Dassa-Girard : mil soumis à des contraintes hydriques

Documents disponibles au laboratoire de chimie du Muséum National d’Histoire Naturelle,

63 rue Buffon 75005 Paris

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Etude comparée des activités phosphatasiques acides et des paramètres hydriques foliaires de cultivars de mil (Pennisetum americanum L.) soumis à des contraintes hydriques

 

de

 

Michèle Dassa-Girard

 

INTRODUCTION

L'eau est un élément essentiel pour la vie des plantes ; elle constitue 85 à 90% du poids frais des tissus actifs des plantes herbacées. L'eau contribue au port érigé des végétaux ; elle permet le transport de différentes substances (éléments nutritifs, hormones...) ; elle commande divers mouvements (feuilles, stomates...) ; à l'échelon cellulaire, elle permet le déroulement du métabolisme.

 

Un  déficit hydrique apparaît dans la plante quand ses pertes en eau (transpiration) excèdent ses capacités d'absorption racinaire. La diminution du contenu en eau de la plante se répercute sur sa morphologie, sur ses activités métaboliques (photosynthèse, respiration...). Cette situation de déficit peut survenir aux moments les plus chauds de la journée ; cette situation est alors transitoire. Cependant des déficits plus sévères et durables apparaissent lorsque les conditions atmosphériques (température, vent, humidité de l'air) provoquent une évapotranspiration intense considérablement supérieure à la pluviométrie (cas des zones arides). Afin de lutter contre ce déficit, on peut réaliser une bonne gestion de l'eau par sa collecte et sa mise en réserve et réduire 1’évaporation des sols (travail du sol, modification de la texture, apport d’hydrorétenteurs synthétiques).

 

En zones semi-arides, la productivité végétale est soumise non seulement à des contraintes climatiques (sécheresse) mais aussi édaphiques (pauvreté et fragilité des sols) et aux maladies.

 

Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à la contrainte sécheresse ; nous avons essayé de comprendre une partie des mécanismes complexes de l'adaptation des végétaux à la sécheresse dans le but de fournir aux sélectionneurs des caractères physiologiques de résistance et des tests de criblage.

 

Nous avons étudié le comportement de cultivars de  mil (Pennisetum americanum L.), graminées cultivées dans les zones sahéliennes, soumis à deux types de contrainte hydrique, édaphique et osmotique. Le choix des cultivars a été fait en fonction des caractéristiques climatiques de leur zone d'origine.

 

Nous nous sommes plus particulièrement intéressés : au niveau cellulaire, au comportement d'enzymes (phosphatases acides) dont on sait que leurs évolutions dépendent de la contrainte hydrique supportée par les plantes et à la résistance protoplasmique des cellules appréciée par le maintien de l'ultrastructure membranaire au niveau de la plante entière, à l'évolution de paramètres hydriques tel que le potentiel hydrique foliaire (YH), le potentiel osmotique (Y0), le potentiel de turgescence (YP) et le contenu relatif en eau (RWC).

 

Nous avons alors pu mettre en relation l'évolution des paramètres hydriques à l'échelle de l'organisme avec celle de l'activité phosphatasique à l'échelle cellulaire et moléculaire.

 

Nous avons donc essayé d'étudier la physiologie de la plante entière dans ses relations avec le milieu extérieur. L'originalité de notre approche est le passage du général au particulier par une analyse à plusieurs échelles de perception depuis la plante entière passant par l'organe et en allant jusqu'aux mécanismes cellulaires.

 

CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVE DE RECHERCHE

Nous avons étudié le comportement de 3 populations de mil d'origine géographique  différente soumis à des contraintes hydriques (contrainte édaphique progressive et contrôlée et contrainte osmotique àl'aide de polyéthylène glycol 600). Nous avons essayé de relier les résultats obtenus à la répartition de ces 5 cultivars en fonction des isohyètes moyens.

 

Nous avons pu montré que les réponses à la sécheresse pouvaient se situer à plusieurs niveaux (à l'échelon de la plante entière et à l'échelon cellulaire) et faire appel à des phénomènes apparemment différents. Nous avons établi un tableau récapitulatif des paramètres étudiés montrant le comportement plus (+++) ou moins (+) résistant de chaque cultivar à la sécheresse et la possibilité du rôle adaptatif de ces paramètres.

Au niveau de la plante entière, nous avons observé chez nos 3 cultivars de mil, une augmentation de la matière sèche racinaire des plantes contraintes par rapport aux  plantes témoins. Cet accroissement est plus important chez les cultivars présumés résistants à la sécheresse.

 

A l'échelon cellulaire, nous avons noté chez nos 3 cultivars de mil contraints, un ajustement osmotique, c'est à dire une accumulation nette de solutés dans la vacuole  qui permet en particulier de maintenir une turgescence positive au niveau de la plante entière. Cet ajustement est plus important chez les cultivars résistants à la sécheresse.

 

Nous avons également observé des comportements différents de nos 3 cultivars de mil. Les cultivars présumés les plus résistants (SRM Dori et Douman) présentent une  stabilité de leur activité phosphatasique et une résistance protoplasmique plus grande que le cultivar présumé sensible (Kamboinse). Cette plus grande stabilité enzymatique pourrait être due, en partie, à une meilleure capacité de SRM Dori et  Douman à maintenir leur ultrastructure membranaire. Il y a donc une bonne correspondance entre la tolérance protoplasmique et les hypothèses de départ sur la  meilleure résistance de SRM Dori et Douman.

 

Cette résistance protoplasmique moins grande et le fait que Kamboinse maintient, au cours de la contrainte hydrique, un contenu relatif en eau (RWC) beaucoup plus  important que celui des 2 autres cultivars, permettrait de "classer" ce cultivar (Kamboinse) parmi les plantes qui évitent la déshy dratation de leur tissu.

 

Cependant, pour chaque "stratégie" de résistance (évitement ou tolérance), il y a une multiplicité de facteurs en cause et il est difficile de rattacher sans ambiguïté les différents cultivars à l'un de ces 2 grands groupes.

 

Pour le sélectionneur, les caractères de tolérance à la sécheresse de SRM Dori et Douman (ajustement osmotique, développement racinaire et résistance  protoplasmique) semblent plus intéressants à sélectionner, dans nos conditions expérimentales de contrainte hydrique, que ceux de Kamboinse.

 

Cependant ces conditions expérimentales sont très éloignées de celles du milieu naturel, et il serait indispensable de compléter cette étude par des recherches avec les  mêmes cultivars, poursuivies dans les conditions climatiques des zones semi-arides.  Par exemple, la plus grande variabilité génétique de Kamboinse, que nous avons rencontrée tout au long de nos expériences, pourrait lui conférer des avantages supplémentaires sur le terrain, par rapport aux deux autres cultivars. En effet, si la population de Kamboinse a gardé, en son sein, différentes potentialités de réponses à la déshydratation, elle pourrait se développer et donner des rendements convenables, dans des conditions de sécheresse différentes. A  l'opposé, la population de SRM Dori, beaucoup plus homogène, assurerait des rendements très importants pour un certain type de contrainte hydrique mais serait complètement décimée pour un autre type.

 

Le mil, apparaît être une espèce végétale moyennement résistante à la sécheresse par rapport à d'autres espèces comme le Cajanus cajan L. qui maintient un contenu en  eau élevé pour des potentiels hydriques de -7,0 MPa (FLOWER et LUDLOW, 1986). Il serait donc intéressant d'étudier, en parallèle, le comportement d'une autre graminée tropicale comme le sorgho qui est aussi l'une des bases de l'alimentation  en Afrique sèche. Cette espèce présente, peut être, d'autres caractéristiques de résistance à la sécheresse intéressantes à sélect tonner.

 

Chez les 3 cultivars de mil, que nous avons étudiés, au cours du traitement osmotique, a été mise en évidence l'augmentation de l'intensité de coloration d'une isoforme de la phosphatase acide ayant un point isoélectrique égal à 6,5. Grâce à la chromatofocalisation, on pourrait isoler cette protéine en fonction de son point isoélectrique et déterminer sa spécificité vis à vis de différents substrats. Cela  permettrait, peut être, de mieux comprendre le rôle éventuel de cette isoforme dans la résistance à la sécheresse du mil. Il serait également important de déterminer sa compartimentation cellulaire et histologique. En particulier, on pourrait étudier la répartition de l'activité phosphatasique acide entre les deux tissus chlorophyliens des feuilles, les gaines périvasculaires et le mésophylle.

 

Les études sur le rôle des protéines pourraient également être étendues à la recherche d'éventuelles synthèses de "protéines de contrainte hydrique" par analogie aux protéines de stress thermique  ("heat shock proteins") en utilisant des techniques complémentaires telles que 1'électrophorèse en deux dimensions de O'FARRELL (1975), la fluorographie ou bien 1'immunoenzymologie .

 






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