Genebaut : Acide azothydrique
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Thèse présentée à la faculté des sciences de l’Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur ès sciences physiques

par



Henri GUENEBAUT

RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR L’ACIDE AZOTHYDRIQUE ET L’HYDRAZINE . CONTRIBUTION A L’ETUDE DE MA MOLECULE NH



soutenue le 28 avril 1959

devant la commission d’examen :

P. Laffitte, président
R. Freymann, G. Pannetier, examinateurs




INTRODUCTION GENERALE


En raison de leur nature endothermique l'acide azothydrique et l'hydrazine possèdent en phase gazeuse une instabilité très marquée; leur décomposition par suite aisément amorcée et certaines de leurs réactions, s'accompagnent très souvent en outre d'un rayonnement jaune caractéristique dont l'étude physicochimique et plus particulièrement spectroscopique est à l'origine des recherches que nous avons effectuées.


Les premières observations spectroscopiques nous ont amenés à étudier, parallèlement à l'acide azothydrique normal N3H, le composé lourd correspondant N3D; les effets isqtopiques engendrés spectroscopiquement par la présence du deutérium dans les réactions chimiluminescentes réalisées à partir de l'acide azothydrique, nous conduiront en effet à d'importantes conclusions.


Notre exposé a été divisé en trois parties :


A. Dans la première nous envisageons les caractéristiques détaillées des différentes techniques expérimentales que nous avons été amenés à réaliser.


Pour éviter certaines répétitions, mettre clairement en évidence les raisons qui nous ont conduits successivement à chacun de ces processus et la dépendance étroite qui existe souvent entre eux, nous avons en effet jugé préférable d'en grouper la description en une même partie.


a) Après un exposé relativement bref sur les méthodes de préparation de l'acide azothydrique normal et lourd et de l'hydrazine, que nous avons utilisées, nous abordons en premier lieu sous l'angle des techniques expérimentales, l'étude de la décomposition explosive chimiluminescente, réalisée en vase clos et sous l'influence de l'étincelle électrique, des trois composés précédents.


Les montages réalisés à cet égard ont tout d'abord été conçus pour permettre l'étude systématique du phénomène en fonction de la pression, de la présence éventuelle de gaz étrangers et, pour l'hydrazine seulement, de la température; la réalisation d'un dispositif d'entretien automatique d'une succession de plusieurs milliers de décompositions, nous a permis ensuite d'en envisager, dans des conditions convenables, l'analyse chimique et surtout spectroscopique.


b) Nous nous intéressons ensuite à la flamme de décomposition stationnaire, à pression constante égale à une atmosphère, de l'hydrazine plus ou moins hydratée.


Des brûleurs mis au point au laboratoire sont utilisés pour effectuer l'étude spectroscopique de cette flamme et l'analyse chimique des produits en résultant.


c) Enfin, un dernier chapitre est consacré à l'examen des dispositifs expérimentaux relatifs aux flammes atomiques d'acide azothydrique et d'hydrazine.


Ces composés présentent en effet la propriété de réagir en phase gazeuse et dans les conditions expérimentales que nous précisons (très faible pression, régime dynamique, rapide... etc.), avec certains atomes libres tels que O, N, H..., etc. et les produits de dissociation de l'eau, en donnant lieu à des phénomènes luminescents quelquefois très intenses et très étalés ; notre dispositif expérimental est plus particulièrement conçu pour leur étude spectroscopique d'émission.


A ce point de vue, les flammes atomiques présentaient en effet tous les avantages propres aux phénomènes réalisés sous très faible pression gazeuse et résultant d'une augmentation considérable du libre parcours moyen : les atomes ou radicaux libres susceptibles d'être formés intermédiairement au cours de ces réactions par effet thermique, chimique ou par collision, sont ainsi détruits beaucoup moins facilement par choc — processus normal de disparition de ces espèces instables — et bénéficient d'une augmentation sensible de leur durée de vie moyenne ; pour celles d'entre elles qui sont formées dans un état excité, la probabilité de pouvoir rayonner pendant leur brève existence et d'être ainsi détectées par simple spectroscopie d'émission est alors beaucoup plus grande.


Vis-à-vis de nos recherches spectroscopiques, sur l'acide azothydrique en particulier, par l'intermédiaire du phénomène de décomposition explosive et de sa technique d'enregistrement automatique intermittent, elles constituaient en outre un phénomène à émission continue à partir duquel on pouvait espérer bénéficier d'une luminosité efficace beaucoup plus grande et réaliser des spectres dans des conditions expérimentales plus favorables à l'analyse éventuelle des structures rotationnelles.


L'utilisation du deutérium comme traceur, sous forme combinée — à l'état d'acide azothydrique lourd ou de produit de dissociation de l'eau lourde — ou sous forme libre, semblait également pouvoir être envisagée avec facilité en cas d'existence des flammes atomiques N3H/H2O diss., et N3H/H.


B. La seconde partie de notre travail est consacrée à l'exposé des résultats expérimentaux.


a) La décomposition explosive et chimiluminescente de l'acide azothydrique normal ou lourd et l'hydrazine est caractérisée par un seuil inférieur de pression à partir duquel le phénomène, après amorçage en un point, se propage de lui-même dans toute la masse gazeuse.


Pour l'ensemble des recherches — sur les flammes atomiques notamment — que nous nous proposions d'effectuer à partir de ces composés particulièrement instables, la connaissance précise de ce seuil présentait une grande importance car le maintien des expériences dans des conditions totales de sécurité en dépendait.


Il était non moins intéressant pour une utilisation quelconque des composés précédents ou leur préparation de savoir dans quelles conditions de pression et de température on pouvait, grâce à un inhibiteur approprié, les entraîner sans danger à l'état de vapeur; à titre d'exemple, la plupart des méthodes signalées dans la littérature pour déshydrater l'hydrate d'hydrazine étaient basées sur la distillation après digestion de mélanges de soude, potasse ou oxydes alcalino-terreux avec l'hydrate, généralement sous atmosphère d'azote ou d'hydrogène et une pression n'excédant par une demi-atmosphère ; avant d'envisager la transposition de ces techniques au stade industriel, il était essentiel de connaître si les phases gazeuses qu'elles mettaient en jeu permettaient d'en assurer une évolution stable et régulière. L'intérêt de cette recherche des inhibiteurs était encore accru par la contribution théorique qu'il était susceptible d'apporter à l'étude des mécanismes de décomposition.


Il convenait donc dans un premier chapitre, de caractériser la valeur du seuil inférieur de décomposition explosive, pour les composés N3H (ou N3D) et N2H4 purs ou mélangés à certains gaz tels que l'argon, l'azote, l'hydrogène et le butane; l'expérience montre que ces derniers sont capables d'élever considérablement la valeur du seuil de décomposition des composés purs et, tels qu'ils viennent d'être cités, sont classés par ordre de pouvoir inhibiteur croissant.


Les essais sont alors effectués à toutes pressions inférieures à la pression atmosphérique et permettent de caractériser à l'aide de diagrammes, quelques domaines de stabilité des composés azotés considérés ; ces domaines de stabilité ne s'avèrent pas particulièrement sensibles au facteur température dont l'influence sur la pression limite inférieure d'autodécomposition de l'hydrazine est cependant envisagée en détail à des températures n'excédant pas 100 °C.


Nous mettons enfin à profit notre technique expérimentale pour des recherches analogues sur le bioxyde de chlore et l'azoture de chlore.


b) L'analyse chimique des produits résultant de la flamme de décomposition stationnaire de l'hydrate d'hydrazine que nous présentons ensuite, confirme le schéma théorique


N2H4 → NH3 + 1/2 Na + 1/2 H2.


Au cours de la décomposition en vase clos de l'hydrazine anhydre, la formation d'ammoniac est beaucoup moins importante et dépend étroitement des conditions expérimentales (caractéristiques d'amorçage, de la chambre à explosion.,., etc.).


c) Nos analyses concernant les produits, souvent extrêmement instables, résultant des flammes atomiques sont beaucoup plus superficielles que les précédentes ; il nous a semblé par suite préférable d'en exposer les résultats au fur et à mesure de l'étude purement descriptive des phénomènes correspondants.


Au cours de cette étude, nous mettons pour la première fois en évidence l'existence des flammes atomiques d'acide azothydrique avec l'hydrogène, l'oxygène, l'azote atomiques et les produits de dissociation de l'eau ; nous analysons en détail la réaction de l'acide azothydrique avec l'hydrogène atomique ; cette réaction entraîne une dissociation complète de la molécule N3H et conduit à un mélange gazeux final stable composé uniquement d'azote et d'hydrogène ce qui en facilite beaucoup l'étude expérimentale.


Nous complétons également, par des expériences sur l'hydrate d'hydrazine, les données expérimentales antérieures relatives à ce composé anhydre.


d) D'une manière générale, les spectres d'émission obtenus à partir des différents phénomènes chimiluminescents que nous étudions au cours de ce travail correspondent à l'émission des radicaux NH et NH2 excités à des niveaux électroniques et vibrationnels variables suivant les expériences.


Tous ces spectres présentent ainsi entre eux et avec le spectre de la flamme de combustion de l'ammoniac dans l'oxygène que nous utilisons éventuellement à titre de comparaison, un grand nombre de caractéristiques communes.


Pour simplifier notre exposé et mettre d'autre part plus nettement en évidence les émissions nouvelles ou les variations d'intensité susceptibles d'être observées à partir des conditions expérimentales diverses que nous utilisons, nous réunissons en un dernier et important chapitre de cette deuxième partie l'ensemble de nos observations spectroscopiques.


Nous envisageons tout d'abord les spectres de décomposition explosive et de flamme atomique (avec l'hydrogène atomique seulement) de l'acide azothydrique normal et lourd.


Ces spectres sont en effet les plus fertiles en données expérimentales nouvelles; ils se caractérisent par une émission intense des radicaux NH et ND respectivement et permettent la mise en évidence de nouvelles bandes de vibration aux environs de 3 100 Ǻ et 3 600 Ǻ principalement ; l'utilisation du deutérium comme traceur dans la flamme atomique N3H/H, entraîne deux remarques importantes concernant l'intensité relative des émissions correspondantes des radicaux NH et ND.


Les spectres d'hydrazine obtenus à partir des phénomènes correspondants et de la flamme de décomposition stationnaire sont beaucoup moins intéressants et n'apportent aucune donnée réellement nouvelle ; ils sont caractérisés par une forte émission du radical NH4 à partir de 4 200 Ǻ et l'on peut cependant considérer avec intérêt les conclusions que leur étude permet d'énoncer dans la troisième partie de notre exposé relativement à l'identification du radical triatomique NH2 et à l'élaboration des processus réactionnels.


C. L'interprétation pratique et théorique des résultats expérimentaux précédents fait l'objet de notre troisième partie.


a) En application pratique directe de notre étude sur les conditions limites inférieures de stabilité de la vapeur d'hydrazine et en considération des dangers que semblent présenter certaines techniques de préparation de ce composé à l'état anhydre alors préconisées dans la littérature, nous sommes amenés à proposer dans un premier chapitre une nouvelle méthode permettant de déshydrater une hydrazine hydratée dans des conditions parfaites de sécurité pour l'opérateur.


Sa mise en pratique a été étudiée à notre laboratoire par G. PANNETIER, R. de HARTOULARY et J. GUENOT, nous en signalons un bref aperçu et nous en discutons les avantages et les inconvénients.


b) Les nouvelles bandes de vibration, mises en évidence au cours des recherches spectroscopiques sur N3H possèdent une structure rotationnelle très apparente et l'on peut par suite les attribuer avec une grande probabilité à un ou plusieurs émetteurs diatomiques.


Dans ce second chapitre, le plus important de cette dernière partie, nous nous intéressons tout d'abord à l'identification de ces nouvelles bandes c'est-à-dire à la caractérisation de leur émetteur (NH ou ND) puis de la transition électronique (P — 3S) et vibrationnelle auxquelles chacune d'elles correspond ; nous abordons ensuite l'examen des différents problèmes spectroscopiques qu'il devient possible d'envisager à partir de ces premières conclusions expérimentales; analyse vibrationelle et éventuellement rotationelle, détermination des valeurs purement expérimentales, de la constante de déplacement isotopique r permettant de préciser la position spectrale relative des bandes de NH et ND, des énergies de dissociation et de la séparation énergétique des états singulets et triplets des molécules diatomiques mises en jeu.


La comparaison de ces résultats expérimentaux avec les données théoriques est envisagée aussi fréquemment que possible; elle constitue le cas échéant, une excellente confirmation de notre classification vibrationnelle et nous permet éventuellement de discuter certaines hypothèses avancées sur des bases purement théoriques.


c) Tous les spectres d'acide azothydrique et d'hydrazine auxquels nous nous sommes intéressés jusqu'ici, présentent de 4 000 Ǻ à la limite de sensibilité des plaques utilisées, un système de bandes diffuses à structure très complexe, semblable aux «bandes a» de l'ammoniac ; son identification avec l'émission du radical triatomique NH2, préconisée depuis longtemps sur des bases hypothétiques, fait encore actuellement l'objet de controverses expérimentales et théoriques.


Récemment, certains auteurs préconisaient notamment, la participation de plusieurs molécules à l'émission de ce système.


En nous basant sur la comparaison mutuelle de l'ensemble de nos enregistrements spectroscopiques et du spectre de combustion de l'ammoniac dans l'oxygène, nous sommes amenés à rapprocher le système considéré d'un seul et même émetteur non diatomique qui ne peut pas être le radical NH ni l'une des molécules NH3, N3H ou N2H4 et à renforcer considérablement la probabilité en faveur du radical NH2.


Cette étude sur le radical NH2 est introduite dans un nouveau chapitre, en même temps que des considérations du même ordre sur l'identification expérimentale des émetteurs des bandes attribuées actuellement aux oxydes ou aux hydroxydes de certains métaux du groupe II et plus particulièrement du magnésium.


Il nous a en effet semblé intéressant de présenter ici des recherches auxquelles la collaboration du Docteur A. G. GAYDON de l'Impérial Collège de Londres nous a permis de participer.


d) Les données expérimentales qu'il nous est possible de réunir à ce stade de notre exposé, nous permettent d'aborder dans un dernier chapitre, l'étude plus ou moins détaillée des mécanismes, responsables des principaux phénomènes considérés.


Avec l'acide azothydrique notre raisonnement est basé principalement sur les observations spectroscopiques.


Il en ressort que la phase primaire de la décomposition de la molécule N3H consiste en une dissociation en NH* et N2.


L'interprétation des deux observations expérimentales déduites de l'utilisation du deutérium comme traceur dans la réaction N3H + H permet d'autre part de supposer que dans ce dernier phénomène la décomposition thermique primaire de l'acide azothydrique intervient avant toute réaction directe avec l'hydrogène atomique : cette hypothèse pourrait être définitivement confirmée si l'état fondamental de la molécule N3H était un état triplet.


Des recherches spectroscopiques et de la détermination des limites inférieures d'autodécomposition, il semble résulter que la décomposition chimiluminescente de l'hydrazine est un phénomène principalement thermique, caractérisé par une dissociation primaire prépondérante, en molécules NH2.


Des considérations sur l'intervention des réactions de cracking de l'ammoniac nous amènent à préconiser un processus fondamental de décomposition en ammoniac et azote uniquement.








MOTS CLEFS : acide / ammoniac / atomique / azote / azothydrique / caractéristique / chimiluminescent / chimique / composé / condition / décomposition / dissociation / étude / expérimental / hydrazine / hydrogène / identification / inhibiteur / limite / molécule / N3H / NH / NH2 / phénomène / pression / processus / radical / réaction / recherche / résultats / seuil / spectre / spectroscopie / technique / température / théorie






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