63 rue Buffon 75005 Paris
Plus d'information! | Table des matières | Page de couverture |
---|
Titres et travaux scientifiques
de
Qu'il me soit permis dédire tout d'abord quels furent mes
Maîtres :
Je suis proprement l'élevé de Félix Guyon, et d'Edouard
Quénu.
De Félix Guyon, j'ai été par deux fois l'Interne, et
l'influence de ce Maître a été telle sur moi que je n'ai jamais négligé la
chirurgie urinaire.
D'Edouard Quénu j'ai été aussi deux fois l'Interne, puis
l'Assistant onze années durant. Je puis dire que j'ai participé, du jour où
j'ai eu l'honneur d'être son élève, a toute la vie chirurgicale de ce
Maître qui fut un magnifique technicien, et un très grand chirurgien
biologiste.
Quénu est vraiment le Maître qui a présidé à ma carrière.
Je ne saurais doue mieux faire dans cette présentation de
mes travaux que de répéter ce que Quénu a dit dans les mêmes circonstances.
Il est fort difficile d'exposer des travaux parce qu'il faudrait
pouvoir les situer dans le moment même de leur publication, pour juger sainement de
leur
originalité,
ou de l'influence qu'ils ont eue sur l'évolution de la chirurgie.
Aussi me suis-je permis de ne pas citer un certain nombre
d'études qui ne m'ont pas paru avoir de valeur générale, j'ai cru devoir
ne retenir que celles qui montrent comment j'ai compris la chirurgie, et
dans quelle voie j'ai cru que la recherche chirurgicale scientifique devait
être
aiguillée.
J'appartiens à une génération chirurgicale qui a reçu de
son aînée une technique chirurgicale nouvelle reposant sur l'asepsie.
Il restait toutefois beaucoup a faire en cette voie ; je
n'ai cas manqué de me consacrer à ces études, c'est pourquoi j'expose tout
d’abord mes travaux de chirurgie opératoire.
Dans la chirurgie opératoire, j'ai toujours cherché en
dehors de la base anatomique indispensable, une base physiologique qui me
paraît non moins nécessaire.
La critique que j'ai faite à la technique opératoire contemporaine
est de se plier uniquement aux nécessités anatomiques, sans se
préoccuper des nécessités physiologiques.
J'ai développé cette idée dans mon discours de Président du
Congrès de Chirurgie.
La technique opératoire est réglée sur le cadavre en ses
moindres détails ; elle a pour unique but le ménagement anatomique des organes,
elle ne se préoccupe pas de leur ménagement physiologique ; à tort nous
transportons directement cette technique de l'homme mort à l'homme vivant, certains que
nous sommes de la sécurité anatomique ; nous ne nous préoccupons en
rien de la répercussion de cette technique purement anatomique sur
la fonction des organes, oubliant, pour ainsi dire, que tout acte
chirurgical est une mutilation anatomique et fonctionnelle.
Ces conséquences physiologiques ne nous sont révélées que par
les seuls résultats de nos opérations sur l'homme vivant, alors qu'elles
devraient être prévues par des recherches physiologiques préalables.
Il manque à la technique opératoire une base physiologique
nécessaire. Le chirurgien par le mode de ses études arrive à l'automatisme du penser
anatomique, il n'a pas l'automatisme nécessaire du penser physiologique.
Dans la chirurgie du poumon, dans celle de l'estomac, du
gros intestin, j'ai cherché à donner à mes études de chirurgie opératoire cette
base
physiologique.
La chirurgie pulmonaire reposait sur un axiome
physiologique erroné : le pneumothorax chirurgical total unilatéral n'est pas
compatible avec la vie.
Ce principe erroné a engendré la technique allemande de la chirurgie
intra-thoracique en pression différentielle pour éviter le pneumothorax.
Nos expériences sur l'animal nous ont montré que ce
principe était vrai chez certains animaux comme le chien, dont les
plèvres communiquent, et chez qui partant le pneumothorax est toujours
bilatéral, mais qu'il était essentiellement faux chez les animaux qui comme l'homme ont les
plèvres séparées.
Cette donnée physiologique indiscutable m'a permis
d'étudier la chirurgie en plèvre libre, par le pneumothorax total, et de
l'appliquer pendant la guerre avec un succès constant aux plaies du poumon.
Ouvrir largement le thorax, en sortir le poumon pour
pouvoir à son aise opérer sur lui, est la technique physiologique.
La nécessité de la pression différentielle est une erreur
qui limite les entreprises chirurgicales sur le poumon.
Dans la chirurgie de l’estomac, le même but physiologique
m'a conduit; j'ai recherché quelle était dans toutes les techniques de
résection de l'estomac celle qui conservait le mieux le fonctionnement de
l'organe ; c'est incontestablement le procédé imaginé par Péan.
Dans la chirurgie colique j'ai pu de même montrer les
conséquences physiologiques inévitables des résections coliques.
Ces dilatations coliques ou iléales qui suivaient
toujours les ablations segmentaires ou totales du gros intestin étaient
attribuées à des erreurs de technique opératoire ; j'ai pu montrer que la
constitution de sacs coliques post-opératoires était une nécessité pour le
rétablissement de la fonction colique qui consiste essentiellement dans la
transformation du contenu liquide de l'intestin grêle en matières solides
d'évacuation.
Pour cette transformation il est nécessaire qu'il existe
des sacs dans lesquels les matières stagnent, sont brassées, et subissent les
modifications physiques et chimiques nécessaires.
Les nouveaux sacs intestinaux que l'on constate après la
résection des côlons ne sont donc autre chose que l'adaptation naturelle de
l'intestin à sa nouvelle anatomie, et la technique ne doit surtout pas
essayer de s'opposer à leur production.
La technique opératoire ne doit pas être régie par la
seule anatomie, elle doit être dominée par la physiologie.
Dans mes études de Pathologie chirurgicale, j'ai toujours
cherché à associer les travaux de laboratoire à ceux de la clinique.
Actuellement, le progrès de la chirurgie dépend de la
biologie.
C'est pourquoi j'ai toujours travaillé en collaboration
intime avec médecins, biologistes, chimistes, radiologues, même pendant la
guerre, car j'ai obtenu qu'à mon Ambulance chirurgicale automobile des
laboratoires fussent annexés.
C'est dans cet esprit que j'ai organisé ma clinique. Parmi
mes collaborateurs j'ai trois médecins ; trois laboratoires d'anatomie
pathologique, de bactériologie, de sérologie, de chimie biologique concourent
au travail commun.
A tous mes travaux ont participé ces collaborateurs
nécessaires.
J'ai toujours considéré qu'une donnée nouvelle n'était
valable que si elle était également vérifiée à la fois par la clinique et la
biologie.
Qu'il me soit permis de donner comme exemple mes études
sur le rôle de l’infection dans les ulcères de l'estomac.
Le point de départ a été la constatation de certaines
infections post-opératoires qui ne pouvaient être attribuées à l'opération même.
Mes collaborateurs et moi avons pu prouver que le
point de départ était une infection latente de l'ulcère, infection que
l'opération disséminait.
Les preuves de cette infection préalable de l'ulcère, nous
les avons trouvées dans la clinique, en groupant les symptômes qui la
traduisent, dans l'anatomie pathologique de l'ulcère en montrant dans les
tissus ulcérés, dans les lymphatiques et les ganglions, l'expression
même de celle inflammation tissulaire aiguë ou suraiguë, dans la bactériologie
de l'ulcère en montrant la présence de germes dans les tissus ulcérés, dans
les
réactions
biologiques générales des malades, en montrant la constance et l'importance de
l'hyperleucocytose et de l'hyperpolynucléose.
Nous avons alors admis cette infection parce que tous les
moyens cliniques et biologiques de prouver son existence étaient
affirmatifs. Ce faisceau de preuves étaient nécessaire.
Nous avons prouvé enfin que l'infection post-opératoire a
pour point de départ l'infection de l'ulcère, en montrant que l'on trouve
dans les foyers de cette infection post-opératoire les mêmes germes que
dans
l'ulcère.
Et cette notion de l'infection de l'ulcère a servi à poser
les bases des indications chirurgicales ; ou ne doit opérer un ulcère de
l'estomac qu'en dehors des périodes d'infection.
Nous avons atteint notre but : plier la chirurgie, ses
indications opératoires, sa technique aux données de l'examen biologique des
malades.
Dans le traitement des plaies de guerre aux armées j'ai
subordonné les étapes du traitement chirurgical au contrôle
bactériologique.
Le problème était que la suture immédiate des plaies de
guerre n'était pas possible aux ambulances du front dans les offensives, dans
les
moments
de grande affluence de blessés parce que cette suture a besoin d'une
surveillance chirurgicale prolongée qui ne permet pas l'évacuation des opérés.
J'ai pu constater qu'une plaie de guerre correctement
excisée reste non infectée pendant de longs jours sous un pansement aseptique
correct.
J'ai pensé que si l'excision de la plaie est le traitement
impérieusement nécessaire au front pour éviter l'infection, cette notion peut
permettre l'évacuation immédiate des blessés ainsi traités, réservant aux formations
d'arrière la suture secondaire des plaies restées aseptiques.
J'ai pu ainsi régler la technique de la «suture primitive
retardée ou différée» en deux actes successifs : l'un immédiat
impérieusement nécessaire, l'excision de la plaie, a été pratiqué au front dans
le moment le plus proche de la blessure ; l'autre la suture, qui pouvait être
retardée, a été pratiqué dans le territoire à quelques jours de distance,
après un nouvel examen bactériologique, sur les opérés évacués des
hôpitaux du front encombrés.
Ce traitement en deux temps a été la règle pratiquée sous
ma direction dans deux grandes offensives : les résultats l'ont fait adopter
pour
les
périodes de grands afflux de blessés dans toutes les armées alliées.
Ainsi le contrôle biologique a réglé le traitement des
plaies de guerre en adaptant sa modalité aux exigences militaires.
J'ai de même poursuivi des études qui recherchaient par la
chimie biologique les causes de certains états pathologiques.
Le point de départ en fut pendant la guerre le skock
traumatique. Avec Grigaut nous avons pu apporter à la conception théorique
d'E. Quénu la preuve expérimentale et biologique : le shock est une
intoxication par les albumines nocives nées dans les tissus de la blessure, et
répandues dans la circulation sanguine.
La preuve de la présence de ces albumines toxiques est
l'hyperazotémie constante des shockés, et l'augmentation constante de leur
azote
sanguin
résiduel.
Poursuivant ces recherches sur le rôle que ces albumines
tissulaires peuvent jouer dans la pathologie chirurgicale, j'ai pu montrer
que dans les brûlures il existe une intoxication immédiate due a la
dévitalisation des tissus, cette phase initiale est la période de haute gravité
des brûlures ; elle est due comme dans le shock traumatique à la pénétration brutale et
massive dans le sang d'albumines toxiques nées dans les tissus brûlés.
Dans ce sang on trouve une masse de polypeptides hautement
toxiques que le foie ne peut transformer totalement en urée inoffensive.
L'analogie avec le shock traumatique est complète, les
réactions du sang sont exactement les mêmes.
Elargissant encore ce chapitre si intéressant de
pathologie chirurgicale générale, nous avons montré par l'étude chimique du
sang des opérés que toute opération déclenche une intoxication de l’organisme
par les albumines toxiques nées dans les tissus dévitalisés par l'acte
opératoire lui-même, et répandues dans le sang.
Ainsi sont expliqués ces accidents post-opératoires plus
ou moins graves qui jusqu'ici avaient été faussement attribués à
l'infection suraiguë, au shock nerveux, à l'azotémie.
Actuellement, toute opération apparaît comme la cause
d'une intoxication inévitable due à la dévitalisation même des tissus
traumatisés par les manœuvres opératoires mêmes.
Cette notion montre l'impérieuse nécessité de rechercher,
avant toute opération, l'état fonctionnel des organes défenseurs, foie et
rein ; elle commande de ne procéder à l'acte opératoire qu'en connaissance
des
possibilités
de défense de l'organisme contre l'injure inévitable de l'opération même, elle
régit tous les soins pré et post-opératoires.
La conclusion logique de ces travaux de pathologie
chirurgicale et de pathologie générale est celle que nous avons tirée dans notre
discours présidentiel du Congrès de Chirurgie.
Le chirurgien doit recevoir, outre l'éducation médicale
générale, une instruction spéciale.
La chirurgie actuelle ne repose plus uniquement sur
l'anatomie et la technique opératoire.
Pour pratiquer sainement son art. pour être apte aux recherches scientifiques,
le chirurgien doit recevoir une instruction qui repose sur un trépied dont
les trois bases sont aussi importantes l'une que l'autre : l'anatomie, la
biologie normale, la biologie pathologique.
Il est a espérer que les études chirurgicales seront
modifiées dans ce sens.
C'est cet esprit qui a présidé à tous nos travaux. La
clinique chirurgicale n'est plus un art dans lequel l'expérience avait la place
dominante : elle doit évoluer vers une science biologique dont le point de
départ demeure l'observation des malades, mais qui doit trouver dans
les
recherches
de laboratoire sa consécration.
La chirurgie ne doit plus être un art purement manuel,
elle doit rechercher toutes ses indications dans une connaissance de plus
en plus approfondie de la biologie normale et pathologique.
Mots clefs :
albumine, anatomie, asepsie, bactériologie, biologie, blessure,
chimie, chirurgical, clinique, colique, dévitalisation, estomac, étude, excision, foie,
germes, guerre, infection, intestin, intoxication, laboratoire, opération, organe,
pathologie, physiologie, plaie, pneumothorax, post-opératoire, poumon, sang, shock,
suture, technique, tissus, traitement, travaux, ulcère, duval
visiteurs |
---|