Erhart : travaux scientifiques

Documents disponibles au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle,

63 rue Buffon 75005 Paris

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Titres et travaux scientifiques

 

de

 

Henri Erhart

 

APERÇU GÉNÉRAL DE MON ACTIVITÉ SCIENTIFIQUE

ET

PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS

 

PRÉAMBULE

Avant de m'étendre sur mes travaux scientifiques, je dois indiquer brièvement comment je fus conduit à les aborder et comment je m'y suis préparé.

 

Les relations culturelles étroites qui existent entre l'Alsace et la Suisse, ainsi que des circonstances familiales particulières, ont voulu que c'est à des Maîtres de l'Université Suisse que je suis redevable de ma première formation scientifique.

 

Depuis ma plus tendre enfance, en effet, ma famille m'envoyait, chaque année, passer les grandes vacances d'été auprès d'une famille amie qui exploite une grande ferme dans le Canton de Baie. C'est là que j'ai pris un goût intense aux choses de la terre, en participant à tous les travaux de ferme et en m'instruisant au contact d'un agronome qui avait réussi à faire de son domaine une ferme modèle, connue et appréciée dans toute la contrée.

 

Je crois qu'une vocation particulière pour l'étude des sols s'est développée en moi de très bonne heure par les multiples observations que je pouvais faire en labourant des terres très diverses, comme celles formées aux dépens des argiles du Keuper, des calcaires ocreux du Jurassique ou des limons de différente nature.

 

Le comportement particulier de chacune de ces terres au labour, leur aptitude culturale pour telle ou telle autre culture, leur productivité différente d'un cas à l'autre, comptaient pour moi parmi les problèmes qui m'intéressaient en particulier, parmi tant d'autres attraits de l'existence rurale qui m'incitaient à me consacrer plus tard à l'Agronomie.

 

Aussi, ayant achevé mes études secondaires, c'est vers l'étude des Sciences Agronomiques, enseignées à l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich, que je me suis tourné pour commencer mes Études Supérieures.

 

Dans cette belle Institution du Polytechnicum qui groupe toutes les branches de la Science en autant d'Instituts remarquables, j'ai suivi alors, non seulement tous les cours de l'Institut des Sciences Agronomiques, mais encore ceux de l'Institut de Géologie et de Minéralogie, et j'ai pu participer à toutes les excursions géologiques et botaniques conduites par des maîtres éminents, comme SCHRÖTER, HEIM, SCHARDT, GRUBENMANN, etc.

 

Si au cours de mes études, les Sciences Naturelles m'intéressaient beaucoup, notamment les belles et enthousiastes descriptions phytogéographiques du Professeur SCHRÖTER qui avait parcouru une grande partie du monde et rapporté des collections et documents photographiques splendides, c'est cependant au Laboratoire de la Chimie des Sols, dirigé par le Professeur WIEGNER que je m'accrochais plus particulièrement.

 

WIEGNER représentait à mes yeux le grand savant qui, par ses recherches de Physico-Chimie, en pénétrant l'intimité des réactions, comme l'échange des bases, les phénomènes de floculation et de dispersion des colloïdes du sol, allait pouvoir expliquer les diverses observations que j'avais pu faire dans la nature.

 

Mais l'enseignement de WIEGNER comportait encore un autre attrait. A différents endroits de son cours, il mentionna certains types de sols qu'on rencontre à la surface du globe, comme les podzols, les tchernozionnes, les sols bruns, la terra rossa, les latérites, etc., en essayant d'expliquer leur genèse par une loi physico-chimique commune, et par l'intervention de l'humus sous ses différentes formes.

 

C'était là le début de la Pédologie en Europe et le commencement d'une orientation nouvelle de la Science du Sol. Pour ce qui me concerne, j'étais tout de suite séduit par cet aspect de l'étude des sols qui permettait de pouvoir allier la Chimie du Sol aux Sciences Naturelles et aux Sciences Géographiques.

 

Peut-être aussi étais-je surtout intéressé à ces questions par les perspectives qu'elles faisaient naître en moi de pouvoir satisfaire un jour un goût d'exotisme et d'aventure, en allant étudier les choses sur place, dans les pays lointains.

 

Dans le laboratoire de WIEGNER nous avions reçu toute une. série de latérites provenant des Indes, du Brésil et de Madagascar.

 

Les matériaux furent analysés aux Travaux Pratiques par les élèves, tandis que le Professeur attirait notre attention sur la concentration des hydroxydes d'alumine et sur l'élimination de la Silice qui caractérisent la genèse des sols latéritiques, et en développant des idées théoriques sur l'influence probable du pH, de la nature de l'humus, du signe négatif ou positif des micelles colloïdales, etc.

 

Ce furent ces problèmes de Physico-Chimie relatifs aux latérites qui ont été certainement déterminants pour le choix de ma carrière scientifique.

 

Dès ce moment-là, en effet, je commençais à mûrir le projet d'abandonner l'agronomie métropolitaine pour me consacrer aux études coloniales, et en particulier aux sols latéritiques de Madagascar.

 

Pour cela, mes études achevées, je me rendis à Paris afin de compléter mes connaissances dans le sens indiqué.

 

Malheureusement, et contrairement à ce que je pouvais espérer, je n'ai trouvé dans les milieux de l'enseignement agronomique parisien de l'époque, aucune documentation particulière sur les sols coloniaux.

 

Aussi bien à l'Institut Agronomique de Paris qu'à l'Ecole Supérieure d'Agronomie Coloniale de Nogent-sur-Marne, l'étude du sol n'avait été envisagée jusqu'alors que sous l'angle de la fertilisation et du dosage des éléments fertilisants.

 

Aucune recherche concernant la géographie des sols ou la genèse des différents types de sols n'avait été seulement entrevue.

 

Pour Madagascar notamment, l'étude agronomique que MUNTZ avait consacré aux sols de la Grande Ile, se limitait au dosage des éléments fertilisants effectués sur des sols anonymes, et était encore dépourvu de toute considération génétique.

 

Je m'empresse de dire, qu'étant à ce moment dans l'ignorance quasi complète des différents aspects de la vie scientifique et des ressources de la Capitale, je ne connaissais l'existence du Muséum National d'Histoire Naturelle que par sa réputation muséologique.

 

J'étais loin de me douter qu'il représentait, en outre, un Centre incomparable pour l'étude de toutes les questions scientifiques concernant notre domaine colonial.

 

Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai eu le bonheur d'apprendre à connaître certains grands maîtres du Muséum, d'étudier leurs travaux et de consulter leurs collections. En particulier, je n'ai eu connaissance qu'à Madagascar des travaux fondamentaux que M. LACROIX avait consacré aux latérites de la Guinée et de ceux qu'il a développé plus tard dans sa «Minéralogie de Madagascar».

 

De même, c'est à Madagascar seulement que j'ai appris à connaître la thèse essentielle de M. PERRIER DE LA BATHIE sur l'origine secondaire des prairies malgaches, ainsi que les travaux fondamentaux que M. HUMBERT devait consacrer par la suite à l'étude de la Flore malgache.

 

Etant dans l'ignorance de toutes ces données qui auraient pu me retenir à Paris, j'ai suivi à l'époque un conseil qui me fut donné, c'est de me préparer à la carrière coloniale en suivant les Cours de l'Institut Agricole et Colonial de l'Université de Nancy.

 

Ce fut à certains points de vue une excellente chose, car l'enseignement reçu à Nancy m'a permis d'apprendre à connaître les diverses cultures coloniales sous un aspect d'agronomie pratique et de m'initier à tous les traitements technologiques des productions coloniales.

 

J'ai pu suivre en outre un cours de langue malgache ainsi que les enseignements des Certificats de Licence de Botanique et de Géologie.

 

J'ai quitté Nancy à la fin de l'année scolaire 1922, après avoir obtenu le Diplôme d'Etudes Supérieures Agronomiques et celui d'Etudes Supérieures Coloniales.

 

À ce moment, j'ai effectué différentes démarches au Ministère des Colonies en vue d'obtenir une mission à Madagascar. Mais les résultats furent entièrement négatifs, et l'étude des sols ne semblait visiblement pas en faveur auprès de mes interlocuteurs. Je résolus donc de partir pour la Grande Ile, à mes frais et à mes risques et périls. J'étais accompagné par mon frère cadet qui se destinait à la prospection minière. Pour ce qui me concerne, j'avais en moi l'espoir et la foi secrète qu'une fois arrivé à la Colonie les milieux compétents s'intéresseraient aux questions que je me proposais d'étudier.

 

Il en fut heureusement ainsi. Quelques semaines à peine après mon arrivée à Tananarive, sur la recommandation de M. CARLE, ancien Chef du Service de Colonisation à Madagascar, qui était vivement préoccupé par tous les grands problèmes que posait l'étude des sols malgaches, je fus nommé Chef du Laboratoire d'Analyses et de Recherches Agricoles à Nanisana, près de Tananarive, obtenant ainsi la possibilité de faire mes débuts dans la Recherche Scientifique Coloniale.

 

EN MANIÈRE DE CONCLUSION

Dans le court exposé que je viens de faire de mes travaux Scientifiques, j'ai cherché à indiquer quelle est la part que j'ai pris dans l'introduction de la Pédologie en France, comment se sont développés mes travaux, et quel me paraît être leur intérêt pour 1’étude problèmes d'Agronomie Coloniale, d'Ecologie et de PhytoGéographie.

 

J'aimerais encore dire maintenant, en manière de conclusion en quoi les résultat de mes travaux ont contribué à modifier profondément les conceptions pédologiques énoncées antérieurement à mes travaux.

 

Une évolution considérable sépare aujourd'hui les thèses pédologiques que j’ai développées, des doctrines des premiers podologues russes qui ont eu le mérite de fonder la Science pédologique.

 

Leur conception initiale des sols zonaux. correspondant aux zones climatiques et phyto-géographiques actuelles, a dû subir des corrections profondes par l’introduction de notion de l'âge relatif des sols que je me suis particulièrement attaché à développer au cours de mes recherches, à l'aide d'exemples qui montrent l'indépendance génétique relative d grandes régions pédologiques du Globe, par rapport au Climat actuel et aux Végétations modifiées actuelles.

 

Ce sont mes travaux sur les latérites de Madagascar et les résultats qu j'ai publiés dans mon Traité de Pédologie qui sont à l'origine de cette évolution de nos conceptions, auxquelles les pédologues du monde entier se rallient aujourd’hui de plus en plus en découvrant, partout, des exemples similaires à ceux que j’ai décrits.

 

Je n'ai pas eu grand mérite à découvrir ces faits, étant donné qu'ils découlaient presque automatiquement de la démonstration lumineuse faite par M, PEBBIER DE LA BATHIE sur l'origine secondaire des prairies malgaches, et étant donné, qu'en ce qui concerne les laterites une base minéralogique et chimique indispensable à leur étude, avait déjà été créée par le travaux fondamentaux de M. LACROIX.

 

Il était fatal, par la suite, que mes recherches m’aient porté de plus en plus, à utiliser les conceptions physico-chimiques de la genèse des sols .que j’avais reçues comme précieux bagage au cours de ma formation d'agronome, pour tenter de relier ou d'opposer les faits pédologiques aux faits phyto-géographiques et à 1’observation de la couverture végétale.

 

Il s'est ainsi développée en moi une tendance à une vue synthétique des phénomènes, pour l'étude desquels les données biologiques, chimiques, minéralogiques, géologiques et géographiques devenaient pareillement indispensables.

 

C'est cette conception de l'étude des sols que j'ai cherchée à mettre en pratique en augmentant ma culture générale et mes observations dans le sens indiqué.

 

C'est elle que j'ai cherchée à propager par mon enseignement.

 

L'introduction des méthodes pédologiques que je préconisais s'est heurté pendant assez longtemps à une incompréhension dans certains milieux scientifiques et agronomiques. Cela tient au fait que l'étude des sols n'avait été envisagée que sous l'angle des problèmes de la fertilisation, alors que mon objectif était l'étude générale des phénomènes de la Pédogenèse, ainsi que la recherche d'une méthode et des principes de prospection qui permettraient d'apprécier, grossièrement, la valeur approximative des sols des pays neufs, préalablement à toute étude agronomique de détail.

 

Il est presque superflu de faire remarquer que la nécessité d'une prospection pédologique à grande échelle, permettant de se rendre compte des potentialités agricoles d'ensemble de nos possessions d'Outre-Mer, s'est imposée aujourd'hui à tous les dirigeants de l'Agronomie Coloniale et de la Recherche Scientifique Coloniale.

 

Il est devenu une quasi-banalité que de souligner l'importance primordiale que les recherches pédologiques représentent pour le développement de l'Agronomie Coloniale.

 

Mais au delà de l'objectif qui consiste à utiliser la Science pédologique pour contribuer à la solution des grandes tâches qui nous incombent en Agronomie Coloniale, à éclairer les problèmes écologiques et phyto-géographiques en apportant une base d'investigation scientifique nouvelle, la Recherche pédologique permet d'aborder dès maintenant certains problèmes de Sciences Naturelles qui sont parmi les plus grands et les plus passionnants que se posent les naturalistes.

 

Ce sont les problèmes relatifs à l'histoire et à l'Evolution des Continents pour lesquelles l'étude des paléo-sols deviendra un moyen d'analyse décisif, ainsi que le montreront mes prochaines publications.

 

C'est pour pouvoir continuer et développer l'ensemble des recherches dont j'ai parlé dans cette Notice, et auxquelles je me consacre, sans réserve, depuis vingt-cinq ans, que je sollicite l'appui des hommes de Science qui seront appelés à juger mes travaux.

 

 

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