Job : TRAVAUX scientifiques

Documents disponibles au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle,

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Notice sur les travaux scientifiques

 

de

 

André Job

Professeur de chimie à la Faculté des sciences de l'Université de Toulouse

 

 

INTRODUCTION

Je donnerai plus loin le résumé analytique de mes travaux, mais on me permettra d'en fixer d'abord le caractère en rappelant brièvement quelques résultats et en montrant comment mes recherches s'enchaînent.

 

Il me suffira pour cela d'indiquer les principales lignes de l'étude que je poursuis encore actuellement sur l'oxydation lente.

 

Schönbein est le premier qui ait montré tout l'intérêt de cette analyse. C'est lui qui a mis en évidence les phénomènes d'oxydation communiquée ; lui aussi qui a révélé, à côté du produit oxydé principal, la présence de l'eau oxygénée et parfois de l'ozone.

 

De tels faits avaient frappé les chimistes. Aussi, les théories ingénieuses n'ont pas manqué pour en donner l'explication. Mais le domaine expérimental ne s'était guère agrandi.

 

On pouvait, il est vrai, reconstituer par hypothèse l'histoire de l'oxydation en imaginant la formation transitoire d'un peroxyde dont l'eau oxygénée était le débris et dont l'oxydation communiquée était la trace.

 

Mais ce peroxyde, véritable clef de la réaction, demeurait à peu près insaisissable. C'est que la plu-part des observateurs ne cherchaient leurs matériaux que parmi les produits oxydables de la chimie organique.

 

J'ai été assez heureux pour trouver dans la chimie minérale un cas beaucoup plus instructif, un exemple type où j’ai pu saisir le peroxyde, déterminer ses conditions de stabilité et analyser dans le détail le mécanisme de l’oxydation.

 

Cet exemple privilégié est celui des sels de cérium.

 

On verra comment j’ai reconnu l’existence du carbonate double de cérium peroxydé, comment je l’ai isolé et comment j’ai démontré son rôle dans l’oxydation spontanée du carbonate céreux , c est l’une des conclusions de ma thèse (1899).

 

Peu de temps après parurent en Allemagne des publications importantes. Baur, puis Engler et ses élèves, donnèrent une suite directe à mon travail et y ajoutèrent une observation et une interprétation nouvelles (1902, 1904) ; mais déjà les belles expériences de Manchot et de ses collaborateurs sur l’oxydation des sels ferreux (1901) venaient, à point nommé, se ranger à côté de l’exemple du cérium et sous la même explication.

 

De nom côté, je travaillais isolé et sans aide ; aussi ai-je donné, dès ce moment, à mes recherches une orientation différente afin de ne pas les confondre avec celles des savants allemands.

 

Le composé peroxydé si mobile que j’avais pu surprendre au cours de l’oxydation spontanée du sel céreux est un générateur d’eau oxygénée au contact des acides et un oxydant actif en milieu alcalin.

 

On pouvait donc espérer produire avec le sel céreux et analyser dans leur mécanisme toutes les formes possibles de l’oxydation communiquée.

 

L’oxydation du glucose, provoquée par un sel de cérium, m’a paru tout à fait caractéristique à cet égard, et l’on peut dire que c’est actuellement l’exemple le plus net et le mieux connu de catalyse oxydante.

 

Mais j’ai voulu multiplier des exemples analogues, et, pour accorder ma recherche à des travaux antérieurs, j’ai pris comme sujet d’étude l’oxydation catalytique des phénols.

 

On connaît la découverte classique de la laccase par M. Gabriel Bertrand et sa démonstration de l'activité de l'acétate de manganèse comme oxydase de l'hydroquinone.

 

J'ai pensé que l’acétate de cérium agirait de même et, que son action, étant mieux connue, pourrait éclairer les phénomènes de ce genre.

 

En effet, l'expérience a confirmé cette prévision : l'acétate de cérium excite l'oxydation de l'hydroquinone ; mais, ce que j’étais loin de supposer, c'est que l'acétate du lanthane, dont on ne connaît qu'une série de sels, l'excite tout aussi vivement.

 

Et il en est de même des congénères du lanthane (néodyme, praséodyme, yttrium, etc.).

 

Le champ de mes expériences s'élargissait ainsi au-delà de ce que j'avais prévu, et il fallait, de toute nécessité, faire une comparaison méthodique entre ces activités diverses pour en chercher la cause.

 

Je me suis donc proposé de déterminer la vitesse d'oxydation de l’hydroquinone par l'air sous l'influence de ces excitateurs.

 

C'était là un problème banal en apparence, et en réalité tout nouveau. En l'examinant de près on s'aperçoit que, pour définir la vitesse d'oxydation d'un liquide par l'oxygène libre, il est indispensable de le maintenir saturé d'oxygène dissous, malgré la réaction oxydante.

 

Il faut donc soumettre ce liquide à une agitation extrêmement vive, pratiquée de telle sorte qu'il s'émulsionne avec l'air; et on reconnaît alors que, pour faire la mesure précise de l'oxygène absorbé par minute, il devient nécessaire d'inscrire à chaque instant la pression.

 

L'appareil doit, évidemment, malgré l'agitation, demeurer hermétiquement clos et conserver une température rigoureusement constante.

 

On imagine sans peine toutes les difficultés qu'il faut résoudre avant de réunir toutes ces conditions dans une technique commode et sûre.

 

Après une longue suite d'essais, ces difficultés ont été résolues. Mon appareil est disposé de telle sorte qu'on peut, à temps voulu, mélanger les réactifs.

 

Aussitôt, l'absorption de l’oxygène commence et le manomètre trace le graphique de la réaction oxydante.

 

Chaque expérience laisse de la sorte un document qui demeure prêt pour le contrôle et pour l'interprétation.

 

L'étude de ces documents est instructive. D'abord, on constate qu'à une température déterminée la courbe obtenue pour un système donné est définie ; c'est un caractère d'identité du système.

 

De plus, on reconnaît que, dès l'instant où elle a commencé, l'oxydation change rapidement d'allure. Le système change donc de propriétés, et l'inscription graphique fait apparaître des phénomènes qu'aucune autre méthode n'avait encore révélés.

 

On verra plus loin que les résultats dépassent l'objet que je m'étais d'abord proposé. On pourra, en particulier, observer un cas tout nouveau de catalyse oxydante en examinant la photographie des tracés fournis par l'acétate de nickel.

 

On n'avait jamais soupçonné l'activité de ce sel comme oxydase. C'est qu'elle ne dure qu'un instant. Mais l'ayant reconnue, j'ai réussi à la rendre durable et à l'expliquer. Elle est justement proportionnelle à la dose d'hydrate de nickel libre dans la dissolution, si bien qu'elle permet à la fois d'atteindre l'hydrolyse de l'acétate et d'estimer l'acidité extrêmement faible du produit phénolique.

 

Ainsi, par l'étude cinétique de l'oxydation le chimiste peut arriver à une analyse plus profonde des propriétés du sel dissous, et aussi du composé organique oxydable.

 

En même temps, il voit surgir des exemples inattendus d'oxydation communiquée, qui s'interprètent par des mécanismes nouveaux.

 

On peut donc faire crédit à la méthode ; son utilité s’affirme autant par les problèmes qu'elle soulève que par ceux qu'elle résout.

 

A quelles applications pratiques peuvent donner lieu de telles recherches ?

 

Remarquons qu'elles touchent de très près à l'étude des diastases oxydantes et qu'elles intéressent directement la biologie.

 

Observons aussi que l'industrie chimique doit d'importants progrès au perfectionnement des méthodes catalytiques.

 

Mais les applications de la science se font souvent par des voies indirectes, et je puis en donner un exemple tiré de mes travaux.

 

Parmi les procédés d'oxydation, il en est un que j'ai eu plus d'une fois l'occasion d'appliquer, c'est le procédé électrolytique.

 

Je me suis donc aussi préoccupé de l'étude des vitesses d'oxydation par l'électrolyse. Ici encore c'est une méthode pneumatique qui m'a servi.

 

J'ai cherché à mesurer par différence l'oxygène retenu en déterminant à chaque minute l'oxygène libéré.

 

Un artifice très simple m'a permis d'y réussir. Le gaz dégagé dans le compartiment positif du vase à électrolyse n'est pas directement évacué dans l'atmosphère ; on ne lui donne issue que par un tube capillaire. Il en résulte un excès de pression qui, à chaque instant, est proportionnel au débit. Un simple manomètre peut donc fournir l'indication continue du phénomène électrolytique. De là on tire aussitôt le principe d'un ampèremètre ; car, si l'on électrolyse de la soude, il n'y a plus de réaction oxydante, tout l'oxygène se dégage, et l'indication continue de son débit est aussi l'indication continue et précise de l'intensité du courant.

 

J'ai poussé plus loin les conséquences.

 

Qu'on suppose le courant constant et qu'on chauffe le tube capillaire. La viscosité du gaz qui le traverse varie beaucoup avec la température. Le niveau du manomètre va donc se déplacer, et il devient un thermomètre.

 

Le capillaire peut être éloigné autant qu'on le veut de l'appareil, sa température seule importe à la mesure, et, s'il est en platine, elle peut dépasser 1600 degrés.

 

J'ai longuement élaboré cette nouvelle méthode et j'ai réalisé un pyromètre dont la lecture est très commode et qui présente, en outre, tous les avantages d'un thermomètre à gaz.

 

Il a été imaginé aussi, en même temps, par Bredig et Hahn

 

 

RÉSUMÉ ANALYTIQUE.

 

En abordant des recherches de chimie, je m'étais proposé l’étude de la transformation des sels métalliques par les divers agents oxydants.

 

Le choix des matériaux était là de première importance; or, en examinant de près les propriétés des différents sels, il m'a semblé que ceux du cérium méritaient une attention particulière.

 

On ne connaissait, en effet, que deux séries de sels de cérium, les sels céreux incolores et les sels cériques jaunes; et, par une exception remarquable, les dissolutions céreuses et cériques présentent à peu près la même stabilité.

 

Mais on n'avait préparé que des dissolutions acides ou neutres. J'ai observé qu'on pouvait maintenir le cérium dissous en milieu alcalin, et qu'aussitôt l'ordre de stabilité des sels aux divers degrés d'oxydation subissait des changements profonds. Ces faits donnaient au cérium une importance parti-culière. Je me suis donc attaché à en faire l'étude et j'ai d'abord préparé des sels de cérium purs.

 

 

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