La Teskra : étude pharmacognosique
Site créé le 24 octobre 2004 Modifié le 29 mars 2006
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Thèse présentée à la faculté des pharmacie de l’Université de Nancy
pour obtenir le diplôme de Docteur de l’Université de Nancy
(pharmacie)

par



Georges RODILLON

La Teskra

(
Echinops spinosus, L.)

Etude pharmacognosique



soutenue le 14 août 1920

devant la commission d’examen :

Bruntz, président
E. Grelot, Pastureau, examinateurs




HISTORIQUE


Le choix d'un sujet de thèse est toujours un problème délicat. C'est après bien des hésitations que nous avons renoncé à d'intéressants sujets qui nous avaient aimablement été suggérés pour nous arrêter à l'étude d'une drogue exotique, d'une valeur curative évidente, jusqu'alors thérapeutiquement inconnue en Europe.


Les propriétés curatives de cette plante nous furent révélées dans une conversation avec l'un de nos bons amis le Dr Moret, de Courlon, dont le frère —médecin comme lui — était, en Algérie, le témoin fréquent des excellents résultats donnés par ce végétal dénommé Teskra par les indigènes.


Après que ces résultats curatifs nous eurent été confirmés, par une autre voie, de timides essais entrepris dans notre entourage vinrent asseoir définitivement notre conviction : les malades ayant usé de cette drogue s'accordaient à la considérer comme «merveilleuse».


Des lors notre décision était prise de nous livrer à l'étude de cette plante et de recourir à l'obligeante compétence de médecins amis pour en faire scientifiquement l'expérimentation thérapeutique.


Des recherches bibliographiques aussitôt entreprises nous -montraient déjà l'absence de documentation, du moins en ce qui concerne la question pharmacodynamique.


La Teskra (Echinops spinosus, L., Composée) n'a jamais, en effet, été étudiée qu'au point de vue botanique et seulement quant à sa morphologie externe.


Totalement inconnue, comme drogue, en Europe, la Teskra est par contre réputée chez les Marocains pour ses propriétés thérapeutiques et ceux-ci l'emploient, en médecine vétérinaire, pour activer la délivrance utérine des bovidés, et en médecine humaine, chez la femme, dans un but analogue mais plus... prématuré.


Les propriétés abortives de cette plante ne sont citées ici qu'à titre documentaire car sa qualité maîtresse est d'être, de l'avis des médecins et des malades l’ayant expérimentée, le plus énergique des. antihémorroïdaires connus, laissant très loin derrière lui l’Hammamélis, le Marron d'Inde et autres drogues.


C'est à ce dernier titre que nous avons pensé qu’il y avait intérêt à faire l'étude de cette plante.


Nous avons alors tenté de nous documenter, mais après avoir consulté un grand nombre d'ouvrages, spéciaux nous avons constaté que la bibliographie reste entièrement muette en ce qui touche à la question pharmacologie.


Cette absence de bibliographie est d'ailleurs un fait qui mérite d'être signalé par sa rareté. Toute la bibliographie se borne, et encore d'une manière assez lointaine, à un travail traitant d'un alcaloïde qui aurait été extrait de 15 espèces différentes d'Echinops sans que, d'ailleurs, l'auteur mentionne si l'espèce Spinosus est comprise dans ce nombre.


Nous aurons au reste l'occasion de revenir sur ce travail et d'en discuter la teneur.


Le sujet aborde avait donc au moins pour nous le mérite de la nouveauté et comme en somme son étude était complètement à faire nous nous proposons d'étudier la drogue aux divers points de vue botanique, chimique, physiologique et thérapeutique en adoptant le plan indiqué ci-après.


Les difficultés sans nombre inhérentes à la dure période que nous traversons ont rendu notre tâche parfois bien difficile.


L'éloignement du lieu de production de la matière première, sa disparition presque complète en dehors de la période de récolte, la difficulté des transports, la quantité parcimonieusement limitée de drogue mise à notre disposition, le manque de gaz ou d'électricité et surtout la nécessité de. mener de front ce travail avec la gestion d'une officine doublée d'un laboratoire d'analyses médicales n'ont pas contribué à rendre cette tâche aisée.


Pour ces motifs nous espérons que l'on voudra bien faire de toutes ces difficultés autant de raisons de traiter avec indulgence ce travail qui vise surtout à faire connaître une nouvelle médication, dont l'efficacité ne paraît plus discutable, et cela sans prétendre avoir épuisé la question.




CONCLUSIONS A L'ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE


Le fait capital qui se répète à chaque observation citée est la disparition de la douleur fait capital en effet car c'est bien la sédation amenée par l'action du médicament qui est surtout réclamée par le malade. Cette action sédative quelquefois très rapide ne demande jamais plus de 15 jours pour se manifester.


L'affaissement des hémorroïdes est produit, lui aussi rapidement, quand il est encore possible.


Les hémorragies disparaissent, comme il est logique, avec la cause qui les produit.


Si l'on compare l'action curative signalée par les observations à l'activité problématique des divers médicaments usités en pareil cas : Hamamélis, Marrons d'Inde, Suppositoires, Pommades, etc., . inactivité que soulignent les observations 1, 3 et 6, on y trouve une supériorité- manifeste qui rendait nécessaire l'étude de la. Teskra.


On s'étonnera peut-être, a priori, du peu de diversité de ces observations ; mais, la réflexion aidant, on conviendra qu'il n'en peut être autrement pour une affection aussi individualisée, aussi localisée que les hémorroïdes dont les trois symptômes dominants : tuméfaction, douleurs lancinantes et hémorragies reviennent à peu près pour chaque cas comme un leitmotiv.


Toutefois malgré cette uniformité dans la symptomatologie on retrouve ici des particularités très intéressantes au point de vue de l'action de la Teskra. C'est la disparition d'un œdème facial, celle aussi d'un œdème des membres inférieurs, la suppression d'un érythème de la surface extérieure du nez, enfin la disparition d'un état inflammatoire aigu de la muqueuse intestinale.


Nous aurons d'ailleurs à revenir sur ces cas spéciaux. Il ressort donc nettement de ces quelques observations, volontairement limitées à une dizaine pour ne pas allonger un travail déjà trop long, que la Teskra est un spécifique des affections hémorroïdaires distançant de très loin les drogues actuellement employées dans le même but.


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Comment agit la Teskra ? Quel en est le principe actif ? Renferme-t-elle des produits nuisibles ?


Autant de questions auxquelles il importe de donner une réponse.


L'expérimentation sur le Cobaye a établi les faits suivants : la drogue à dose massive (nous ne disons pas à dose léthale car les doses expérimentales les plus élevées n'ont jamais amené la mort de l'animal en expérience), cette drogue, disons-nous, provoque, à dose excessive, des congestions viscérales: hyperhémie cérébrale, congestion rénale, congestion utérine. Par contre elle détermine de la vasoconstriction des veines de la région rectale.


Chez l'homme elle se fait surtout remarquer par son action décongestive intense sur les veines du petit bassin et des membres inférieurs ; elle peut donc être considérée comme amenant la vasoconstriction du système veineux de certains territoires.


Or on sait également que la Teskra est un puissant agent de congestion utérine chez la femelle du cobaye, chez la femelle des Bovidés et aussi chez la Femme d'après l'emploi qu'en font les indigènes de sa région d'origine.


Et ceci nous fournit les éléments propres à discerner le mécanisme par lequel la drogue manifeste son action.


La Teskra se comporte comme une excitant de la fibre lisse d'où la contractilité qu'il communique aux organes contenant celles-ci en notable quantité; c'est ainsi que pour la délivrance des vaches c'est la propriété de provoquer les contractions utérines qui est utilisée par les indigènes.


Mais pour le tissu veineux on sait que la tunique moyenne est particulièrement riche en fibres lisses contractiles et ceci expliquerait aisément la vasoconstriction du tissu veineux, la rétraction du tissu veineux relâché, donc la rétraction des varices et des hémorroïdes qui ne sont autre chose que des varices anales ou rectales.


Ceci expliquera aussi l'impuissance de la Teskra à réduire les hémorroïdes fibreuses, concrétées formées de veines altérées dont la paroi est devenue entièrement fibreuse et dont la sclérose a annihilé l'action des fibres lisses d'ailleurs disparues pour la plupart.


Enfin si l'on considère que le réseau lymphatique est constitué par des vaisseaux analogues, au point de vue de la présence des fibres lisses, à ceux du réseau veineux on pourra supposer que la disparition des œdèmes déterminée par l'action de la Teskra procède d'un même mécanisme.


Et ceci permettra de penser que la Teskra, par un. mecanisme analogue, devra réduire le varicocèle qui est le résultat d'un état variqueux des veines scrotales et que de même son action sera utile dans la dilatation et l'état inflammatoire des vaisseaux lymphatiques par exemple dans la phlegmatia alba dolens ou les poussées de lymphangite.


Poussant plus loin l'analyse de ce mécanisme, on sera amené à penser que les capillaires ne seront pas, influencés. par la Teskra car leur paroi, tout endothéliale, ne comporte pas le réseau de fibres lisses indispensable à la vasoconstriction ainsi comprise.


Enfin, on expliquera, toujours par le même processus mécanique, les congestions viscérales signalées (congestions cérébrale, rénale chez le cobaye et légère hyperhémie cérébrale cause de vertiges et de sensation ébrieuse chez le malade ayant absorbé une dose trop élevée de la drogue).


Il suffira de penser que dans l'organe considéré l’afflux sanguin n'est plus compensé par l'issue normale du sang hors du viscère par son réseau veineux ; celui-ci, ayant subi la vasoconstriction du fait de la Teskra, n'offre plus un débit suffisant à l'évacuation du sang artériel et détermine la congestion de l'organe par accumulation sanguine.


Il n'est pas jusqu'à l'action sur le rein qui ne puisse être prévue ; là comme ailleurs l'hyperhémie doit se. produire toujours par déficit du débit évacuateur sanguin dû à la réduction du calibre du lacis veineux et cette hyperhémie trouvera son exutoire dans le glomérule de Malpighi qui soumis à une hyperpression circulatoire sécrétera en quantité plus élevée ce qui se traduira par un accroissement de la diurèse.


Quel est enfin le principe actif de la Teskra ?


Si l’on examine les; résultats de l'expérimentation sur. L’animal on est amené, à penser que le glucoside, est le principe actif et que par contre la phytostérine donne des résultats nuisibles ; il y aurait donc intérêt à priver au moins partiellement la plante de son Echinostérine.


Une dernière question qui n'est pas sans intérêt pour le médecin et plus particulièrement pour le malade est la crainte que ceux-ci pourraient avoir de ne pouvoir se procurer une drogue que nous-même n'avons obtenue qu'avec peine.


Dès le début de l'année nous:avions pris nos dispositions pour qu'à la récolte prochaine de notables quantités de drogue soient convenablement recueillies et expédiées en France. Ainsi seront évités désormais les ennuis que nous a causés la pénurie de matière première.






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