Kagan : Nouvelle classe de stéroïdes modifiés
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 03 avril 2006
Plus d'information!


Thèse présentée à la faculté des sciences de l’Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur ès sciences physiques

par



Henri Boris KAGAN

Une nouvelle classe de stéroïdes modifiés : les stéroïdes inversés



soutenue le 21 mars 1960

devant la commission d’examen :

Normant, président
Lederer, Julia, examinateurs




INTRODUCTION


L'idée générale dont nous verrons les développements par la suite a son origine dans le rapprochement de deux remarques : la première concerne la fécondité de la notion de stéroïde modifié et l'importance pharmacologique que depuis quelques années ont pris les composés les plus divers dérivant des stéroïdes naturels; la seconde a trait à l'intérêt que devrait avoir l'étude des propriétés biologiques des antipodes optiques des stéroïdes hormonaux.


Ces derniers ne sont éventuellement accessibles que par synthèse totale, ce qui limite considérablement les possibilités de leur obtention et explique le peu de renseignements que l'on possède sur leurs propriétés biologiques.


Par contre, on peut concevoir, comme nous le verrons, à partir des matières premières naturelles, des transformations relativement simples qui aboutissent à des corps qui peuvent être considérés comme des antipodes optiques modifiés de certains stéroïdes.


La préparation et l'étude de ces corps, pour lesquels nous proposons le nom de stéroïdes inversés constituent le sujet de notre travail.


Dans cette partie introductive, nous rappellerons d'abord brièvement quelques données concernant l'historique et quelques-uns des développements les plus importants (dans la perspective particulière de nos préoccupations) de la notion de stéroïde modifié, nous rassemblerons ensuite quelques renseignements généraux portant sur la comparaison des activités biologiques et pharmacologiques des inverses optiques, nous justifierons enfin la notion de stéroïde inversé en précisant ses bases physiques, aussi bien que les conventions et les approximations qu'elle suppose.




RÉSULTATS BIOLOGIQUES

Action antihormonale. Mise en évidence.


Nous avons développé dans la partie introductrice quelques considérations sur l'activité antihormonale, en soulignant le manque de renseignements sur le mécanisme de cette action.


L'antagoniste peut éventuellement agir à des niveaux très différents de l'organisme.


Il a été démontré dans certains cas, qu'il y avait soit un freinage hypophysaire (castration chimique du mâle entraînée par les œstrogènes), soit une diminution de synthèse hormonale dans la glande (exemple des antithyroïdiens).


On peut envisager des mécanismes hypothétiques, entre autres une inactivation accrue de l'hormone, un système de transport de l'hormone rendu moins efficace et enfin des phénomènes d'antimétabolisme.


L'antimétabolite agirait sur le récepteur lui-même, en se substituant aux molécules actives.


Ce mécanisme a été avancé dans les tentatives d'explication du blocage de l'effet de l'adrénaline sur les récepteurs périphériques.


L'antimétabolite pourrait aussi agir à un stade intermédiaire de la chaîne enzymatique.


Dans l'état actuel de nos connaissances, il est difficile de relier l'effet antihormonal de certains stéroïdes à un antimétabolisme, mais lorsque l'antagoniste a une formule très voisine de l'hormone naturelle (œstriol s'opposant à l'œstradiol) cette hypothèse n'est pas à rejeter.


La formation d'anticorps spécifiques a été envisagée par LIEBERMAN comme un moyen de s'opposer aux hormones. Il a préparé des anticorps à partir d'antigènes formés de l'union d'une protéine et de plusieurs molécules de stéroïdes.


Les tests employés pour étudier les effets antagonistes de stéroïdes naturels se font en général sur un animal qui a subi l'ablation de la glande secrétrice de l'hormone envisagée.


On examine un récepteur approprié (au sens large du terme) avant et après injection de l'hormone déficiente. L'administration simultanée d'un antagoniste devra diminuer l'effet de l'hormone exogène. D'autres tests utilisent des animaux entiers à qui on administre simplement l'antihormone.



Intérêt thérapeutique des antihormones.


L'utilisation thérapeutique de stéroïdes inactifs mais doués d'action antihormonale peut être envisagée comme un des moyens de combattre sélectivement l'hyperfonctionnement de certaines glandes, sans introduire d'effets secondaires néfastes et en évitant des ablations chirurgicales.


Les anti-œstrogènes et anti-androgènes pourraient être d'une grande utilité dans les thérapeutiques contre le cancer du sein et de la prostate, ces cancers étant liés la présence d'un excès d'oestrogène ou d'androgène.


La possession de composés anti-désoxycorticostérone ou anti-aldostérone permettrait de favoriser la diurèse sodique et de combattre les œdèmes, particulièrement lors de certaines déficiences cardiaques ou pendant des traitements à la cortisone et ses dérivés.


Enfin les anti-glucocorticoïdes pourraient permettre d'obtenir une plus grande sélectivité dans l'emploi des anti-inflammatoires.



Résultats biologiques


Les composés que nous avons préparés dans ce travail ont été examinés par le Professeur PINCUS de la Worcester Foundation comme anti-œstrogènes sur la souris ovarectomisée traitée à l'œstrone et comme anti-androgènes sur le poussin mâle de deux jours traité à l'énanthate de testostérone.


Les essais anti-minéralocorticoïdes ou anti-glucocorticoïdes ont été effectués par L. CHEDID du Laboratoire d'Endocrinologie et Morphologie expérimentale du Collège de France sur des souris surrenalectomisées traitées par la désoxycorticostérone ou la cortisone.


Les premiers résultats des essais qui sont actuellement en cours indiquent que certains de ces composés sont doués d'activité anti-œstrogène, anti-androgène ou anti-désoxycorticostérone, tout en étant dépourvus d'action hormonale.


Les stéroïdes comportant en 3 la structure 3a-éthynyl 3b-hydroxy présentent une faible mais significative activité anti-œstrogène.


Les substances possédant en 3 un groupe acétyle sont au contraire douées de propriétés anti-androgènes : le 3-acétyl 17-oxo androsta-2-ène semble présenter l'intérêt le plus net.


Parmi les corps possédant une chaîne cortisonique en 3 1e 3a-(acétoxy acétyl) 3b-acétoxy 17-oxo (5a)androstane a été essayé et paraît posséder une action antiminéralocorticoïde importante.


L'ensemble des résultats biologiques fera l'objet de publications ultérieures.




CONCLUSION


Si l'action anti-désoxycorticostérone de composés comportant une chaîne cortisonique ne paraît pas trop paradoxale, il est étonnant de trouver, pour des corps ayant la structure partielle en 3 de la progestérone, une action anti-androgène, ce qui montre la difficulté de faire des prévisions dans ce domaine.


Il n'en reste pas moins que l'hypothèse des «stéroïdes inversés», avec toutes les |approximations qu'elle implique, semble une hypothèse de travail assez fructueuse dans la recherche de stéroïdes anti-hormonaux, et les résultats biologiques déjà accessibles sont suffisamment encourageants pour envisager la préparation de modèles plus proches des antipodes des stéroïdes naturels.







MOTS CLEFS / action / activité / antagoniste / anti-androgène / anticorps / désoxycorticostérone / glucocorticoïde / antihormonal / antihormone / antimétabolisme / antimétabolite / anti-œstrogène / biologie / cancer / cortisone / effet / glande / hormone / inversé / mécanisme / molécule / naturel / oestrogène / propriété / récepteur / stéroïde / synthèse / thérapeutique






visiteurs