Fallot : titres et travaux
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Titres et travaux scientifiques

 

de

 

Paul Fallot

Professeur de géologie à l'université de Nancy

 

LA GÉOLOGIE DU BASSIN DE LA MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE

PROBLÈMES - PLAN DE RECHERCHES

ENSEIGNEMENT

 

INTRODUCTION

L'étude géologique des régions entourant la Méditerranée occidentale a débuté au XIXe siècle par des levers de reconnaissance dont E. SUESS et P. TERMIER ont tiré parti pour tenter le raccord des chaînes nord-africaines et espagnoles avec l'Italie et les Alpes.

 

À cette époque, les montagnes de l'Espagne méridionale étaient mal connues et le Maroc tout à fait ignoré.

 

Depuis une vingtaine d'années, grâce à des notions plus précises sur les terrains sédimentaires qui participent aux plissements des montagnes circum-méditerranéennes, et sur ceux qui leur sont postérieurs, les problèmes changent d'aspect.

 

Il devient possible de reconstituer l'histoire des mers qui depuis l'ère secondaire ont séparé de la très vieille Afrique un continent septentrional, premier fondement de notre Europe. Ces «vieux bâtis» selon le terme classique, ont été diversement plissés au cours des temps primaires, mais depuis lors, ils ont formé chacun un tout pratiquement rigide.

 

Par contre, la zone qui les a séparés durant les ères secondaire et tertiaire eut une histoire complexe. D'abord elle fut occupée par des mers qui subirent de nombreuses vicissitudes, débordant à certaines époques sur les vieux continents ; puis elle se rétrécit sous l'effet de poussées tangentielles et des chaînes montagneuses importantes s'y formèrent par plissement.

 

Les reliefs du pourtour de la Méditerranée en sont les restes, partiellement désarticulés par une phase terminale de distensions et d'effondrements qui permit à la mer d'occuper son bassin actuel.

 

Une vue d'ensemble du domaine méditerranéen doit comporter l'analyse de son cadre ancien — matière délicate et sur laquelle la documentation est encore insuffisante — puis l'histoire complète de ses mers anciennes, de la formation des divers tronçons montagneux, enfin l'étude des transformations, géologiquement très récentes, qui aboutirent à la géographie actuelle.

 

Les analyses sont assez avancées pour que l'on commence à saisir les étapes de cette évolution et que l'on tente de les interpréter à la lumière des grandes doctrines géologiques modernes. Or, celles-ci, en ce qui concerne les sillons marins permanents du Secondaire, dits géosynclinaux, le mécanisme de la formation des chaînes de montagnes, ou les déplacements relatifs des vieux bâtis continentaux, sont basées sur des observations faites dans d'autres régions et qui comportent encore une grande part d'hypothèse.

 

Par sa situation, par l'étroit rapprochement du vieux bâti africain, connu jusqu'au bord Sud du Rif, et du socle européen formant la Meseta espagnole, le bassin de la Méditerranée occidentale est un lieu de choix pour confronter ces doctrines avec les faits observés.

 

Il apparaît déjà que la confrontation n'est pas pleinement satisfaisante. La portée d'une étude minutieuse des régions méditerranéennes dépassera donc le cadre local puisqu'elle aboutira à une critique objective et peut-être à l'amendement de certaines théories générales de la géologie.

 

Dans les lignes qui suivent, après un bref rappel historique, le lecteur trouvera quelques détails sur la façon dont se posent les principales questions, sur le programme des recherches actuelles et de l'enseignement qui pourrait en découler, enfin, des considérations au sujet du plan international sur lequel se situent les travaux.

 

La Méditerranée occidentale. - Premiers travaux géologiques

Une grande mer, la Téthys de SUESS ou la Mésogée de H. DOUVILLÉ, ceinturait le globe à l'époque secondaire. Elle courait des Antilles à Gibraltar, aux Alpes, à l'Asie Mineure, à l'Himalaya et aux îles de la Sonde. NEUMAYR a souligné le rôle capital qu'elle a joué, entre les vieux blocs continentaux de l'Eurasie primaire au Nord, du continent Indo-Africano-Brésilien ou Gondwanie au Sud.

 

Les sédiments qui s'y sont déposés jusqu'au Tertiaire ont été disloqués sur tout son parcours par des plissements tangentiels; un immense édifice montagneux en est résulté, les Alpides de SUESS

 

Certains de ses segments demeurent presque inconnus, mais, dans les Alpes mêmes, Marcel BERTRAND, HEIM, LUGEON et leurs élèves ont analysé sa structure avec une admirable précision.

 

Notre Méditerranée n'est que l'humble reste de l'immense Téthys et les chaînes qui l'entourent font partie du cortège des Alpides.

 

Mais si cette vue générale est admise, les modalités de la formation des plissements y restent mal connues. Les deux extrémités du bassin, régions privilégiées, pourraient nous fournir à cet égard, des données essentielles.

 

A l'Est, en effet, les chaînes d'Asie Mineure pincées entre l'Arabie encore africaine et la plate-forme russe ; à l'Ouest, l'étroit rapprochement des vieux bâtis africain et européen, permettent d'étudier plus aisément qu'ailleurs les rapports exacts de ces anciens socles avec l'édifice alpin.

 

A l'Orient, les recherches progressent peu, faute de cartes topographiques convenables. Par contre, aux alentours de la Méditerranée occidentale, nos connaissances s'accroissent rapidement.

 

Les géologues algériens ont démêlé depuis longtemps que sur le bord de la très vieille Afrique toute la partie septentrionale de l'Algérie et de la Tunisie, est formée d'éléments alpins par le caractère de leurs sédiments et par les étapes des plissements dans lesquels ceux-ci sont engagés.

 

En Espagne, après les cartes de reconnaissance de CORTAZAR, MALLADA, VIDAL, HERMITE, puis de la Mission française d'Andalousie (1885), les progrès se sont ralentis.

 

Seuls les travaux, précieux mais limités, de NICKLÈS, Robert DOUVILLÉ et NOLAN ont marqué, alors, la vigilance des naturalistes français quant à la géologie du Sud de la Péninsule.

 

C'est sur ces premières données relativement à l'Afrique du Nord et à l'Espagne méridionale que E. SUESS, puis P. TERMIER tentèrent leurs raccords structuraux. Tous deux envisageaient le prolongement des Alpes par l'Italie, une partie de la Sicile et les chaînes tertiaires de l'Afrique du Nord.

 

Au Maroc, alors inconnu, SUESS les voyait tourner en un arc de Gibraltar pour former les Cordillères andalouses et mourir aux Baléares en rameau libre. TERMIER admettait, au contraire, le rattachement des chaînes du Sud de l'Espagne à la Provence.

 

Mais les surfaces explorées étaient trop réduites par rapport à tout ce qui restait inconnu. Et les synthèses d'après guerre, dues à STAUB, à KOBER, à STILLE, à von SEIDLITZ, rendent encore plus sensibles par leurs divergences les lacunes immenses de nos connaissances. La hâte d'expliquer et de coordonner a fait négliger l'analyse préalable de ce qu'il fallait expliquer et coordonner.

 

Ces travaux, d'ailleurs très suggestifs et utiles, ont ceci de commun qu'ils visent à étendre aux chaînes circum-méditerranéennes des conceptions théoriques diverses basées sur l'interprétation d'autres régions.

 

Le nouvel aspect des problèmes.

La génération de géologues qui a débuté lorsque la théorie des charriages renouvelait l'interprétation des Alpes, sentit qu'après cette révolution dans les doctrines, son rôle serait surtout analytique et que, pour le Sud de l'Espagne en particulier, nul ne pourrait tenter de synthèse valable tant que l'humble travail des descriptions et des analyses ne serait pas mené avec une rigueur suffisante.

 

Cette phase nouvelle s'ouvre en Espagne par la publication de l'Etude géologique de la Sierra de Majorque chapitre terminal forme une manière d' «Introduction à l'étude de la Méditerranée occidentale».

 

Des équipes variées de chercheurs abordent bientôt l'étude détaillée des principaux problèmes posés. Des Hollandais scrutent le massif de la Sierra Nevada, des Suisses l'Occident de ces montagnes, des Allemands les régions situées au Nord des zones des plissements alpins, pendant que, seul ou en collaboration avec des Français et des Espagnols, je poursuis des recherches en Bas-Aragon, puis dans les Cordillères bétiques, entre Valence et l'Andalousie.

 

Sous peu, le midi de l'Espagne sera aussi bien connu que l'Algérie. La géologie marocaine, abordée en détail depuis 1926 par de juvéniles équipes, s'éclaire chaque année de lueurs nouvelles.

 

Les obstacles qui s'opposaient aux synthèses fécondes tombent par pans entiers. Mais aussi voit-on s'élargir singulièrement le champ de ces synthèses.

 

La Stratigraphie et la Paléogéographie.

Ce n'est plus la seule science des déformations tectoniques qui peut répondre à toutes les questions posées et éclaircir le mystère de la continuité des grandes zones structurales cachées sous les espaces marins. Il y faut l'étude de la répartition des sédiments secondaires et tertiaires sur tout le pourtour du bassin. L'analyse stratigraphique détaillée, basée sur les faunes accompagnant les sédiments et sur la nature intime de ceux-ci, permet, au moins pour les étages du Secondaire et du Tertiaire, la reconstitution de cartes paléogéographiques.

 

L'évolution des mers ancienne apparaît. L'on peut déjà, non plus schématiquement comme en 1922, mais avec plus de détails définir les zones (géosynclinales, dirait-on selon le vocabulaire de E. HAUG) où la mer a régné en permanence jusqu'au Tertiaire, avec les caractères sédimentaires et paléobiologiques propres aux régions alpines.

 

Ces cartes nouvelles ont servi en 1936 à illustrer un cours sur l'histoire géologique de la Méditerranée fait au Centre des Hautes Etudes méditerranéennes de Nice. Elles sont encore inédites.

 

Ce bassin, ce sillon, prolongeant celui des Alpes et d'Italie, s'allonge de Sicile vers l'Ouest, entre l'ancienne Europe et la vieille Afrique.

 

Sur ses bords, on saisit les étapes de transgressions et de retraits des eaux, au cours desquelles se sont succédés, sur le vieux bâti, des golfes peu profonds, épicontinentaux (bassin aragonais, marge N.-E. des Cordillères bétiques, domaine Atlasique) ou des épisodes continentaux, voire lacustres.

 

Mais tout l'espace compris entre les anciens continents européen et africain n'a pas été uniformément occupé par la mer. Au Nord de la Kabylie, dans le bord méditerranéen de l'arc rifain, enfin dans les montagnes andalouses entre l'Ouest de Malaga et Murcie, règnent des terrains primaires qui ont dû faire partie d'un ensemble spécial. Et la réapparition de ces éléments des «bâtis anciens» va poser une série de questions, dont, ici encore, la solution ne peut être cherchée que dans une analyse stratigraphique minutieuse.

 

Déjà au cours du Secondaire ils semblent avoir été réunis en un grand ensemble formant, selon les époques, une barrière émergée ou des hauts-fonds.

 

Ce vaste bourrelet a plus ou moins séparé le sillon profond de la mer alpine, qui passait au Nord, des mers qui s'étendaient sur l'Afrique septentrionale. Celles-ci, seulement influencées par des communications latérales ou épisodiques avec le sillon alpin, ont déposé des sédiments dont le cachet est souvent spécial et dont l'histoire semble complexe.

 

L'individualisation du bourrelet nord-africain résulte, à n'en pas douter, d'un bombement du bâti continental profond provoqué par des efforts tangentiels. D'ailleurs comme dans tout l'édifice alpin, les déformations essentielles seront dues à de telles poussées. Hormis à la fin du Tertiaire, les fractures verticales ne jouent qu'un rôle infime.

 

En dehors de cette zone Kabylo-bético-rifaine, qui semble avoir été longtemps passive, les mouvements orogéniques ont tardé à créer des reliefs. Il n'est pas encore certain que, comme le veulent les géologues hollandais, de grands plissements soient déjà nés au Jurassique dans les alentours de la Sierra Nevada; ce n'est que plus récemment, au Crétacé, que les sédiments de la Téthys enregistrent les premiers effets certains d'un réveil orogénique, répercussion atténuée, dans les domaines marins, de la naissance des Pyrénées et des Haut et Moyen Atlas.

 

Ces deux édifices, nés de plissements à très grand rayon de courbure des vieux bâtis continentaux de part et d'autre de la mer, se sont individualisés en deux phases, l'une crétacée, l'autre tertiaire. Ils forment d'ailleurs les marges extrêmes du cadre de la Méditerranée occidentale étudiée ici.

 

Formation des chaînes tertiaires alpines.

Après leur surrection, les épisodes orogéniques se succèdent :

Un grand chaînon naît en Andalousie méridionale dont la Sierra Nevada forme l'ossature, alors que la mer règne encore ou revient entre ces reliefs et la Meseta espagnole.

 

C'est ensuite au tour des plissements du Nord de l'Algérie de se former, si tant est que leur âge soit vraiment établi.

 

Plus tard enfin, s'édifient les chaînes récentes d'âge strictement alpin, c'est-à-dire d'âge post-oligocène et miocène. On en voit passer la branche majeure de Majorque et d'Ibiza aux Provinces de Valence, d'Alicante, de Murcie, de Jaen, de Cordoue, de Séville, entre le Sud du vieux bâti de la Meseta espagnole et le bourrelet Kabylo-bético-rifain.

 

En Afrique, les grands mouvements récents sont limités au Rif et à l'extrême Nord de la frontière algéro-marocaine ; plus loin à l'Est, seuls des efforts atténués se font sentir, à ce moment, au Sud de la zone des Kabylies.

 

Où se prolongeaient les chaînes alpines d'Espagne et comment se reliaient-elles aux Alpes ?

 

C'est encore le résultat de l'enquête stratigraphique et paléogéographique qui nous fixera. Les observations de ces derniers lustres et celles qui sont en cours laissent pressentir la réponse.

 

On a vu plus haut que les zones essentielles de la Téthys, où régnèrent des mers typiquement alpines par leur faune et le faciès de leurs sédiments, semblent bien avoir passé des Alpes en Italie et en Sicile selon le schéma classique, mais de là avoir gagné directement la région subbétique définie sur 900 kilomètres de long, de Majorque à l'Atlantique.

 

Or, dans les segments actuellement connus des Alpides l'on a constaté que les paroxysmes orogéniques alpins se sont partout produits sur l'emplacement du sillon majeur de la Téthys. On est donc en droit de penser que la règle s'applique à ce tronçon occidental de la chaîne et que la zone des grands plissements a dû passer, aussi directement que le géosynclinal, de Sicile à Majorque et aux cordillères subbétiques.

 

Au Sud, le massif Kabylo-bético-rifain, individualisé lors des temps secondaires, a continué à jouer un rôle d'écran durant le Tertiaire, à deux points de vue : histoire sédimentaire de l'Afrique du Nord, et plissements.

 

Les dislocations algéro-tunisiennes différeront donc plus ou moins de celles de l'Espagne par l'âge et par le style.

 

Ainsi, toutes ces chaînes qui bordent la Méditerranée et que l'on raccordait, ne sont pas exactement comparables les unes aux autres. Sous leur unité trompeuse, apparaît un ensemble composite, et nous sommes entraînés bien loin des interprétations primitives où l'on ne cherchait qu'un lien tectonique unique et linéaire entre tant d'éléments divers.

 

Plan des recherches et d’un enseignement.

L'histoire géologique qui vient d'être esquissée se dégage peu à peu de l'ombre. Elle permet déjà de prévoir la méthode qui convient pour en scruter les détails et en brosser un tableau fidèle et nuancé : Les recherches sur le terrain, pour compléter la documentation accumulée depuis plus de 20 ans ; les travaux de laboratoire, pour l'étude paléontologique et microscopique des matériaux recueillis (Point n'est besoin d'appareils spéciaux, et en dehors des microscopes dont sont pourvus tous les laboratoires, les collections et les bibliothèques existantes totalisent à peu près toutes les ressources désirables) ; la mise au net des cartes levées et l'élaboration des profils géologiques généraux qui en découlent devront chaque année marier leurs effets.

 

Le vaste inventaire déjà commencé sur le bassin méditerranéen doit être poursuivi en utilisant pour de perpétuels contrôles réciproques, toutes les disciplines stratigraphique. lithologique, paléobiologique, tectonique.

 

La méthode n'est pas nouvelle, mais elle ne fut guère appliquée à un champ si vaste. Dans l'étude des Alpes suisses qui forment la partie la mieux connue de la chaîne, ce n'est qu'après des années de travaux spécifiquement tectoniques que l'on s'oriente vers l'analyse minutieuse des horizons et de leurs variations latérales.

 

En Méditerranée occidentale où la structure des chaînes est plus simple, on peut espérer qu'une vie d'homme suffira à fermer ce cycle, dont les parties essentielles fournissent à la fois un programme de recherches et le plan d'un enseignement.

 

    Pour toutes les divisions des ères secondaire et tertiaire, il faut poursuivre objectivement l'étude de la stratigraphie de tout ce domaine. Après que soient datées les formations, l'examen micrographique de leurs sédiments, l'étude globale des faunes et les conclusions paléobiologiques qui en découleront permettront d'évoquer leurs conditions de dépôt avec bien plus de rigueur que les esquisses préliminaires ne l'ont fait.

 

    Ces longues analyses poussées à l'aide des publications récentes et de documents inédits, déjà recueillis ou à recueillir, nécessiteront plusieurs années. Elles seront interrompues par la description des phases orogéniques prémonitoires inscrites dans les dépôts secondaires. En cette matière tout sera nouveau. Bien que des discordances très accusées soient connues dans le Crétacé algérien, on n'a pu les mettre en corrélation avec les phénomènes similaires signalés au Maroc et bien moins encore avec ce que révèlent les Cordillères bétiques. Cette tectonique ancienne, qui a précédé sur le même emplacement les paroxysmes récents, nécessitera une étude minutieuse.

 

    Quant aux inventaires stratigraphiques qui concernent le Nummulitique, ils feront aussi l'objet d'un soin particulier parce que c'est sur eux que l'on est en droit de compter pour distinguer les phases orogéniques alpines.

 

Des thèses en cours sur le Nummulitique d'Algérie et d'Espagne, nous promettent à cet égard d'importants résultats.

 

    Ce n'est qu'après les investigations stratigraphiques et les synthèses paléogéographiques que l'on abordera à fond l'orogénie tertiaire. Alors seulement la discrimination des diverses chaînes nées à divers moments, l'analyse de leur tectonique, l'examen comparé de leurs constituants prendront toute leur signification : la synthèse structurale apparaîtra d'elle-même.

 

    Mais l'histoire géologique ne s'arrête pas au paroxysme alpin. La fin des temps tertiaires avec le retour local de leurs mers, puis les oscillations des rivages de la Méditerranée quaternaire, conduirons à reprendre l'étude du Néogène supérieur ainsi que la question des terrasses marines et fluviatiles.

 

Et les ultimes étapes de cette immense évolution parachevant le modelé du relief terrestre aboutiront à l'explication de la géographie actuelle, si importante par ses incidences sur le sort des sociétés humaines, dans ce bassin qui fut le foyer central de notre civilisation occidentale.

 

    Un tel cycle de travaux ne se développera pas sans obliger le chercheur à s'élever au-dessus des faits observés pour les confronter avec les grandes théories géologiques. Celles-ci sont excellemment exposées à Paris et en Province. Mais il ne rentre pas dans le cadre des enseignements didactiques de les appliquer à des problèmes particuliers. Et ce ne sera pas un des moindres fruits de l'étude géologique du bassin méditerranéen que le contrôle de leur valeur.

 

Un programme de recherches complètes conduira à utiliser mais aussi à réadapter, à modifier, à remplacer peut-être certaines de ces conceptions.

 

L'une d'elles est la théorie des géosynclinaux, dont la révision à la lumière d'observations précises s'impose. Une autre est la doctrine mobiliste.

 

Les géophysiciens modernes font état d'une mobilité relative des masses continentales, dont le principe fut énoncé par WEGENER et utilisé par ARGAND et STAUB pour l'explication de la naissance des grandes chaînes et singulièrement des Alpes.

 

Que Téthys ait été jadis, en quelque sorte, la large mer séparant l'Eurasie de la Gondwanie, puis que le rapprochement des deux continents en ait chassé les eaux et fait surgir tout un train de replis dont l'ultime serrage a donné les Alpes, cela paraît une explication séduisante sur le méridien, sur la transversale, des Alpes suisses.

 

Mais peu de régions sont aussi propices que l'Afrique du Nord et l'Espagne à l'inscription de tels phénomènes dans la nature des sédiments et dans leurs dislocations, entre les deux vieux bâtis étroitement affrontés.

 

S'il est prématuré de se prononcer dès aujourd'hui, l'on est en droit d'espérer être, d'ici peu, en mesure de préciser si oui ou non cette doctrine mobiliste s'applique au cas particulier de la Méditerranée occidentale et trouve dans sa géologie la confirmation des faits.

 

Coordination des travaux.

Les grands noms de DE VERNEUIL, COLLOMB, MICHEL-LÉVY, Marcel BERTRAND, KILIAN, nous font impérieusement souvenir que la France a, depuis 100 ans, joué un rôle actif dans la géologie espagnole.

 

Elle possède la quasi totalité de l'Afrique du Nord alpine. Il est légitime d'attendre de ses chercheurs une contribution dominante aux problèmes géologiques méditerranéens.

 

C'est actuellement le Laboratoire de Nancy qui joue un peu le rôle de quartier général pour tous ceux, espagnols, français, suisses, hollandais, voire allemands, qui ont abordé l'un ou l'autre des problèmes géologiques d'Espagne, du Maroc ou plus généralement de la Méditerranée occidentale.

 

Ce rôle pourrait être mieux tenu si l'organisation universitaire ne rejetait, à juste titre d'ailleurs, de telles préoccupations au second plan.

 

En effet, ces études spéciales, l'enseignement qui en découlerait, ne peuvent trouver place dans aucune chaire d'université. Les programmes de licence sont essentiellement didactiques et ne laissent que quelques heures pour l'énumération des grandes lignes de la Géologie régionale. Ils ne permettent pas plus de s'élever au-dessus du plan des exposés généraux pour remettre en question des doctrines, que d'exposer l'histoire complète d'une région comme la Méditerranée occidentale.

 

Ce serait dans un centre consacré par essence à la recherche et à la découverte, que les travaux énumérés ici pourraient normalement porter leurs fruits, soit par l'enseignement, soit par l'activité d'un laboratoire où tous ceux qui étudient les problèmes méditerranéens viendraient se rencontrer et se documenter.

 

Organiser le labeur scientifique et assurer d'opportunes liaisons entre les spécialistes est toujours délicat. Ici, par l'extension géographique du domaine envisagé et par la variété des savants qui y déploient leur activité c'est sur un plan international que se placent les investigations, donc en dehors de tout organisme officiel de coordination. Un laboratoire spécialement orienté vers ces recherches ne manquerait pas de jouer un rôle utile dans le rassemblement des travailleurs et la conjonction de leurs efforts.

 

 

 

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