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Thèse présentée à la faculté des sciences de l’Université de Paris
pour obtenir le grade de Docteur es sciences physiques
par
BERNARD GAUTHIER
CONTRIBUTION A L'HYDROGÉNATION SÉLECTIVE PAR LE NICKEL RANEY DE QUELQUES PHÉNOLS
A CHAINE NON SATURÉE
soutenue en février 1946
devant la commission d’examen :
Dupont, président
E. Darmois, Vavon, examinateurs
Notre objectif primitif était l'étude de l'hydrogénation, en présence de nickel Raney, de la double liaison éthénique, quand elle se trouve, dans une même molécule, sous l'influence d'une autre liaison non saturée : éthénique, carbonylique, ou carboxylique. La nature de cette seconde liaison, sa position relative, les substituants voisins devaient avoir une influence tant sur le SEUIL que sur la VITESSE d'hydrogénation de la liaison éthénique en question. Il devait être possible d’en déduire les règles, dans ce domaine, de l'hydrogénation sélective et détendre ainsi le champ d'application des recherches déjà publiées par notre Maître M. le Professeur Palfray, qui nous confiait ce travail et mettait à notre disposition l’appareillage d'hydrogénation sous pression et à température élevée qu'il a décrit ailleurs.
Il aurait fallu commencer par les carbures alléniques, butadiéniques et leurs homologues supérieurs, avec ou sans substituants au voisinage des liaisons éthéniques, ces substituants étant aliphatiques aryliques, etc.; puis passer aux molécules analogues où la seconde liaison non saturée eût été carbonylique ou carhoxylique. Malheureusement, les circonstances étaient déjà défavorables. Beau-coup de corps à examiner n'existaient plus dans le commerce. Les réaliser par voie de synthèse nous eut entraîné beaucoup trop loin. En outre, les perturbations survenues dans la production du gaz d’éclairage, modifiant constamment son pouvoir calorifique ou sa pression ne permettait plus une stabilisation précise de la température pendant les intervalles de temps nécessaires.
Nous avons dû renoncer à notre plan initial. Notre regret était d’ailleurs tempéré par le fait que certaines parties en avaient déjà
été explorées, fut-ce d'un point de vue moins général, par divers auteurs que nous devons citer
ici. Nous renverrons donc à un mémoire de G. Dupont et à une conférence de R. Paul. Utilisant
comme nous le nickel Raney, ils confirment les concluons de Lebedev et Sorateurs, relatives à
l'emploi du noir de platiné, et qu’il est bon de présenter ici. La vitesse d'hydrogénation
diminue régulièrement quand les substitutions des carbones éthyléniques augmentent,
c'est-à-dire des molécules R-CH=CH2 aux molécules :
Dans ce dernier cas, il faut avoir recours à des températures et à des pressions plus ou moins élevées.
A vrai dire, ces conclusions devaient être complétées par l’étude de molécules possédant deux doubles liaisons ou un cycle benzénique. Si les deux liaisons sont éloignées l'une de l’autre il est presque toujours possible d'opérer l'hydrogénation en deux temps(hydrogénation sélective) ; si les deux liaisons sont conjuguées.
L’hydrogénation, en présence de nickel Raney se fait d’abord en 1-4, si les deux liaisons sont peu différenciées, ou en 1-2 ou 3-4 si les liaisons sont de types très différents ; pui il y a fixation de deux autres atomes d'hydrogène et saturation totale. Le nickel Raney se comporte, ici, comme les réducteurs connus (sodium + alcool, SO4H2 + Zn) fournissant de l'hydrogène naissant ou atomique. Ces résultats sont différents de ceux fournis par le paladium et le noir de platine et relatés, respectivement, par Dupont et par Vavon, entre autres, puisque, avec ce type de catalyseur, on peut s'arrêter à une semi-hydrogénation.
Vavon montre, en effet, qu un système monoéthénique s’hydrogène plus facilement qu’un système à doubles liaisons conjuguées, et que les doubles liaisons conjuguées avec un noyau benzénique (styrolène) ne peuvent être mises sur le même pied que les liaisons conjuguées aliphatiques. Cette constatation nous intéresse d'autant plus que, parmi les corps auxquels nous allions devoir nous limiter, figurent précisément des couples de molécules isomères où le noyau portant une chaîne allylique ou propénylique, respectivement, il sera possible de comparer, avec rigueur, le comportement de la liaison extracyclique selon quelle sera conjuguée ou non avec celles du noyau.
Nous avons donc restreint notre sujet pour nous occuper plus spécialement, de l'hydrogénation comparée de composés aryles à chaîne allylique ou propénylique assez accessibles tels que : anéthol et estragol, eugénol et isoeugénol, safrol et isosafrol. Des échantillons copieux de ces corps ont été mis gracieusement à notre disposition, d'une part, par les fabriques de Laire et, d’autre part, par les
établissements Chiris, de Grasse. Nous les prions de trouver ici l'expression de nos plus vifs remerciements.
Dans ces conditions nouvelles, nous ne nous sommes plus limité au problème de la saturation de la seule liaison extra-cyclique. Nous y avons joint celui de l'hydrogénation à température élevée. Dans ce dernier domaine, nous avons constamment abouti à une dégradation partielle des substituants qui nous a fourni, en quantité notable, un corps encore peu connu : le propyl-4 cyclohexanol ; ce qui nous a permis de l’étudier plus à fond.
En outre, pour éclaircir certaines particularités de détail, observées au cours de notre travail, nous avons été amené à essayer l'hydrogénation de l'alcool benzylique et de ses dérivés, à la température la plus basse possible.
Notre travail se divisera donc de la façon suivante :
Dans une première partie, nous étudierons l'hydrogénation comparée de phénols à chaîne propénylique ou allylique, à savoir :
Chapitre Ier. — Hydrogénation à faible température des couples anéthol et estragol, eugénol et isoeugénol, safrol et isosafrol.
Chapitre II. — Hydrogénation des mêmes à température élevée.
Chapitre III. — Etude détaillée du dihydroeugénol.
Chapitre IV. — Etude détaillée du propyl-4 cyclohexanol.
Chapitre V. — Etude détaillée de l'octahydroeugénol.
Une deuxième partie sera consacrée à l'étude de quelques propriétés du dihydroeugénol et d'autres corps apparentés.
Enfin une troisième partie s'occupera de l'hydrogénation de l'alcool benzylique et de quelques-uns de ses dérivés : esters acétique et benzoïque.
En ce qui concerne les méthodes générales de travail et d'analyse, nous devons dire que :
1) Les points de fusion ont été pris au Bloc Maquenne, sans correction de température, à moins que cette indication n'ait été expressément signalée.
2) Les indices de réfraction ont été pris avec un réfractomètre de Abbe-Zeiss.
3) Les indices d'acétyle ont été faits en suivant la méthode de Delaby et Sabetay qui nous a toujours donné satisfaction.
4) Les indices d'oximation ont été obtenus en employant la technique de Sabetay.
5) Les indices de méthoxyle ont été mesurés en suivant la technique de Palfray sur laquelle nous nous étendons longuement.
6) Les indices d'iode ont été déterminés par la méthode de Kaufmann qui s'est révélée excellente dans les cas étudiés.
7) Les dosages d'halogènes ont été faits, au moyen de la potasse benzylique, en suivant la technique donnée par Sabetay et Bleger, sauf indications spéciales.
8) Les dosages d'azote par kjeldahlisation ont été établis en suivant les indications données par Palfray d'après la technique de Feet et Furzey, qui s'est révélée d'une rapidité étonnante (10 à 15 minutes).
(9) Enfin, les combustions ont été effectuées au laboratoire de M. le Professeur Delaby à la Faculté de Pharmacie de Paris et nous lui adressons, ainsi qu'à son assistant M. Harispe, nos bien vifs remerciements pour ce travail.
La première partie de notre travail est consacrée à l'hydrogénation comparée, en présence de Ni Raney, de trois paires de phénols à chaîne respectivement allylique et propénylique à savoir : estragol et anéthol, eugénol et isoeugénol, safrol et isosafrol, où la liaison éthénique de la chaîne est ou n'est pas conjuguée par rapport aux doubles liaisons du noyau.
A basse température, la liaison éthénique de la chaîne s'hydrogène seule (chap. Ier).
D'une façon générale, on peut dire que cette double liaison s'hydrogène plus facilement quand elle n'est pas conjuguée. Le seuil est plus bas et la vitesse plus grande Le fait est très net dans le cas des couples : eugénol et isoeugénol, safrol et isosafrol. Pour le couple estragol et anéthol, on peut dire que la même règle est vérifiée, mais si faiblement qu'elle serait pratiquement inobservable sans un examen rigoureux des diagrammes enregistrés. Pour quelle raison? Est-ce la présence de la fonction méthoxy, ou sa position en méta ou en para? Nous ne saurions encore le dire. Mais nous espérons pouvoir continuer nos recherches dans ce sens.
A température élevée (chap. II), le noyau s'hydrogène à son tour. Mais un nouveau phénomène intervient dans tous les cas : une déméthoxylation, sinon intégrale, du moins très importante et d'autant plus prépondérante que la température a été plus élevée. La fonction éther-oxyde ou méthène dioxy se trouve plus ou moins
complètement réduite: > CH—OCH3→> CH2. Remarquons, d'ailleurs, que c'est la fonction éther-oxyde en méta qui se révèle la plus fragile, au point que nous ne l'ayons jamais retrouvée dans le produit final qu'il s'agisse de l'eugénol ou du safrol.
On aboutit aussi, en général, à un mélange de propyl-4 cyclohexanol et propyl-4 méthoxy-2 cyclohexanol ou octahydroeugénol. Ces deux alcools n'ont pu être complètement séparés par distillation fractionnée. Seul le passage par une combinaison cristallisée a permis de les isoler à l'état de pureté.
Un troisième chapitre a été consacré à l'étude détaillée du dihydroeugénol obtenu ci-dessus en quantité notable. Nous avons préparé un certain nombre d'esters qui n'étaient pas connus et des dérivés caractéristiques bien cristallisés : phényluréthane et diphényluré-thane.
Le propyl-4 cyclohexanol n'a été, jusqu'à présent, que très peu étudié. Aussi avons-nous dû lui consacrer un chapitre spécial (chap.IV).
Ce cyclanol peut ainsi être préparé à partir d'une matière première bon marché, en temps normal. Le prix de revient pourrait être encore amélioré en substituant à l'eugénol, l'essence de girofle de Madagascar qui contient 85 % de ce phénol.
L'hydrogénation catalytique des phénols, en présence de Ni, conduit à un mélange des deux alcools isomères cis et trans. La séparation de l'isomère trans est en général assez facile, car plusieurs de ses esters sont peu solubles alors que ceux du cis, étant beaucoup plus solubles, restent souillés de la portion de trans qui n'a pas précipité. Mais, par ailleurs, l'hydrogénation, par le platine, de la cétone résultant de l'oxydation chromique de l'alcool, fournit surtout de l'alcool cis. Nous avons ainsi pu obtenir les deux isomères presque purs. Un passage par la forme nitrobenzoate nous a permis de les régénérer absolument purs.
Par ailleurs, nous avons complété l'histoire de ce cyclanol, comme nous avions fait pour le dillydroeugénol, par la préparation d'un certain nombre de dérivés non encore décrits : esters minéraux (chlorure, bromure, sulfite), esters organiques et dérivés cristallisés, éthers-oxydes.
Enfin, nous avons étudié la déshydratation du propyl-4 cyclohexanol. A partir du propylcyclohexène obtenu ainsi, nous avons préparé l'oxyde d'élhylène correspondant, le diol, l'aminoalcool, les dérivés dichlorés et dibromés aboutissant aussi à des corps déjà connus et vérifiant la position relative 1-4 de la chaîne propyl et de l'hydroxyle. De même, l'oxydation du propyl-4 cyclohexanol nous a conduit à l'acide propyl-3 adipique, déjà préparé.
Dans un dernier chapitre (chap. V), nous avons fait une étude analogue du propyl-4 méthoxy-2 cyclohexanol (octahydroeugénol).
Une difficulté du même genre que pour le précédent se manifeste en présence d'un mélange de propyl-4 cyclohexanol et d'octahydroeugénol qu'on ne pouvait résoudre par distillation fractionnée. Nous avons cependant pu identifier l'octahydroeugénol en le transformant par déméthoxvlation acide, en diol-1-2 correspondant, c'est-à-dire en propyl-4 pyrocatachol caractérisé sous forme de son bis-phényluréthane.
Nous avions espéré obtenir une meilleure séparation en hydrogénant l'eugénol, par le platine, à froid. Notre espérance a été déçue et nous avons dû abandonner cette voie.
En revanche, le dosage du groupe méthoxy par la méthode Zeisel, dont nous avons dû faire un usage fréquent pour l'étude des mélanges de propyl-4 cyclohexanol et de propyl-4 méthoxy-2 cyclo-hexanol nous a amené à étudier les limites d’emploi de cette méthode dans le cas où une molécule méthoxylée se trouve mélangée à un cyclanol : cyclopentanol ou cyclohexanol. Nous avons montré comment l'élévation de température, d'une part, la durée d action, d'autre part, pouvaient fausser les résultats par excès, soit par coupure de la chaîne alcoyle, soit peut-être par rupture et morcellement du cycle.
Dans une deuxième partie, nous avons étudié, d'abord, quelques propriétés physiques, ensuite quelques propriétés biologiques de certains corps étudiés dans ce travail. La viscosité est fortement influencée par la position relative de la liaison éthénique dans la chaîne Elle est plus que quadruplée quand on passe de la position non conjuguée à la position conjuguée. L'hydrogénation du noyau intervient son tour en sens inverse. Mais cette dernière influence est corrigée par celle de la fonction alcool qui prend ici naissance par déméthoxylation. Au contraire, la tension superficielle baisse au fur et à mesure de l'hydrogénation des molécules ; le parachor, lui, reste constant.
Au point de vue des propriétés biologiques, nous avons eu surtout à comparer le dihydroeugénol avec ses générateurs : eugénol et isoeugénol Le fait dominant c'est que le pouvoir bactéricide n’est pas diminué par la saturation de la chaîne, il serait même plutôt exalté. Mais surtout, l'action irritante, érythémogène, souvent signalée pour l'eugénol, a disparu, ce qui est avantageux et semble ouvrir des voies nouvelles aux emplois pharmacologiques du dihydroeugenol.
Enfin une dernière et courte partie a été consacrée à l’étude de la réduction intense que subit, au cours de l'hydrogénation catalytique la fonction alcool semi-nucléaire du type alcool benzylique. Ayant rencontré ce phénomène au cours de nos recherches nous nous hommes demandé si on n'arriverait pas à le supprimer en bloquant la fonction alcool, soit sous forme d'ester, soit sous forme d éther. Nous avons été ainsi amené à constater que le blocage sous forme d'acétate n'augmente pas la stabilité, mais que le rôle de l'acide benzoïque était nettement plus actif puisqu'on obtient alors jusqu'à 17,0 % du corps totalement hydrogéné : le cyclohexylcarboxylate de méthylol cyclohexane. Le blocage sous forme d'éther-oxyde est au contraire à peu près sans influence. Dans le cas d'un éther benzylique, en effet, on aboutit intégralement, non pas à un mélange équimoléculaire des deux alcools, mais à un mélange de l'alcool ROH et de toluène.
Au cours de ce travail nous avons complété l'étude de quelques corps déjà connus, mais incomplètement décrits :
Propyl-4 mélhènedioxy-1-2 benzène ou dihydrosafrol.
Propyl-4 dihydroxy-1-2 cyclohexane et bis-phényluréthanes correspondants.
Propyl-4 cyclohexanol.
Acide propyl-3 adipique.
En outre nous avons préparé un certain nombre de composés non encore décrits, à notre
connaissance, avec leurs dérivés les plus importants et les plus caractéristiques.
Ce sont :
— Esters du propyl-4 cyclohexanol: méthanoate, éthanoate, propanoate, méthyl-propanoate,
butanoate, isovalérianate, benzoate, cinnamate, diphényluréthane, chlorure, bromure, sulfite.
— Ethers du propyl-4 cyclohexanol ou propyl-4 alcoxy-1 cyclohexanes : chlorométhoxy-1, éthoxy-1, propoxy-1, butoxy-1 cyclohexanes, acétal formique.
— Esters du dihydroeugénol : méthanoate, éthanoate, propanoate, méthyl-propanoate, butanoate, isovalérianate, p-nilrobenzoate, cinnamate, diphényluréthane.
— Cyclohexylcarboxylale de méthylol cyclohexane.
— Propyl-4 méthoxy-2 cyclohexanol ou octahydroeugénol, phényluréthane.
— Propyl-4 cyclohexanol cis, phényluréthane ; propyl-4 cyclohexanol trans ; nitro-4 benzoates cis et trans.
— Propyl-4 cyclohexanone, oxime, semi-carbazone, dinitro-2,4 phényl-hydrazone.
— Propyl-4 cyclohexène, nitrosochlorure.
— Propyl-4 époxy-1-2 cyclohexane.
— Propyl-4 amino-2 cyclohexanol.
— Propyl-4 dibromo-1-2 cyclohexane.
— Propyl-4 mélhoxy-1 cyclohexane ou octahydroanéthol.
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