anatomique à la classification.

 

L'étude histologique du fruit d'une Graminée, le Boissiera bromoides Hocht., m'a permis de trancher le désaccord qui existait entre les auteurs sur les affinités systématiques de cette plante, en montrant qu'il y a lieu de la ranger au voisinage des Bromus et Brachypodium.

 

Dans un travail sur les «Didierea de Madagascar». M. PERROT et moi avons fait une étude anatomique complète de la tige, de la feuille, du fruit et de la graine de ces curieuses plantes, et montré que, suivant l'opinion de BAILLON et de DRAKE DEL CASTILLO, elles doivent plutôt constituer une tribu anormale des Sapindacées, qu'être rapprochées des Polygonacées et des Amarantacées. comme l'indiquait RADLKOFER.

 

On sait, surtout depuis les travaux de VESQUE, les précieux renseignements que peuvent fournir les caractères tirés de l'anatomie de la feuille.

 

Aussi, dans mon Mémoire sur la structure des Diptérocarpées, ai-je consacré une large part à l'étude de cet organe. Dans cet ordre de recherches, la forme et la répartition des cellules à mucilage, celles des poils tecteurs et glanduleux, la disposition des stomates pourvus ou non de cellules annexes, me sont apparues, en particulier, comme constituant des caractères de réelle valeur pour la détermination de plusieurs genres, voire même de certaines espèces.

 

V. Application des caractères anatomiques à la détermination des drogues végétales et à la recherche des falsifications. — Dans ce Chapitre, j'attire l'attention, en me basant sur les caractères anatomiques, sur un certain nombre de falsifications et de substitutions dont certaines drogues végétales ont fait l'objet, à diverses reprises.

 

VI. Travaux divers. — Ce Chapitre contient diverses recherches qui ne rentrent pas dans le cadre des précédentes, et qui ont trait à l'existence curieuse d'un Champignon dans l'Ivraie, aux domaties, à l'expertise des Houblons, etc.

 

Mots clefs : alcaloïde / anatomie / anthère / bois / classification / détermination / développement / diptérocarpée / drogue / espèce / étude / falsification / feuille / fruit / genre / gentianacées / graine / graminée / laticifère / légumineuses / ligneux / localisation / mucilage / observation / organe / origine / ovule / plante / pollen / recherche / résultat / structure / systématique / tégument / thyméléacée / tige / travaux / urera / urticée / végétal / guérin








visiteurs