Roux : Flavonoïdes de <i>Citrus limonum</i>
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Thèse présentée à la faculté des sciences de l’Université de Lyon
pour obtenir le titre de Docteur-Ingénieur

par



BERNARD Roux

CONTRIBUTION A L'ETUDE DES FLAVONOIDES DE CITRUS LIMONUM



soutenue le 24 octobre 1964

devant la commission d’examen :

J. Colonge, président
J. Chopin, H. Pacheco, examinateurs




INTRODUCTION


Les flavonoïdes sont des substances polyphénoliques naturelles que l'on rencontre exclusivement dans le règne végétal. Cependant seules les plantes vasculaires, c’est-à-dire les Phanérogames et les Fougères, parmi les Cryptogames, renferment ces corps.


Dans les plantes inférieures - Mousses, Champignons, Algues - aucun de ceux-ci n’a pu être mis en évidence de façon certaine. Malgré leur grande diversité de structure, tous ces pigments présentent l’enchaînement C6-C3-C6 que l’on rencontre par exemple dans le phényl-2 chromanne :



La présence de groupement cétonique en 4, la déshydrogénation entre 2 et 3 et l'introduction de groupe hydroxyle en 3 conduisent à des corps étroitement apparentés :




On peut y rattacher d'autres substances présentant le même enchaînement : Les hydroxy-2’ chalcones isomères des flavanones par ouverture de l'hétérocycle



et les aurones ou benzal-2 coumaranone-3



L’étude de la biogénèse de ces composés a montré que le noyau B provient d'un acide en C6-C3 qui se combine à trois restes acétiques produisant le noyau A selon :



Il résulte de cette formation que les substituants portés par le noyau A sont essentiellement en position 5 et 7.


Des réactions ultérieures provoquent la présence de substituants en position 3 en particulier. Dans le noyau B se sont les positions 3',4' et 5' qui sont le plus fréquemment occupées.


Ces substituants sont en général des groupements hydroxyles ou méthoxyles, mais parfois des groupements méthylène-dioxy-0-CH2-O-.


Ces pigments se présentent fréquemment sous forme de glycosides où le sucre est attaché à l’aglycone par l'intermédiaire d'un groupe hydroxyle. Ici encore, il parait y avoir des positions privilégiées : les liaisons osidiques se formant surtout en 3, 7 et 4'.


A côté de ces flavonoldes O-glycosylés, l’existence de composés où le sucre est lié à l’aglycone par une liaison C-C a été récemment reconnue et il est apparu que les C-glycosides étaient beaucoup plus répandus qu'on ne le pensait au premier abord.


L'intérêt initialement porté aux composés flavoniques provenait de leur rôle dans la coloration des fruits et des fleurs, certains étant parmi les colorants naturels les plus anciennement connus.


Mais très rapidement l'attention s’est portée sur leurs propriétés thérapeutiques et dès 1956 SZENT-GYORGYI constata que certains extraits de Citron - contenant des flavonoïdes - avaient une action sur la résistance et la perméabilité des capillaires sanguins. II proposa le terme de vitamine P pour désigner le composé responsable de cette activité.


En fait il est apparu à la suite de nombreux travaux que plusieurs flavonoïdes, isolés d'ailleurs d'autres végétaux que le Citron, sont actifs; il y a donc absence de spécificité.


D'autre part ces substances ne sont pas indispensables dans l'alimentation. Le terme de vitamine P n'est donc plus accepté et on les considère plutôt comme des "facteurs accessoires de l'alimentation" (LAVOLLAY), Finalement pour éviter toute controverse, B.L. OSER et E.F. BRYANT suggérèrent le terme de Bioflavonoïdes.


Ce mot englobe en fait des extraits bruts dont la composition est mal connue ; pour cette raison nous avons étudié un extrait de Citron, qui est la source principale de ces composés, extrait d'ailleurs exploité commercialement, en nous attachant particulièrement au contenu en glycosides.


Le genre Citrus, appartenant à la famille des Rutacées, a donné lieu à quantités de travaux. Cependant à cause du grand nombre d'espèces et de variétés à l'intérieur du genre, les auteurs semblent s'être attachés à déterminer la présence de quelques glycosides bien connus dans une ou plusieurs variétés données.


La composition en aglycones est mieux connue, en particulier les aglycones fortement substitués qui paraissent abondants non seulement dans le genre, mais encore dans la famille des Rutacées; et GEISSMAN décrit ce fait "comme un exemple remarquable de la possibilité pour un groupe de plantes étroitement voisines de réaliser une seule voie de synthèse."


A cette remarque, on peut rattacher l'intérêt des composés flavoniques pour des études de taxonomie.


En effet certains problèmes de systématique végétale paraissent être difficilement résolus par la Botanique seule, et il est intéressant de pouvoir disposer de critères supplémentaires.


L'analyse chimique des constituants végétaux parait susceptible d'apporter dans ce domaine des arguments nouveaux. Mais tous les composés ne peuvent être utilisés, en particulier les constituants fondamentaux des organismes (sucres, certains acides aminés) ou ceux qui se rencontrent exclusivement dans une seule espèce.


De ce point de vue les flavonoïdes sont particulièrement intéressants, car ils sont abondants dans le règne végétal et ne semblent pas participer directement aux processus métaboliques fondamentaux.


De nombreux travaux (ERDTMAN, BATE-SMITH, HASEGAWA, LEBRETON) ont d'ailleurs montré que l'étude de la distribution de ces composés pouvait apporter des données très utiles en taxonomie. Nous n'avons donc pas négligé cet aspect de la biochimie flavonique dans notre travail.


Celui-ci sera divisé en trois chapitres :

- Le premier concerne les méthodes d'étude des extraits flavoniques naturels, en insistant plus particulièrement sur celles que nous avons utilisées.

- Dans le second chapitre nous exposerons nos résultats après avoir rappelé les composés déjà isolés dans le genre Citrus,

Enfin le troisième chapitre est consacré à un essai de synthèse de l'ériodictyol (tétrahydroxy-5,7,3',4' flavanone) un des constituants essentiels de l'extrait, et ceci nous a amené à observer et à étudier certaines réactions anormales de benzylation des acétophénones.

CONCLUSIONS GENERALES


Notre travail a été consacré à l'étude de la nature des constituants flavoniques d'un extrait d'écorce de Citron. Ces extraits, présentant des propriétés thérapeutiques intéressantes, n'avaient donné lieu qu'à des analyses assez fragmentaires, sauf celle de la composition en aglycones récemment réalisée par HOROWITZ et GENTILI.


Pour effectuer cette analyse, nous avons d'abord étudié les procédés d'isolement et de caractérisation des composés flavoniques. Ceux que nous avons employés - en général bien connu - ont seulement été résumés ; nous avons insisté plus particulièrement sur l’emploi de la distribution à contre-courant selon CRAIG et sur la détermination des structures à l'aide des spectres U.V.


Etant donné son extrême complexité, l'extrait éthanolique de l'écorce de Citron est tout d’abord séparé en deux fractions par précipitation à l'acétate de plomb.


En milieu neutre, seuls les dérivés ortho-dihydroxylés précipitent. Nous avons isolé par distribution à contre-courant et chromatographie préparative sur papier puis caractérisé :

- une flavanone, l'ériocitrine ou rutinoside-7 de l'ériodictyol ; déjà identifiée dans le Citron ;

- deux flavones ; la lonicérine ou rhamnoglucoside-7 de la lutéoline isolée seulement de Lonicéra japonica et un nouveau C-glycoside de lutéoline ;

- un flavonol, le diglucoside-3,5 de la quercétine non encore connu à l'état naturel ;

- trois aurones : un rhamnoglucoside-6 de l'aureusidine, le glucoside-6 de l'auréusidine ou auréusine et enfin l'auréusidine elle-même, dont seule la seconde était connue à l'état naturel ;

- et d'autre part le b-sitostérol et l’acide cafféique, le premier connu sous forme de glucoside et le second non encore décrit dans l'écorce de Citron.


En milieu alcalin, nous obtenons une nouvelle fraction dont les constituants sont séparés par chromatographie sur colonne de cellulose, puis sur papier, et qui est riche en flavonols. En effet nous y trouvons :

- un arabinoglucoside-3 de l'isorhamnétine

- un arabinoglucoside-3 de la limocitrine

- un arabinodiglucoside-3 du limocitrol dont aucun n'était connu à l'état naturel.


Cette fraction contient également une flavanone, l'hespéridine, en quantité importante ; deux C-glycosides de flavones inconnus à ce jour, l’un d'apigénine (différent de la vitexine et de la saponarétine) et l'autre de diosmétine. En outre deux acides hydroxycinnamiques : l'acide p. coumarique et l'acide férulique dont seul le premier avait été isolé du Citron.


Nous avons donc montré que tous les composés flavoniques présents dans l'extrait d'écorce de Citron existent sous forme de glycoside et nous avons pu préciser à la fois la nature des sucres et leurs positions d'attache sur les aglycones. Nous avons pu ainsi mettre en évidence pour la première fois trois faits particulièrement intéressants :

- la présence d'arabinose dans les glycosides du Citron

- l'existence de tous les flavonoles sous forme de glycosides en 3

- l’existence de C-glycosides flavoniques dans le Citron.


Parmi les glycosides que nous avons identifiés, l'hespéridine et l'ériocitrine sont les plus importants et nous avons essayé de synthétiser par une nouvelle voie l'aglycone de cette dernière : l'ériodictyol.


Pour cela nous avons formé l'hydroxy-2’ tétrabenzyl-3,4,4’,6' chalcone en partant de la di-O-benzyl-2,4 phloracétophénone et de l'aldéhyde protocatéchique di-benzylé; mais les essais de cyclisation ont été infructueux.


Au cours de la synthèse de cette chalcone nous avons été amené à observer une réaction de benzylation anormale de la phloracétophénone, lorsque celle-ci est effectuée par le chlorure de benzyle, en présence d'iodure de sodium, dans l'acétone anhydre avec du carbonate de potassium. On obtient alors un dérivé C-benzylé : la C-benzyl-3 di-O-benzyl-4,6 phloracétophénone.


Par contre si l'on benzyle dans les mêmes conditions la résacétophénone ou la di-O-benzyl-2,4 phloracétophénone, on observe en aucun cas de benzylation nucléaire, mais on peut alors atteindre avec de bons rendements les dérivés entièrement O-benzylés. En particulier les groupements phénoliques en ortho d'un groupe carbonyle peuvent être ainsi protégés.






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