Heim : Titres et travaux, 1932

Document disponible au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle,
63 rue Buffon 75005 Paris

Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 02 février 2006
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Titres et travaux scientifiques

 

de

 

Roger Heim

 

 

INTRODUCTION

C'est en 1920, en même temps que des obligations familiales m'incitaient à entrer à l'Ecole Centrale dont je venais de subir avec succès le concours d'entrée, que je pénétrai au laboratoire de Cryptogamie du Muséum grâce à l'appui du Dr Fernand CAMUS qui avait bien voulu s'intéresser à moi.

 

Depuis mon plus jeune âge attiré par les choses de la Nature, ayant senti tout enfant l'irrésistible vocation, j'avais alors abordé depuis plusieurs années déjà, par de nombreuses herborisations, l'étude de la flore française, commençant naturellement par celle des phanérogames, la continuant par celle des champignons.

 

Encouragé par M. le Professeur Louis MANGIN, je vins durant les quelques moments que mes études à l'Ecole Centrale me laissaient de libres, me documenter auprès des livres et des collections du laboratoire. J'eus alors l'exceptionnelle fortune d'y rencontrer le regretté N. PATOUILLARD, le maître incontesté de la Mycologie contemporaine, dont je devins l'élève et l'ami.

 

Les encouragements qu'il me prodigua, l'affection qu'il voulut bien me témoigner ne furent pas sans influer sur ma décision de renoncer définitivement à la carrière industrielle lorsque j'obtins mon diplôme d'Ingénieur des Arts et Manufactures et malgré les situations qui s'offraient à moi du côté de l'industrie chimique.

 

Peu de temps après (1923), j'étais nommé conservateur de l'Institut botanique alpin du Lautaret, rattaché à la Faculté des Sciences de Grenoble et dirigé par le regretté Professeur Marcel MIRANDE qui me réserva le plus amical accueil.

 

Au cours de mes voyages successifs au Lautaret et dans les Alpes du Dauphiné je découvris une végétation mycologique très riche et peu connue qui m'apportait matière à des recherches de longue baleine.

 

Bientôt après, j'obtins la licence de sciences naturelles, en même temps qu'appelé sous les drapeaux après un sursis de cinq années, je me fis détacher au titre de chimiste militaire au laboratoire de Chimie organique du regretté Professeur L. J. SIMON, au Muséum d'Histoire Naturelle, où je m'occupai d'une méthode de dosage volumétrique du carbone chez les substances organiques privées d'azote, à l'aide de la combustion par le mélange sulfo-chromique.

 

A la mort du Professeur SIMON, j'allai terminer mon service militaire au laboratoire de Chimie biologique du Professeur Gabriel BERTRAND : de mon séjour auprès de l'éminent chimiste de l'Institut Pasteur, mon instruction générale devait tirer un grand profit.

 

Durant les cinq années qui s'écoulèrent entre mon entrée à l'Ecole Centrale et ma libération, je reçus presque journellement les leçons du maître vénéré, N. PATOUILLARD, qui m'initia à l'étude des champignons exotiques et eut sur mon éducation scientifique une influence essentielle.

 

A la mort de PATOUILLARD, survenue en mars 1926, M. le Professeur MANGIN voulut bien m'appeler auprès de lui comme préparateur. Je devais trouver aux côtés de ce maître un appui extrêmement précieux, une bienveillante et constante sympathie qui facilitèrent grandement ma tâche.

 

Je m'employai tout d'abord à terminer la rédaction et à assurer la publication de plusieurs notes de mycologie exotique que PATOUILLARD avaient laissées inachevées. Je me décidai en même temps à m'efforcer de poursuivre l'oeuvre qu'il avait entreprise, d'autant que la disparition de PATOUILLARD, après celle de BOUDIER, pouvait faire craindre que la tradition de l'Ecole mycologique de Paris, où s'illustrèrent précédemment LEVEILLÉ et les frères TULASNE, allait s'éteindre.

 

Bientôt après, dans le but de combler une lacune de la bibliographie mondiale, je fondai avec la collaboration de mes collègues Pierre ALLORGE, POTIER de la VARDE, HAMEL et ZAHLBRUCKNER, une publication trimestrielle à caractère international, les Annales de Cryptogamie exotique, dont j'assume actuellement la direction, et qui entre dans sa cinquième année d'existence, suivant, malgré les difficultés économiques de l'heure, une progression favorable.

 

En même temps mes conceptions sur la systématique, et l'anatomie générales des Agarics, sur la biologie de l'espèce, se précisaient. Je songeai à tirer de ces études un travail d'ensemble dans le cadre duquel les idées que je m'étais faites sur les limites de l'espèce, sur les affinités génériques, sur la phylogénie des Basidiomycètes, trouveraient à se préciser et à se placer. En d'autres termes, j'avais le désir de travailler à un premier ouvrage qui clôturerait mes travaux et mes conceptions de jeunesse.

 

J'abordai ainsi l'étude d'un genre d'Agarics à spores ocracées, le genre Inocybe, dont la difficulté avait rebuté bien des mycologues, et qui m'attirait par l'isomorphisme et le polymorphisme, remarquables de ses représentants. Cette étude me réserva la chance de voir se confirmer certaines idées personnelles sur la variation des caractères et leur subordination. Il en résulta la publication de l'ouvrage qui constituait ma thèse de doctorat et auquel furent décernées, à la Faculté des Sciences de Paris, la mention très honorable et les félicitations du jury.

 

La plus grande partie de ce livre est constituée par un essai monographique sur le genre Inocybe. Des indications précises concernant leurs caractères macroscopiques et microscopiques, accompagnées de 120 dessins au trait et de 35 planches en couleurs, sont complétées par des remarques critiques de divers ordres.

 

Le groupement des espèces, la mise en évidence de leurs affinités, sont établis en partant de considérations toutes personnelles. Je me suis efforcé de rechercher et de noter les variations des caractères et leurs amplitudes, et cette compréhension dynamique de certaines particularités physionomiques ou anatomiques m'a conduit à réduire de nombreuses espèces au rang de simples variétés ou de formes, et à ressusciter la notion de stirpe, échelon d'ordre supérieur à l'espèce, pouvant être superposé à l'espèce ancestrale, et qui tire sa valeur de la ressemblance des formes qui le composent en tant que cette ressemblance est l'indice d'une filiation qui, en général, a cessé actuellement d'exister.

 

Dans la distinction des sections, stirpes et espèces, j'ai insisté sur le caractère olfactif de la chair dont j'ai montré, dans le cas des odeurs d'huiles essentielles, qu'il était lié à l'existence d'un réseau dense de filaments lactifères et à celle d'oxydases énergiques.

 

Ainsi s'est dégagé un quadruple caractère, d'ordre à la fois anatomique, chimique, olfactif et biochimique, sur lequel se sont édifiés les fondements de la classification du genre Inocybe telle que je l'ai proposée, et notamment la mise en évidence d'une première section — les Lactiferae — comprenant des espèces à odeurs de fruits, de fleurs ou de muscs, qui s'est révélée naturelle, et dont les représentants étaient jusqu'alors dispersés dans des groupes différents. Ainsi, le point de vue chimique m'a aidé utilement dans la recherche des affinités spécifiques.

 

C'est encore par l'étude du genre Inocybe que j'ai découvert deux relations qui, du point de vue de la biologie générale en même temps que de la systématique des Agarics, possèdent un intérêt non négligeable.

 

J'ai observé en effet que, parmi les Inocybes, certaines espèces, offrant sur leurs lamelles des organes stériles — les cystides — à membrane épaisse et réfringente, surmontés de cristaux d'oxalate de calcium, possèdent des spores à profil d'amande n'admettant qu'un seul plan longitudinal de symétrie. Au contraire, les Inocybes privés de cystides oxalifères présentent toujours des spores à profil dorsiventral en forme de rein, manifestant la tendance à l'existence de deux plans perpendiculaires de symétrie.

 

La corrélation est donc profonde et continue entre deux sortes d'organes qui jouent dans la physiologie des champignons une importance fondamentale, l'un (la spore) étant l'aboutissement des fonctions reproductrices, l'autre (la cystide.) symbolisant en partie l'activité nutritive dont le champignon est le siège.

 

Les autres observations concernent la variabilité du contour sporal chez les Inocybes. Ainsi, j'ai découvert l'existence de sporées hétérogènes, offrant des types différents de spores mûres correspondant à des paliers d'évolution distincts.

 

Je me suis efforcé de rechercher les causes qui peuvent présider à un tel polymorphisme : hybridations, existence de basides portant un nombre variable de spores, mutations ou novations.

 

J'ai été ainsi amené à admettre que la spore, chez les Inocybes, possède un certain état d'instabilité qui se traduit aisément par une modification de son contour dans une direction évolutive déterminée dont j'ai montré les diverses étapes, depuis le profil simplement oval jusqu'à celui qui se montre hérissé de bosses spiniformes en passant par les contours polygonaux ou à bosses obtuses.

 

Une autre partie de ma thèse comporte une mise au point personnelle de l'anatomie générale des Agarics. J'y ai passé successivement en revue les catégories de cellules dont l'ensemble constitue le champignon lui-même.

 

Des vues nouvelles sur les variations des basides, le rapport entre le volume de ces organes et celui des spores qu'ils portent, sur les téguments des spores et leur ornementation, sur les pores germinatifs, la découverte de ce premier stade incomplet de pore germinatif que j'ai appelé cal, sont présentées.

 

Un autre chapitre concerne la classification des Agarics à spores ocres dont je décris cinq coupures génériques nouvelles, dont trois appartenant à la flore malgache.

 

Je suis amené d'autre part à considérer que la série des Agarics à spores ocres se rattache aux Gastéromycètes, par l'intermédiaire des Cyttarophyllum et des Podaxés, de même que PATOUILLARD a montré que la série des Agarics à spores noires se rattache à d'autres Gastéromycètes par les Montagnites et Gyrophragmium, de même que, tout récemment, M. G. MALENÇON établissait la parenté certaine qui relie les Lactario-Russulés à certains basidiomycètes souterrains ou semi-épigés (Elasmomyces, Hydnangium, etc.).

 

Ainsi un argument nouveau a été apporté à cette conception, d'autre part soutenue par PATOUILLARD, BUCHOLTZ et MALENÇON, selon laquelle les Agarics, contrairement à l'opinion presque unanimement admise, comprennent, non pas un ensemble de formes de même origine, mais bien les aboutissements de séries de convergence, parallèles et indépendantes, respectivement reliées à des rameaux composés de champignons à réceptacle plus ou moins clos.

 

En somme, j'ai appuyé la théorie qui fait dériver les Agarics de diverses origines et non d'une souche unique.

 

Quoique poursuivant mes recherches sur les Agarics Ochrosporés, je n'abandonnais pas les autres groupes par lesquels j'avais commencé l'étude de la mycologie.

 

Attiré toujours par les Alpes, j'y entreprenais de nouveaux séjours et les observations que, seul ou en collaboration avec M. L. RÈMY, j'ai faites dans les Alpes briançonnaises de 1922 à 1929, ont commencé à faire l'objet d'une suite de notes groupées sous l'appellation de Fungi brigantiani.

 

J'apportais ainsi une contribution à l'étude des rouilles, des charbons, des pezizes et des agarics de ces régions alpines, décrivant plusieurs espèces nouvelles.

 

Je signalais qu'il existe une flore mycologique alpine supérieure de même qu'on connaît une flore vasculaire et lichénique nivale.

 

Enfin, je précisais les caractères biologiques des champignons parasites dans les étages alpin et nival, montrant la prédominance à ces altitudes d'Urédinées à cycle raccourci et donnant de ces particularités des explications découlant des caractères du climat local.

 

D'autre part, je poursuivais l'étude des champignons exotiques grâce aux nombreux envois reçus au Muséum, provenant d'Indo-Chine, du Venezuela, du Sahara, du Congo, de la Guinée, de l'Afrique occidentale et équatoriale, des Iles australes, de l'Equateur, de la Mozambique, et surtout de Madagascar.

 

Indépendamment de plusieurs notes publiées à ce sujet, je me suis voué plus particulièrement depuis quelque temps à l'étude spéciale de la flore mycologique malgache, et j'espère publier dans quelques années un prodrome à une flore mycologique de cette colonie.

 

Je publiais en outre une note sur une maladie grave du manioc à Madagascar causée par un polypore, le Phaeolus manihotis Heim.

 

En étudiant les champignons recueillis au Hoggar et sur les bords du Niger par la mission Augiéras-Draper — récoltes dont l'étude m'avait été confiée, — je découvrais le mécanisme de la sporulation chez les Podaxon, dont les basides peuvent se transformer directement en spores géantes.

 

Une collaboration étroite et amicale avec M. Georges MALENÇON, qui avait hérité en même temps que moi des conseils et de la tradition de PATOUILLARD, commençait en même temps à porter ses fruits.

 

Ensemble nous publiions un travail sur la flore mycologique du Tonkin, et nous en rédigeons actuellement un autre sur celle du Portugal dont nous avons exploré tous deux, en 1931, la province du sud.

 

Avec M. le Dr OFFNER, nous étudiions, d'autre part (1924-1927), au triple point de vue systématique, biologique et géographique, le pleurote des Ombellifères, Agaric faisant l'objet d'un commerce assez important dans plusieurs régions de l'Europe occidentale et méridionale ainsi qu'en Afrique du Nord.

 

Nous établissions la valeur et la répartition des formes biologiques de ce pleurote, venant sur les souches décomposées ou languissantes de diverses espèces d'Ombellifères, et que nous fixions au nombre de trois : l'une méditerranéenne, l'autre subalpine, la troisième méditerranéenne-atlantique.

 

Enfin, plus récemment, en collaboration avec M. Jacques DUCHÉ nous abordions, au double point de vue systématique et pédologique, l'étude de la microflore du sol, domaine négligé des auteurs français, et qui, en Amérique et en Russie, a fait l'objet de nombreuses publications.

 

Un premier travail concerne la microflore des sables littoraux atlantiques à partir desquels diverses espèces, dont trois nouvelles pour la science, ont été isolées.

 

En même temps, nous étudiions l'action de ces organismes sur la cellulose et sur les nitrates.

 

Il en résulte, d'une part, que le sable des dunes littorales, depuis le Cotentin jusqu'au sud du Portugal, constitue, malgré la température très élevée qui y règne en été, un milieu mycologiquement vivant, et, d'autre part, que les champignons anaérobies isolés possèdent ou conservent, malgré la pauvreté du milieu sableux en substances mimiques, des propriétés biochimiques très nettes.

 

Des essais, actuellement en cours, vont élargir dans une direction expérimentale et physiologique, nos premières observations à ce propos.

 

Signalons enfin que plusieurs notes isolées traitent de toxicologie chez les champignons supérieurs et de pathologie végétale : mises au point, accompagnées de photographies et de dessins, des maladies cryptogamiques des œillets de celles des rosiers, des pourridiés, des maladies bactériennes des plantes coloniales, des rouilles des anémones, de la mérule, de la maladie hollandaise des ormes (due au Graphium Ulmi), etc.

 

J'apportais, en outre, ma collaboration régulière à la Commission d'études des ennemis des arbres, des bois abattus et des bois mis en œuvre, qui fonctionne régulièrement au Ministère de l'Agriculture sous l'active direction de M. le Professeur MANGIN.

 

Mais si dix années de recherches et de publications m'avaient conduit à défendre quelques idées personnelles, j'avais hâte de les ordonner dans un cadre didactique. Ainsi ai-je été amené à faire au Muséum une série de dix conférences sur les bases anatomiques d'une classification des Agaricacés. J'y ai développé et complété les données que j'avais exposées dans ma thèse de doctorat et passé en revue avec détails les divers éléments histologiques dont les Agarics sont constitués. Ces leçons feront ultérieurement l'objet d'une publication.

 

Enfin, à côté des recherches purement scientifiques, dont le but est la découverte de faits nouveaux et leur publication, j'ai apporté au laboratoire de cryptogamie la collaboration effective que mes fonctions successives de préparateur et d'assistant m'imposaient. Cette collaboration, indépendamment du soin de veiller à la conservation des herbiers mycologiques, à leur enrichissement, et au dépouillement des matériaux reçus, des colonies principalement, s'est employée notamment dans les deux ordres d'activité suivants :

 

1° Par des excursions mycologiques, publiques ou à petit comité, qui ont eu lieu surtout dans la région parisienne ; elles ont aidé à la formation d'un groupe actif d'amateurs qui les suivent régulièrement et qui contribuent à la vitalité du laboratoire qui les accueille avec sympathie.

 

2° Par des expositions mycologiques publiques, annuelles ou bisannuelles. Le succès de ces expositions est considérable puisqu'elles attirent chaque fois plusieurs milliers d'amateurs.

 

Voici, résumées brièvement, les diverses questions auxquelles, depuis 1919, mes occupations botaniques se sont attachées. Mon activité a été tellement absorbée dans le cadre du laboratoire où ma vie scientifique s'est jusqu'ici déroulée, qu'il semblera naturel que tout ce qui touche l'avenir de cette chaire ne puisse me laisser indifférent.





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