Quillet : Recherches biochimiques et physiologiques sur les mucilages des champignons supérieurs
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 30 mai 2006
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Thèse présentée à la faculté des sciences de l’Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur ès sciences naturelles

par



Marcel QUILLET

RECHERCHES BIOCHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LES MUCILAGES DES CHAMPIGNONS SUPERIEURS



soutenue en 1942

devant la commission d’examen :

Combes, président
Plantefol, Aubel, examinateurs




INTRODUCTION


1. — PRESENCE DE MUCILAGES DANS LE GROUPE DES EUMYCETES


Ce n'est pas une nouveauté de signaler la présence de matières mucilagineuses dans les thalles des Champignons supérieurs ; on les a remarquées, sans nul doute, dès que l'on s'est penché vers ces végétaux.


Dans les flores, on trouve plusieurs espèces mentionnées comme «gélatineuses» : la consistance molle et tremblotante des carpophores, l'intérieur du thalle, corné par temps sec, mais rempli tout entier, sous la pluie, d'une gelée plus ou moins visqueuse, ne pouvaient manquer d'attirer l'attention du mycologue ou même du simple amateur.


Ainsi, certains DISCOMYCÈTES : Bulgaria inquinans Fr. ; Leotia lubrica, etc.


Ainsi, parmi les BASIDIOMYCÈTES :


Les Auriculariacées : Auricularia mesenterica Fr. ; Hirneola auricula judae, Fr. ; Berk, etc.


Les Tremellacées : Tremella mesenterica, Fr. ; T. lutescens, Fr. ; T. foliacea, Fr. ; etc. ; Guepinia helvelloides, Fr. ; Exidia glandulosa, Fr. ; E. truncata, Fr. ; Tremellodon gelatinosum Pers.


Certaines Caloceracées : Dacryomyces deliquescens Duby ; D. stillatus, Fr., etc. ; Calocera viscosa, Fr.


etc., pour ne citer que les espèces les plus communes en France.


Mais beaucoup plus nombreux sont les Champignons dont une partie seulement tend à se gélifier.


Pour certains BASIDIOMYCÈTES ANGIOCARPES (Gasteromycètes), c'est la partie moyenne de l'exoperidium qui, dès le plus jeune âge, se fourre d'une couche plus ou moins épaisse de matière translucide capable de se gonfler beaucoup à l'eau.


Ainsi, parmi les Phallacées :

Ithyphallus impudicus, Fr. ; Mutinus caninus, Fr., etc.


Parmi les Clathracées :

Clathrus cancellatus Tour. ; Colus Hirudinosus Cav., etc.


Parmi les Sclerodermatacées :

Astraeus (Geastrum) hygrometricum Pers. (d'après DE BARY).


Parfois, ce sont les parois des logettes hyméniales qui se gélifient:


Ainsi, d'après DE BARY : Hysterangium clathroides Vitt. ; Nidularia Fr. ; Cyathus Hull. ; les hyphes épais du capillitium de nombreux Sclérodermes.


Très fréquemment, chez les HYMÉNOMYCÈTES, c'est la couche épidermique du chapeau (plus rarement du pied), qui donne par temps humide du mucilage : on trouve des espèces «visqueuses» ou «glutineuses» dans de nombreuses familles indigènes.


Ainsi, particulièrement : parmi les Volvariées, les Cortinariées. surtout parmi les Russulacées, les Hygrophoracées, les Botelacées.


Parmi les espèces les plus communes en France, on relève dans la flore de MAUBLANC


chez les Amanitées : Amanita phalloïdes (Fr.) Quel. ; A. virosa (Fr.) Q. ; A. muscaria (Fr.) Quel.; A. pantherina (Fr.) Quel.


chez les Volvariées : Volvaria gliocephala (Fr.) Gill. ; Pluteus cervinus (Fr.) Quel.


chez les Strophariées : Stopharia semiglobata (Fr.) ; S. coronilla (Fr). Quel. ; S. aeruginosa (Fr.) Quel.


chez le Pholiotées : Flamula lenta (Fr.) Gill. ; F. carbonaria (Fr.) Quel. ; F. gummosa (Lasch.) Quel.


chez les Cortinariées : Cortinarius praestans (Cord.) Sacc. ; C. Collinitus (Fr.) ; C. mucosus (Fr.) et de nombreux cortinaires dont FRIES a fait les sections des «Phlegmatium» et des «Myxatium».


chez les Entolomées : Clitopiliis prunulus (Fr.) ; Entoloma clypeatum (Fr.) Quel.


chez les Collybiées : Collybia velutipes (Fr.) Quel.


chez les Tricholomées : Tricholoma portentosum (Fr.) Quel. ; T. équestre (Fr.) Quel. ; T. albobrunneum (Fr.) Quel ; T. flavobrunneum (Fr.) Quel. ; T. columbetta (Fr.) Quel.


chez les Russulacées : Lactarius deliciosus (Fr). ; L. controversus (Fr.) ; L. plumbeus (Fr.) et de nombreux lactaires que QUELET groupe dans la section des «Glutinosi». De nombreuses espèces de Russules que R. MAIRE groupe dans les sections des «Hétérophyllae», «Ingratae», «Fragiles», «Polychromœ», «Alutaceœ».


chez les Hygrophoracées : Hygrophorus cossus (Fr.) ; H. gliocyclus (Fr.) ; H. chrisodon (Fr.) , H. russula (Fr.) ; H. pudorinus (Fr.) ; H. olivnceoalbus (Fr.) ; etc.


chez les Paxillacées : Paxillus involutus (Fr.) ; Gonfidius viscosus (Fr.) ; G. glutinosus (Fr.) ; etc.


chez les Boletacées : Boletus luteus (Fr.) ; B. elegans (Fr.) ; B. viscidus (Fr.) ; B. granulatus (Fr.) ; B. bovinus (Fr.) ; B. variegatus (Fr.) ;B. badius (Fr.) ; etc.


Souvent, enfin, c'est la couche externe des spores qui gonfle dans l'eau.


Mais on aurait grand tort de penser que ces mucilages n'existent que là où ils se manifestent au premier coup d'œil ; en réalité, comme l'ont montré de nombreux chercheurs, ils imprègnent les membranes de presque toutes les espèces étudiées, et on les a trouvés, avec une abondance relative, dans les extraits à l'eau bouillante faiblement alcaline ou neutre, et parfois dans les produits de leur hydrolyse partielle.


Ils sont désignés sous des noms divers : viscosine, mycétide, dextrane ou paradextrane, fongose, callose, sans qu'il soit possible de dire toujours s'il s'agit des mêmes substances ou de substances très différentes.


On les a signalés chez Amanita phalloïdes, A. muscaria, Collybia velutipes (BOUDIER) ; chez Boletus edulis et Fomes betulinus (WINTERSTEIN) ; chez Claviceps purpurea, Polyporus officinalis, Psalliota campestris, etc... (TANRET) ; dans les membranes de plusieurs Champignons étudiés par MANGIN ou par ZELLNER et ses collaborateurs, etc.


Ces auteurs signalent la présence de polyholosides dans les espèces suivantes (dans l'ordre de leurs communications, et avec les dénominations utilisées) :


Hypholoma fasciculare ; Armillaria mellea ; Polyporus betulinus ; Lactarius scrobiculatus ; Hydnum ferruginosum ; Polyporus applanatus ; Lenzites saepiaria : Exidia auricula-judae ; Scleroderma vulgare ; Polyporus crassipes ; Lactarius rufus ; Lactarius pallidus ; Amanita muscaria ; Hydnum verspille ; Boletus cavipes ; Calocera viscosa ; Lentinus squamosus ; Ganoderma lucidum ; Hydnum imbricatum ; Cantharellus clavatus ; Polystictum velutinum.


Bref, des mucilages ont été trouvés dans presque toutes les familles et tous les genres ; et il est vraisemblable qu'il n'y a guère d'espèce qui n'en renferme sous une forme ou sous une autre.



2. — HISTORIQUE


Cependant, alors que dans la plupart des grands groupes des végétaux supérieurs de très nombreux travaux, parus dans les vingt dernières années, ont précisé quelque peu nos idées sur la nature des glucides colloïdaux issus de leurs membranes, on ne trouve que des indications sommaires, fragmentaires et souvent anciennes pour les Champignons.


E. BOUDIER (1886), est le premier qui ait fait autre chose que de signaler ces mucilages. Il chercha à les extraire par ébullition en milieu alcalin, puis à les caractériser par rapport à ce que l'on savait des matières pectiques et des gommes.


Il n'obtint pas l'acide pectique de FRÉMY par traitement à la potasse, mais distingua dans ses extraits deux sortes de polyholosides : la «viscosine», mal coagulée par le carbonate de plomb ou l'acétate neutre (se rapprochant à ce point de vue des gommes) ; et la «mycétide», plus aisément coagulable, plus visqueuse et plus hygroscopique.


E. WINTERSTEIN (1893) isola des membranes de Boletus edulis, par hydrolyse ménagée, en présence de 2,5 % d'acide sulfurique, un polyholoside non réducteur, précipitable par l'alcool, donnant uniquement du glucose à l'hydrolyse complète et qu'il appela «para-dextrane», puis de Polyporus betulinus, une «para-isodextrane», fortement dextrogyre ([a]D = + 240°) en épuisant le thalle par une liqueur alcaline. (6 % de soude). La paradextrane ne contient elle aussi que du glucose.


L. MANGIN, vers la même époque, ayant mis au point une méthode histochimique pour reconnaître les matières pectiques (rouge de ruthénium) et la callose (bleu coton), signala que ces substances étaient fréquentes dans les membranes.


Les matières pectiques existeraient d'après lui dans l’Agaric champêtre, le Bolet pourpre, la Chanterelle ; elles seraient associées à la callose chez certains Corticiés et chez les Coprins.


La callose, seule, aurait été trouvée chez les Champignons lignicoles : Polyporus, Daedalea, Trametes.


Pour les Ascomycètes, la callose serait seule chez les Pezizes et les Pyrenomycètes, elle serait parfois aussi associée à un mucilage d'allure pectique : dans Bulgaria inquinans, par exemple.


C. TANRET (1897), retira de Claviceps purpurea, Polyporus officinalis, Psalliota campestris, Boletus edulis, par décoction en milieu alcalin, un polyholoside livrant uniquement du glucose à l'hydrolyse et qu'il appela «fongose».


A. URLANDER et B. TOLLENS (1907) obtinrent, par simple cuisson en milieu aqueux de Bidgaria inquinans, un polyholoside du même genre ne donnant que du glucose à l'hydrolyse ; mais en traitant ensuite les membranes par 8 % d'acide sulfurique, pendant 10 heures d'ébullition, ils caractérisèrent dans les produits de désagrégation : le galactose, le mannose, du furfurol et du méthylfurfurol.


WICHERS et B. TOLLENS publièrent en 1910, en utilisant une méthode de dosage des pentoses par le furfurol mise récemment au point par LEFEVRE et TOLLENS, une liste de 15 espèces traitées par eux et la proportion de «pentosane» qu'ils pensaient avoir ainsi mis en évidence (de 2,5 à 5,5 % du poids sec, ordinairement).


J. ZELLNER et ses collaborateurs, analysèrent de 1904 à 1935 un grand nombre de Champignons, s'efforçant de déterminer les substances qu'ils en retiraient par des épuisements systématiques.


Ils s'intéressèrent surtout aux tannins, aux acides organiques, aux glucides à petite molécule, etc. ; et les mucilages ne sont qu'exceptionnellement étudiés dans les vingt-trois notes publiées ; cependant, on peut trouver des indications intéressantes concernant le mucilage entraîné par l'alcool de Boletus cavipes et les mucilages hydrosolubles de neuf autres espèces de Champignons.


Leurs résultats peuvent se résumer dans le tableau suivant :




Les glucides isolés sont ordinairement des polyholosides très résistants, dans lesquels le glucose et le mannose semblent l'élément pré-pondérant.


Du furfurol ou du méthylfurfurol, interprétés comme venant de pentoses, existent dans les hydrolysats.


Lenzites saeparia et Polyporus hispidus, n'ayant pas abandonné de mucilage dans les traitements aqueux, les membranes furent hydrolysées directement et livrèrent les mêmes sucres.


Si nous joignons à ces données, les observations de N. J. PROSKURIAKOV (1926), sur la présence dans les membranes de Polyporus betulinus et de Lactarius volemus, de glucides hydrolysables en glucose à côté de la chitine, nous aurons rassemblé tous les renseignements concernant les mucilages des Champignons supérieurs publiés à notre connaissance, à l'heure où nous faisions connaître les résultats de nos premières recherches sur Auricularia mesenterica et Ithyphallus impudicus, en 1931 et 1932. (H. COLIN et M. QUILLET).


C'est, on le voit, fort peu de chose ; surtout si l'on tient compte des critiques qui viennent aussitôt à l'esprit : C. Van WISSELINGH a montré que la prétendue réaction «caractéristique» de la callose était donnée aussi par la chitine si fréquente chez les Eumycètes ; et L. LUTZ, qu'une cellulose partiellement dégradée pouvait se colorer comme les matières pectiques par le rouge de ruthénium, il y a donc lieu de ne pas accepter sans contrôle les affirmations de MANGIN.


Les acides uroniques donnent du furfurol dans les conditions prévues par les expérimentateurs, il faut donc se demander aussi si les pentoses de WICHERS et TOLLENS ou de ZELLNER sont bien réels et s'il n'y a pas à leur place de ces noyaux uroniques ordinairement présents dans les mucilages des autres végétaux.


Ce qu'il y a de positif à retenir de cette littérature, c'est :


1°) La fréquence du glucose et du mannose comme élément dominant dans les mucilages extraits des membranes ou dans les membranes elles-mêmes.


2°) La constitution, sans doute assez variable, de ces substances qui se laissent extraire, se coagulent par les sels minéraux lourds et s'hydrolysent de façons fort diverses.


La polymérisation en molécules plus ou moins grosses n'est vraisemblablement pas la seule raison de ces différences.


Jamais aucun rendement, ni aucune marche d'hydrolyse ne nous assurent que les glucides identifiés soient les seuls que l'on puisse en retirer et tout porte à croire que nous n'avons que des renseignements très partiels.


Nous sommes évidemment loin des résultats très poussés obtenus au cours des dernières années dans le domaines des Plantes vasculaires et des Algues.


La comparaison n'est pas inutile :


C'est elle, tant l'indigence de nos renseignements apparaît ainsi criante, qui nous a conduit à nous intéresser aux Champignons. Ce furent ces résultats qui nous guidèrent aussi dans nos recherches.


Faute d'autres indications, il était naturel que nous nous inspirions des travaux effectués dans les domaines voisins, sur les matières analogues, issues elles aussi des membranes, et que l'on trouvait groupés sous les dénominations assez imprécises (interchangeables parfois dans les comptes-rendus) de pectines, d'hémicelluloses, de mucilages et de gommes.



3. — RÉSUMÉ DES RESULTATS RECENTS OBTENUS DANS QUELQUES GROUPES DE PLANTES VASCULAIRES ET CHEZ LES ALGUES


Les tissus des Plantes vasculaires et des Algues renferment de multiples substances, originaires de la membrane, que l'on peut extraire par simple ébullition en milieu aqueux : neutre ou faiblement alcalin


Tantôt elles PRÉEXISTAIENT au voisinage des parois à l'état de gel plus ou moins diffus et provenaient d'une hydrolyse partielle de certains des constituants des membranes :


d'une hydrolyse diastasique naturelle : ce sont les pectines et les mucilages divers,

d'une hydrolyse pathologique : les gommes.


Tantôt elles entraient à titre d'ÉLÉMENT INTÉGRANT dans la structure même de la paroi et y étaient associées à la cellulose ou à des produits très divers : telles sont les pectoses et les hémicelluloses.


Les Algues sont riches en substances de cette nature :


Les gaines mucilagineuses et les zooglées des Bactéries, des Algues unicellulaires et filamenteuses,


L'algine, la fucine et la fucoïdine des Algues brunes ; l'agar-agar et le carregahen des Floridées marines ; les mucilages divers des Floridées d'eau douées et des Algues bleues, constituèrent un matériel de choix pour les chercheurs.


Dans les plantes supérieures :


Les mucilages des cellules spécialisées de certaines Malvacées, de certaines Labiées, des tubercules d'Orchidées,


Les mucilages des parois de certaines graines : Lin, Plantain, Coing, Trigonelle, Choux, Passerage, de l'écorce d'Orme, l'hémicellulose des téguments de la graine d'Avoine, la gomme arabique, la gomme adragante, la gomme de cerisier, les pectoses de la racine de Betterave sucrière, de la tige de Lin, du Navet, de l'Oignon, les pectines de la pulpe ou de l'écorce de nombreux fruits : Fraise, Groseille, Orange, Citron, Pomme, etc., furent l'objet de recherches récentes, approfondies et fort instructives.


Certes, toutes ces matières sont loin d'être également connues.


Cependant, malgré la variété et la complexité de leur structure chimique, les innombrables travaux qu'elles ont suscités font ressortir entre elles un indiscutable air de famille ; une analogie et des termes de transition tels que l'embarras de certains auteurs modernes est parfois grand, lorsqu'ils s'efforcent de maintenir entre elles les distinctions de la classification courante, créées à une époque où la nature chimique de ces substances était encore en grande partie ignorée (G. KLEIN et A. G. NORMAN p. ex.).


Les liqueurs d'extraction aqueuse sont toutes des pseudo-solutions visqueuses, coagulables par les sels minéraux lourds, actives sur la lumière polarisée.


A l'analyse, les molécules se révèlent toutes comme des glucides complexes dont l'hydrolyse acide, assez pénible, livre ordinairement plusieurs sucres simples : surtout le galactose, l'arabinose, le mannose, le glucose ; et quelquefois le xylose, le rhamnose ou le fucose.


Mais l'unité de groupe n'est pas là principalement : il provient d'un glucide typique, toujours présent, dont l'importance et la généralité dans toutes ces substances n'a été découverte que récemment : l'acide uronique.


Cet acide (dérivé des «oses» par oxydation de la chaîne alcool primaire), constitue ordinairement un noyau résistant, non réducteur plus solide que le reste de la molécule, sur lequel sont greffés en étoile ou en chaînes linéaires plus ou moins longues, les sucres simples et les radicaux divers qu'une hydrolyse partielle a détachés d'abord.


Chimiquement (autant qu'on puisse le déduire d'études qui en sont encore à leurs débuts), malgré leur nombre et la proportion pondérale parfois considérable dans la molécule, les sucres mentionnés plus haut font donc un peu l'effet de satellites dépendants du noyau uronique, et les substances qui nous occupent nous apparaissent, avant tout, comme des «poly-uronides».


Ces noyaux se présentent d'ailleurs sous des aspects divers suivant les corps analysés :


Dans les matières pectiques, où ils ont été isolés pour la première fois par F. EHRLICH et ses collaborateurs, les acides uroniques formeraient d'après ces auteurs un noyau tétra-galacturonique, possédant quatre radicaux carboxyles libres et organisé en cycle fermé ; la chaîne pseudo-aldéhydique de l'un des acides se fixant sur un radical alcoolique du voisin. (EHRLICH et SOMMERFELD ; NANGI, PATON et LING. (Figure ci-dessous).




Deux carboxyles seraient salifiés par du calcium et du magné-sium, deux autres estérifiés par de l'alcool méthylique (Th. v. FALLEN-BERG).


Deux molécules d'acide acétique compléteraient l'ensemble (F. EHRLICH), pour constituer le «pectate calcomagnésien» mélangé dans l'hydrato-pectine à un arabino-holoside lévogyre.


Cet édifice complexe a été trouvé sous des formes comparables dans les produits les plus divers : pectines des tiges de Lin (EHRLICH et SCHUBERT, de l’Oignon, du Navet (NORRIS et SCHRYVERS), de la pulpe ou de l'écorce de nombreux fruits (EHRLICH et KOSMAHLY, BOWMANN et Mc. KIMUS).


Il a été longtemps considéré comme caractéristique des matières pectiques.


Cependant, les travaux plus récents de MARK et MEYER, et surtout de F.A. HENGLEIN et son école, tendent à montrer qu'en réalité le noyau tétra-uronique d'EHRLICH correspond à un produit profondément dégradé et son hydrato-pectine à un mélange.


Les matières pectiques seraient essentiellement constituées, d'après eux, par une très longue chaîne linéaire de «restes» galacturoniques (P. M. de l'ordre de 100.000), dont les carboxyles seraient partiellement estérifiés par de l'alcool méthylique.




Dans les mucilages, les hémi-celluloses et les gommes, le noyau uronique est de structure différente. Souvent aussi il est formé d'autres acides que l'acide galacturonique.


C'est l'acide glucuronique que l'on a retrouvé associé au glucose dans le mucilage de certaines bactéries : Diplococcus pneumoniae, p. ex. (B. WALTHER et F. GŒBEL).


C'est l'acide mannuronique dans l'algine des algues brunes ; le noyau paraît être un acide poly-uronique linéaire et il semble bien démontré qu'il ne contient pas d'autre glucide dans sa molécule (P. M. 15.000) P. RICARD ; NELSON et CRETCHER ; BIRD et HAAS ; SCHŒFFEL et K. P. LINK.; KRINGSTAD et G. LUNDE ; HEEN (E.).


Dans de nombreuses plantes supérieures, l'acide uronique semble s'unir à une molécule de sucre simple pour former le noyau résistant dit «aldo-bionique», sur lequel se greffent en longues chaînes linéaires les sucres existant dans la molécule et plus faciles à détacher par l'hydrolyse.


Dans le mucilage de la graine de Lin, le noyau aldo-bionique est constitué par le binôme rhamnose-ac. galacturonique et le reste de la molécule par du galactose, de l'arabinose, et de l'alcool méthylique (ANDERSON et CROWDER).


Les mucilages de la graine de Plantago psyllium, de Cydonia vulgaris semblent avoir une constitution analogue (ANDERSON et FIREMAN ; RENFREW et CRETCHER) ; de même le mucilage tiré d'Opuntia (SAND et KLASS).


C'est le même groupement : rhamnose-ac. galacturonique que l'on trouve encore dans l'écorce d’Ilmus fulva, mais joint au galactose et au rhamnose (ANDERSON).


Dans les téguments de l'avoine et dans la gomme arabique (due comme on le sait à une sécrétion pathologique de la membrane tissulaire de certaines Papillonacées exotiques), c'est un groupement un peu différent, mais de même forme : le binôme aldo-bionique : galactose-ac. glucuronique que l'on a mis en évidence.


Il est associé au xylose et à l'arabinose dans le mucilage de l'avoine


Cependant, dans la gomme, apparemment toute voisine de l’Astragale (NORMAN), on trouve un noyau hexauronique ; et dans la gomme de cerisier (BUTLER et CRETCHER), un noyau di-galacturonique sur lequel se greffent en une longue file : 3 molécules de mannose, 6 molécules de xylose et 8 molécules d'arabinose, etc.


Cette simple énumération montre, si les indications sont exactes, à quelle variété de formes et de nature, il faut s'attendre dans la constitution de ces noyaux uroniques.


Certes, il faut bien se garder de traiter trop facilement ces milieux biologiques colloïdaux très complexes, très difficiles à démêler et à purifier, comme si l'on avait affaire à quelque principe immédiat, cristallisé, de la chimie théorique ; d'établir prématurément des formules de constitution, ou de croire trop vite que les produits catalogués au sortir de l'hydrolyse appartiennent à un composé unique, alors qu'il s'agit peut-être dans la nature d'un véritable mélange, comme l'avait fait très justement remarquer H. COUN dès 1936, à propos des pectines de Betterave (H. COLIN et A. CHAUDUN).


Il est donc bien probable que ces premiers résultats auront à subir dans l'avenir de multiples retouches.


Cependant, si l'on se rappelle qu'il y a vingt-cinq ans, on ne connaissait guère que les sucres simples extraits des produits que nous venons de passer en revue, en dépit des lacunes et des erreurs inévitables, il nous est permis de constater les progrès considérables effectués dans le domaine des Plantes vasculaires et des Algues.


Pour les Champignons, nous en sommes à peu près au stade où nous nous trouvions pour les autres groupes, avant les travaux d'EHRLICH : en présence d'indications partielles sur les sucres, ignorant tout des matières uroniques, et de la structure d'ensemble des mucilages.



4. — DIFFICULTÉ ET INTERET DE L'ETUDE DES MUCILAGES DES CHAMPIGNONS.— PLAN DE L'EXPOSÉ DE NOS RECHERCHES


Certes, on imagine aisément les raisons de ce retard : il n'était que trop naturel, pour essayer de voir un peu clair dans la composition chimique des glucides colloïdaux complexes, issus de la membrane, de s'adresser d'abord pour les étudier, aux végétaux susceptibles de fournir un matériel abondant et facile à extraire.


Or, les mucilages de Champignons ne présentent aucun de ces avantages.


S'il est relativement facile de recueillir quelques exemplaires d'une espèce qu'on désire décrire ou caractériser, il est souvent presque impossible d'en amasser la quantité (plusieurs kilos), suffisante pour permettre l'extraction des quelques dizaines de grammes nécessaires à une étude chimique un peu poussée...


...Faut-il ajouter que ce matériel a la fâcheuse réputation d'être d'un maniement particulièrement délicat ?...


Il nous a cependant semblé qu'il valait la peine de tenter cette étude, au moins pour quelques exemplaires les plus courants des Champignons supérieurs, et, même au risque de ne faire qu'amorcer nos recherches, d'essayer de combler ainsi partiellement une lacune évidente de notre documentation.


Les Champignons, dont la physiologie est si différente de celle des autres végétaux : dépourvus qu'ils sont de chlorophylle, élaborant tréhalose et glycogène comme glucides essentiels de leurs tissus vivants, sécrétant la chitine comme constituant spécifique de leurs membranes, pouvaient nous réserver quelques surprises dans l'étude de leurs mucilages propres.


Peut-être aurions-nous même la chance, dans ce domaine nouveau, de trouver quelque indication sur l'origine de ces substances en comparant à leurs analyses celles des membranes adjacentes.


Notre programme idéal était facile à tracer :


Faire un inventaire aussi précis que possible des sucres simples que l'on peut extraire de quelques mucilages non étudiés encore, afin de contrôler les données anciennes ou en apporter de nouvelles.


Nous rendre compte spécialement de la présence des acides uroniques dans ces mucilages et essayer de les identifier.


Aller plus loin peut-être, et prudemment, nous efforcer de nous faire une idée de la structure d'un de ces noyaux uroniques et de la molécule glucidique totale.


Analyser enfin les membranes adjacentes et en tirer quelques conclusions.


Programme évidemment très vaste et trop ambitieux, mais que nous avons eu la chance de pouvoir réaliser cependant dans ses parties essentielles au cours de dix années de recherches, souvent interrompues de 1930 à 1940, aux heures laissées libres par d'autres travaux.


Les espèces de Champignons auxquelles nous nous sommes adressé viennent toutes de l'Ile-de-Françe, la seule région qu'il nous était possible d'explorer : Auricularia mesenterica, Tremella mesenterica,. Ithyphallus impudicus et une dizaine d'autres espèces «gélatineuses» ou non.


D'où les trois parties de notre exposé, d'importance inégale d'ailleurs.



Ie PARTIE

LES MUCILAGES D'AURICULARIA MESENTERICA ET DE TREMELLA MESENTERICA


IIe PARTIE

LE MUCILAGE DE LA VOLVE D'ITHYPHALLUS IMPUDICUS


IIIe PARTIE

INDICATIONS SUR LA NATURE DU MUCILAGE DE QUELQUES AUTRES ESPÈCES DE CHAMPIGNONS







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