Hasenfratz : Travaux scientifique
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 11 janvier 2006
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Titres et travaux scientifiques (Supplément)

 

de

 

V. Hasenfratz

Docteur es Sciences Physiques/Sous-directeur du laboratoire de chimie au Muséum National d'Histoire Naturelle

 

 

LE ROLE DE LA CHAIRE DE PHYSIQUE VÉGÉTALE

DU

MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE

 

Les végétaux renferment des substances appartenant aux groupes les plus divers : matières amylacées et cellulosiques, oses, holosides simples, hétérosides, lipides, essences, protides, matières colorantes, etc. On est confondu par le nombre, la variété et la complexité de ces substances, surtout si l'on songe à l'extrême simplicité des principes nutritifs que le végétal emprunte au milieu ambiant.

 

La plante puise dans l'air l'anhydride carbonique et l'oxygène, dans le sol les nitrates et nitrites, l'ammoniaque, les sulfates, phosphates et autres sels minéraux, produits de composition simple qui apportent à la plante les éléments carbone, hydrogène, azote, soufre, phosphore, etc., à l'aide desquels se constituent au sein de la cellule vivante, suivant des processus souvent complexes, les nombreux principes immédiats présents dans l'organisme végétal.

 

La cellule vivante est un merveilleux laboratoire ou, dans un espace infiniment restreint, s'effectuent simultanément des réactions à la fois délicates et variées, avec des moyens dont le secret échappe bien souvent à la sagacité des chercheurs. Il n'est peut-être pas de problème plus captivant mais aussi plus difficile que celui dont l'objet est de pénétrer le mystère de l'activité de la cellule végétale : c'est au physiologiste qu'incombe la mission d'entreprendre cette vaste tâche.

 

Pour l'aborder avec quelque chance de succès le savant doit tout d'abord déterminer, qualitativement et quantitativement les substances contenues dans la plante étudiée, discerner les variations qu’elles subissent au cours de l’évolution du. Végétal, constater les modifications qu’elles supportent lorsqu’on en vient à changer un ou plusieurs des facteurs qui conditionnent la vie de la plante : composition du milieu nutritif, température, état hygrométrique, radiations, etc.

 

Après avoir déterminé avec précision les substances élaborées dans la cellule végétale, le. physiologiste doit se demander comment elles prennent naissance aux dépens des principes très simples servant à l'alimentation de la plante.

 

La formation de l'amidon, par exemple, se produit-elle par étapes successives représentées par des corps à poids moléculaires de plus en plus élevés. Dans ce cas, l'anhydride carbonique absorbé par la plante se transformerait, sous l'action combinée de la chlorophylle et de la lumière, en aldéhyde formique ; celle-ci, par condensations successives, conduirait d'abord aux oses, puis aux holosides et enfin à l'amidon lui-même.

 

Une autre hypothèse consiste à supposer que l'amidon< résulte de l'agrégation faite d'emblée d'un grand nombre de molécules d'aldéhyde formique sans aucune discontinuité dans le mécanisme de cette condensation. Cette manière de voir a été adoptée, par Maquenne qui explique fort ingénieusement la production d'amidon, sans admettre toutefois la formation préalable d'aldéhyde formique. Cette interprétation est en accord avec le fait que cette aldéhyde ne peut être décelée régulièrement dans l'organisme végétal.

 

Les difficultés que rencontre le physiologiste pour expliquer la genèse des oses et des holosides se retrouvent encore lorsqu'il s'agit de mettre en évidence le mode de formation des matières grasses, des lipoïdes ou encore d'expliquer la production, à partir de l'ammoniaque provenant de la réduction des nitrates, soit des matières albuminoïdes en passant par l'intermédiaire des acides aminés ou amidés qui forment les chaînons de ces molécules complexes, soit des noyaux azotés (pyrrol, pyridine, quinoléine, isoquinoléine, indol, purine, etc.), parties fondamentales de la molécule des alcaloïdes présents dans un grand nombre de végétaux.

 

Au physiologiste incombe encore la mission de déterminer comment s'effectuent, au sein de la cellule végétale, ces multiples réactions chimiques souvent irréalisables in vitro, de préciser notamment les facteurs qui favorisent les phénomènes de condensation, d'isomérisation, d'oxydation, de réduction, de déshydratation, d'hydrolyse ou de dégradation des molécules.

 

On sait déjà que la chlorophylle, en présence des rayons solaires, intervient dans un grand nombre de ces réactions, que certaines diastases présentes dans l'organisme végétal ont un pouvoir tantôt synthétisant, tantôt hydrolysant. D'autres réactions ne sont-elles pas conditionnées par la nature colloïdale de certaines substances végétales dont les micelles pourraient former, avec différents corps élaborés par la plante, des complexes instables, dont la décomposition ultérieure conduirait aux principes immédiats avec régénération du colloïde initial?

 

Le mécanisme chimique cellulaire n'est-il pas aussi sous la dépendance de la valeur du pH ou encore de traces de métaux< dont la présence a été signalée dans les plantes, etc.?

 

L'exposé qui précède révèle l'étendue du domaine que doit explorer le physiologiste. La valeur des résultats obtenus< dépendra de la précision des méthodes d'investigation : le chercheur devra employer des techniques rigoureuses à l'aide desquelles il pourra déceler avec certitude la présence des divers principes de la plante et déterminer exactement leur teneur aux différents stades d'évolution du végétal. Pour l'interprétation des réactions chimiques qui se passent dans le milieu cellulaire, le physiologiste tiendra compte des propriétés chimiques des principes immédiats et de leur aptitude à se transformer les uns dans les autres par condensation, dégradation et aussi par isomérisation. C'est donc à la chimie et plus particulièrement à la phytochimie qu'il fera appel pour élucider le mystère qui entoure les réactions complexes qui se poursuivent dans la cellule végétale.

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La réalisation d'un tel, programme serait particulièrement féconde en résultats scientifiques ; elle présenterait en outre l’avantage de maintenir un contact étroit et permanent entre la physique végétale et les chaires de botanique du Muséum et d'assurer entre ces services une constante collaboration qui s'avère de plus en plus indispensable.

 

Le physiologiste utilise pour ses recherches les nombreux matériaux dont dispose le botaniste ; par contre, celui-ci peut tirer parti des renseignements apportés par le physiologiste. Cette entente devrait déjà se manifester heureusement dans un tout proche avenir. Pourquoi, dans les collections de botanique qui seront exposées dans le nouveau bâtiment en voie d'achèvement, ne mentionnerait-on pas, à côté du nom de la plante, celui ou ceux des principes immédiats utiles qu'elle renferme? L'intérêt de la collection s'en trouverait accru et de nombreux public appelé à la visiter, pourrait établir un rapprochement très instructif entre la plante elle-même et ses constituants que le visiteur connaît parfois, mais dont il ignore souvent les origines.

 

La physiologie apporte au botaniste des renseignements à la fois intéressants et inattendus. Un principe immédiat déterminé n'existe parfois que dans une seule espèce végétale, alors qu'il fait défaut dans les autres espèces de la même famille ; dans d'autres cas, il se retrouve dans deux espèces appartenant à des familles différentes et ayant leur habitat dans des régions très éloignées l'une de l'autre; enfin chez les végétaux inférieurs, tels que les champignons, la présence ou l'absence d'une substance facile à caractériser peut dans certains cas servir de base à leur classification.

 

Depuis quelques années les botanistes du Muséum concentrent leurs efforts vers l'étude des plantes coloniales dont l'intérêt prend une importance toute, particulière en cette période économique profondément troublée. L'industrie et la thérapeutique ont déjà su tirer parti des substances élaborées par les plantes de nos colonies ; grâce à la collaboration de la botanique et de la physiologie, on peut espérer élargir le champ d'utilisation de nos richesses coloniales.

 

La physiologie végétale doit encore apporter sa contribution dans le domaine des applications. En modifiant les facteurs physiques et chimiques qui déterminent la vie de la plante, ne sera-t-il pas possible d'orienter les réactions chimiques cellulaires vers la formation plus abondante d'un principe immédiat particulièrement utile? On peut sans hésitation répondre par l'affirmative ; la haute teneur en sucre de certaines variétés de betterave, la richesse en quinine des quinquinas cultivés, en opposition avec celle des quinquinas sauvages, justifient amplement cette assertion.

 

Si les recherches de physiologie végétale se poursuivent dans le large cadre qui vient d'être tracé, on peut être assuré que les points de contact entre la chaire de Physique végétale et les autres chaires du Muséum seront aussi nombreux que possible et assureront l'union indispensable à toute œuvre utile et fructueuse.





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