Patein : Recherches sur les sulfines
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Thèse présentée à la faculté des sciences de Paris
pour obtenir le grade de Docteur ès sciences physiques

par



G. PATEIN

RECHERCHES SUR LES SULFINES



soutenue le 18 janvier 1889

devant la commission d’examen :

Troost, président
Friedel, Bouty, examinateurs




INTRODUCTION


On trouve dans les Annales de chimie et de physique (1864) un résumé des recherches entreprises par Von Œfele relativement à l’action réciproque des éthers iodhydrique et sulfhydrique de la série vinique : ce chimiste signale la formation d'un composé résultant de l'union des deux substances mises en présence qui se soudent molécule à molécule pour engendrer une molécule unique

C2H5I + (C2H5)2S = (C2H5)3SI


dont la composition se rapporte au type

SX4


ce composé traité par l'oxyde d'argent donne

S(C2H5)3OH


dont les propriétés alcalines excessivement énergiques sont entièrement comparables à celles de la potasse ; en remplaçant l'oxyde d'argent par un de ses sels, on obtient un composé salin. (Ann. der. Chem u. Charm. 1863-1864).


Les mercaptans ne se comportent pas de la même façon et si l'on traite le mercaptan éthylique par le sulfure d'éthyle au lieu d'obtenir un corps répondant à la formule

S(C2H5)2.HI,


on aura

(C2H5).HS + 2C2H5I = (C2H5)3SI + HI


ainsi que l’a montré Cahours ; ce chimiste a de plus obtenu en traitant directement le sulfure de méthyle par le brome


(CH3)2SBr2,


corps qui traité à son tour par l'oxyde d'argent humide a donné.


(CH3)2SO


«Le chlore paraît se comporter de la même manière, mais il faut agir avec les plus grandes précautions.


Le sulfure d'allyle, chauffé en vase clos au bain-marie, avec de l’iodure de méthyle donne de même de beaux cristaux d'iodure de triallylsulfine.


Le sulfure d'éthyle est à peine attaqué par les bromures et iodures des radicaux diatomiques; le sulfure de méthyle au contraire se prête parfaitement à ces sortes de réactions.


Ces expériences confirment de la manière la plus complète les idées que j'ai émises sur la saturation dans mon travail sur les radicaux organométalliques (Cahours, loco citato).


Par l’action du bromure d'éthylène sur le sulfure de méthyle, Cahours avait obtenu le bromure d'une sulfine complexe, renfermant le radical éthylène et auquel, d'après l'analyse du chloroplatinate, il avait donné une formule reconnue inexacte par Dehn, qui a vu qu'il se formait en réalité du bromure de triméthylsulfine et un bromure plus complexe ayant un chloroplatinate auquel il donne la formule peu probable et contestée par Cahours :




Cahours a vu enfin que le sulfure de méthyle n'agissait pas sur le bromure de benzyle comme sur le bromure de méthyle et qu'il se produisait dans les cas analogues un bromure de sulfine et un corps complémentaire :



(Comptes-rendus, 1875, tome 80, page 1317).

Le travail de M. Cahours se termine par l'étude de l'action, sur le sulfure de méthyle, du bromure de cyanogène et du bromure d'acétyle, action résumée par les équations suivantes :



(Cahours. Comptes-rendus 1875. Tome 81).


Terminons cet exposé en disant que Klinger, en chauffant en tubes scellés de 163° à 190° une dissolution de deux molécules d'iodure de méthyle et d'une molécule de soufre cristallisé, dans du sulfure de carbone, a obtenu une huile épaisse où se sont formés des cristaux de (CH3)3SI.


Il résulte de ces travaux que le soufre peut être tétravalent et donner des composés alcalins appelés sulfines dans lesquels il partage à quelques égards les propriétés que possède l’azote dans les amines, les deux atomicités supplémentaires du soufre tétratomique se comportant comme les deux atomicités supplémentaires de l’azote pentatomique.


Le point de départ de ce travail, fait dans le laboratoire de M. le Professeur Gautier qui nous l’a inspiré, était de voir si le bromure de Cahours se comportait avec l'ammoniaque comme le bromure d'éthylène et donnait des diamines ; et si le brome pouvait y être remplacé par du cyanogène pour donner des dicyanures.


Chemin faisant nous avons modifié le plan que nous nous étions tracé et étudié les propriétés de plusieurs corps que nous avons obtenus ; dans la première partie de cette thèse nous résumons tout ce qui a rapport aux sulfines du type.

(CH3)3SX


X étant un corps monovalent électronégatif ; dans la seconde ce qui a rapport aux sulfures du type.

(CH3)2SX2.


Ajoutons que tous ces corps sont déliquescents, au point que, de l’avis de Cahours, pour quelques-uns l'analyse paraît presque impossible ; d'autres se préparent avec la plus grande difficulté ; aussi dans la durée de ce travail avons-nous eu souvent recours à notre maître, M. le Professeur Gautier, qui ne nous a jamais ménagé ses conseils ni ses encouragements ; qu'il nous soit permis de lui en adresser ici nos plus vifs remerciements.



CONCLUSIONS


Ce qui précède nous permet de conclure :


Que la formation des sulfures alcooliques obtenus en traitant un iodure alcoolique par un sulfure alcalin se fait en deux phases : dans la première, il se fait un iodure de sulfine, dans la seconde cet iodure est décomposé par l'excès de sulfure alcalin et donne le sulfure alcoolique ; cette opinion est basée sur deux faits que nous avons observés ; 1° la formation des sulfines s'accompagne d’un dégagement de chaleur plus grand que celle des sulfures ; 2° les iodures de sulfine sont décomposés par les sulfures alcalins en donnant de l’éther sulihydrique neutre.


Les dérivés des sulfures alcooliques que nous avons étudiés peuvent se diviser en deux classes ; l'une répondant au type


(CmH2m +1)3SX


X étant monovalent et électro-négatif ; l'autre classe répondant au type

(CmH2m + 1 )2SX2.


A cette seconde classe appartient le bromure de sulfure méthylique découvert par Cahours ; nous avons montré que ce corps se décomposait sous l'influence de l’eau, en donnant l’oxysulfure (CH3)2SO et deux molécules d'acide bromhydrique ; sous l'influence de l’ammoniaque aqueuse ou des alcalis le brome est enlevé et passe à l'état de bromure alcalin; en solution alcoolique il se fait du bromoforme, mais nous n'avons pu obtenir, avec l'ammoniaque, l'aniline et la pyridine, ni amine ni amide ; cependant avec l'homologue supérieur nous avons obtenu un corps azoté de composition complexe.


Les sulfures alcooliques sont susceptibles de donner avec les bromures des métaux, des bromures doubles analogues à ceux que donne l'éther ordinaire : nous avons ainsi préparé le bromure double de zinc et de sulfure méthylique.


Le chlore agit sur les sulfures alcooliques avec une extrême énergie et nous n'avons pu, par union directe, obtenir le composé.

(CH3)2SCl2.


L'iode se comporte comme le brome quoique avec une énergie bien moindre et nous a donné des iodures analogues au bromure de Cahours

(CH3)2SI2


par exemple ; ces corps sont encore des combinaisons moléculaires dont l'iode se sépare facilement en agissant ensuite pour son propre compte.


Les corps de la série (CH3)2SX2 sont très instables et se transforment généralement en sulfures dans les réactions ; c'est ainsi qu'en cherchant à remplacer X2 par (CAz) 2 nous avons obtenu un cyanure de triméthysulfine.


Les composés de la classe (CH3)3SX2 sont des sulfines et sont doués de la plus grande stabilité ; ils forment de nombreuses combinaisons doubles avec les sels de mercure, entre autres des iodomercurates ; ceux-ci peuvent à leur tour se combiner au chlorure mercurique pour donner des sels triples ; nous avons obtenu ainsi.




Lorsqu'on traite en solution alcoolique un iodure de sulfine par le cyanure d'argent, il ne se forme et il ne peut se former qu'un cyanure double de sulfine et d'argent ; c'est un de ces corps, le cyanure double d'argent et de triéthylsulfine qui avait été confondu avec la triéthylsulfinecyanine ; ces réactions se font à la température ordinaire.


Les cyanures de sulfines eux-mêmes sont des corps cristallisés, non volatils et qui ne peuvent-être obtenus avec les cyanures doubles précédents ; leur seul moyen de préparation consiste à traiter les oxydes de sulfines en solution alcoolique par l'acide cyanhydrique ; on a la plus grande difficulté a les obtenir exempts de carbonate.


Ce sont de véritables sels analogues aux chlorures et qui ne peuvent se former par l’action sur les sulfures alcooliques des nitriles ou des carbylamines ; le nom de sulfinecyanines qu'on leur avait donné, sans les avoir obtenus d'ailleurs, ne nous paraît pas devoir être conservé.







MOTS CLEFS : acide / action / alcalin / alcoolique / amine / ammoniaque / analogue / argent / azote / brome / bromure / cahours / chlore / chloroplatinate / chlorure / combinaison / composé / composition / cyanure / éther / éthylène / formule / iode / iodure / mercaptan / méthyle / méthylique / molécule / oxyde / propriété / réaction / sels / soufre / sulfine / sulfure






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